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sagesse divine a marquées pour les divers travaux des champs : il sait quand il doit semer le blé, planter les arbres et confier au sein de la terre les racines de la vigne ; il sait également quand il doit mettre la faucille dans la moisson, dépouiller la vigne de son fruit, et recueillir les baies de l’olivier ; qui n’admirerait donc ici sa science et son expérience !
Si de la terre ferme nous nous élançons sur l’Océan, quelles merveilles nouvelles ! Le pilote distingue les vents favorables pour lever l’ancre, quitter le port et traverser les mers, et c’est principalement en lui que se révèle ce don d’intelligence que Dieu a départi à l’homme : car les courriers ne connaissent pas mieux les relais et les hôtelleries que les pilotes les ports et les rivages. Aussi la sainte Écriture, parlant de la divine sagesse, dit-elle avec un vif sentiment d’admiration : le Seigneur a tracé à l’homme usa chemin sur les mers, et une route assurée au milieu des flots. (Sag. 14,3) Quelle intelligence humaine pourrait comprendre toutes ces merveilles ! Nous trouvons encore ce même ordre et cette même variété dans les aliments qui forment la base de notre nourriture : car le Seigneur nous les diversifie selon les saisons et les époques de l’année, et de son côté, la terre, comme une bonne nourrice, ne manque point de nous prodiguer ses bienfaits aux temps précis que Dieu lui a marqués.
2. Mais je craindrais de trop m’étendre sur ces détails, et il vaut mieux les abandonner à vos réflexions. Donnez une occasion au sage, dit l’auteur des Proverbes, et il deviendra plus sage encore. (Prov. 9,9) Au reste, ce n’est point seulement dans les aliments dé l’homme, mais encore dans ceux des animaux, et dans une multitude d’autres phénomènes que nous pouvons reconnaître l’ineffable sagesse du Seigneur, admirer sa souveraine bonté et proclamer le bel ordre et l’harmonie de l’univers. Le carême lui-même nous offre cet admirable tempérament de sévérité et de douceur. Sur les routes publiques, les voyageurs fatigués trouvent des stations et des hôtelleries où ils peuvent se délasser et reprendre ensuite leur voyage ; les rivages de la mer offrent également aux nautoniers des ports tranquilles, où ils peuvent se reposer d’une longue navigation et des secousses de la tempête, et puis achever heureusement leur course. C’est ainsi que ceux qui ont commencé le jeûne du carême rencontrent aussi des stations et des hôtelleries, des rivages et des ports hospitaliers, car le Seigneur nous dispense du jeûne deux jours de la semaine, afin que le corps se remette de ses fatigues, que l’âme se repose de ses préoccupations, et que nous puissions ensuite poursuivre gaiement le cours de nos exercices.
Mais aujourd’hui se rencontre un de ces jours de relâche ; nous vous en conjurons, mes chers frères, conservez avec soin les fruits que vous avez déjà retirés du jeûne. Demain, après avoir pris de nouvelles forces, vous augmenterez ces trésors spirituels, vous ferez dans ce saint négoce des gains abondants, en sorte qu’au jour du Seigneur, votre navire, chargé d’une riche cargaison, entrera à pleines voiles dans le port de la grande solennité : car toutes les œuvres du Seigneur, comme la marque l’Écriture, et comme l’expérience nous le révèle, portent le sceau d’une souveraine sagesse, et d’une éminente utilité, et c’est ainsi que dans toute notre conduite rien ne doit être l’effet de la légèreté ou de l’irréflexion ; toutes nos actions, au contraire, doivent tendre à l’avantage et au succès de notre salut. Dans le monde on n’entreprend guère d’affaires si d’abord on ne prévoit qu’elles seront lucratives ; et n’est-il pas bien juste que nous imitions cette prudence ? C’est pourquoi il ne suffit pas que les semaines du carême s’écoulent ; mais il est nécessaire que chacun examine sa conscience, et qu’il se rende compte de ce qu’il a fait de bien dans la semaine présente et dans celle qui a précédé ; il appréciera ainsi les progrès qu’il a faits dans la vertu, et reconnaîtra les vices dont il se sera corrigé.
Ces règles de conduite et ce soin de notre salut peuvent seuls nous rendre utiles le jeûne et l’abstinence. Eh ! combien peu faisons-nous en comparaison du zèle que déploient les marchands pour augmenter leurs richesses : car vous n’en trouverez aucun qui ne travaille avec une continuelle assiduité, qui ne cherche à grossir chaque jour son gain, et qui jamais paraisse satisfait ; aussi plus son commerce devient lucratif, et plus s’accroissent ses soins et son zèle ; mais si les hommes montrent tant d’activité dans des choses où le succès est incertain, et où le gain est souvent dangereux pour le salut, que ne devons-nous point faire dans ce négoce spirituel, où le profit correspond toujours au travail, et où nous sommes assurés de recueillir d’ineffables récompenses