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carême, puisqu’il ne devrait pas y avoir, un seul jour dans toute notre existence où nous ne fissions quelque profit spirituel par la prière, la compassion, l’aumône et autres pratiques de la piété ? Et en effet, le grand apôtre à qui le Seigneur avait découvert des secrets que nul autre jusqu’aujourd’hui n’a connus, écrivait aux Corinthiens : Je meurs chaque jour pour votre gloire. (1Cor. 15,31) Il nous révélait ainsi que dans son désir de procurer l’avancement spirituel des fidèles, il s’exposait à de si grands périls que chaque jour il affrontait la mort. Mais cet héroïsme est au-dessus de la nature qui ne nous permet de mourir qu’une seule fois ; et cependant l’Apôtre bravait généreusement – mille morts, quoique le Seigneur dans sa bonté lui conservât une vie nécessaire au salut de ses frères. Or si Paul, élevé au faîte des vertus et de la sainteté, et qui était moins un homme qu’un ange, s’efforçait chaque jour d’avancer dans la piété, de combattre pour la vérité, et de braver mille périls pour la justice : et s’il se faisait un devoir de grossir chaque jour ses richesses spirituelles et de ne jamais se reposer, comment excuser notre lâcheté ? hélas ! nous sommes dénués de vertus et enclins à une multitude de vices, dont un seul suffirait à notre perte éternelle, et encore nous n’apportons aucun zèle à l’œuvre de notre conversion.
Dois-je ajouter que presque toujours le même homme est sujet à plusieurs défauts, et qu’il est à la fois colère et intempérant, avare, jaloux et violent ? Mais s’il ne veut ni se corriger de ces vices, ni s’exercer aux vertus opposées, quelle espérance peut-il avoir de son salut ! Au reste, je ne cesserai point de vous répéter ces maximes, afin que chacun de mes auditeurs y trouve un remède à ses maux, et qu’il éloigne les affections mauvaises qui troublent son âme. Alors il pourra s’appliquer avec zèle à la pratique des vertus chrétiennes. Car il est inutile que le médecin entreprenne le traitement d’un malade qui repousse ses soins, et qui, impatient et exaspéré par la douleur, rejette tous les remèdes qu’on lui présente. Quel homme sensé accuserait alors le médecin comme n’ayant point rempli son devoir et le rendrait responsable de ce quç le malade né guérirait pas ? C’est ainsi que je vous présente la doctrine sainte comme un remède spirituel, mais votre devoir est de le prendre, quelque amer qu’il soit, afin qu’il vous devienne réellement utile et qu’il vous rétablisse dans une santé parfaite. Quels immenses avantages vous en retirerez ; et, moi-même, combien je me réjouirai de voir ceux qui étaient faibles et malades recouvrer leurs forces et leur vigueur !
Je vous en conjure donc, que désormais chacun d’entre vous s’applique à déraciner son défaut dominant et qu’il se serve de quelque pieuse pensée comme d’un glaive spirituel pour le couper et l’extirper. Car Dieu nous a donné la raison, et, si nous voulons un peu la seconder, elle peut facilement étouffer tous nos vices. De plus, l’Esprit-Saint nous a laissé dans l’Écriture la vie et les exemples des suints qui, étant hommes comme nous, n’ont point laissé de s’illustrer par la pratique de toutes les vertus. Comment leur exemple ne nous, empêcherait-il pas d’être lâches et négligents dans la pratique de ces mêmes vertus ?
5. L’apôtre saint Paul était-il d’une autre nature élue nous ? Je l’avoue, je l’aime passionnément, et c’est pourquoi son nom se place si souvent sur mes lèvres. Je le considère donc comme le modèle achevé de la plus haute perfection, et, quand je contemple ses vertus, j’admire en lui la mortification entière de toutes les passions, l’excellence du courage et la ferveur de l’amour divin. Hélas ! me dis-je, Paul réunit en lui et fait briller toutes les vertus ; et moi, je n’ai pas le courage d’opérer le moindre bien. Eh ! qui nous arrachera aux supplices inévitables de l’enfer ? L’Apôtre, homme comme nous et sujet aux mêmes faiblesses, vivait en des temps bien difficiles, et chaque jour il était persécuté, battu et publiquement maltraité par ceux qui s’opposaient à la prédication de l‘Évangile. Souvent même ses ennemis pensaient qu’il avait expiré sous leurs coups et ils le laissaient comme mort. Ah ! où trouver parmi nos chrétiens mous et énervés ces grands exemples de fermeté ? Au reste, ce n’est pas de ma bouche, mais de la sienne qu’il vous faut apprendre quelles furent ses œuvres éclatantes et son courage pour la diffusion du christianisme.
Lorsque les calomnies des faux apôtres l’obligèrent à raconter ses propres, vertus, il ne le fit qu’avec la plus grande répugnance ; et, bien loin de s’y prêter complaisamment, il n’avait de hardiesse que pour se nommer un blasphémateur et un persécuteur. Mais, enfin, contraint de parler pour fermer la bouche à