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et il n’exige rien au-dessus de nos forces. Ce n’est donc point précisément l’abstinence et le jeûne qu’il nous demande, et il n’est point satisfait, par cela même que nous différons notre repas jusqu’au soir. Mais il veut que, moins appliqués aux affaires de la terre, nous don nions plus de soin à celles de notre âme. Car, si toute notre vie s’écoulait dans, la pratique de là tempérance chrétienne et si nous accordions aux exercices de la piété tous nos loisirs ; si nous ne prenions que la nourriture absolument nécessaire, et si nous dépensions toutes nos journées en une suite de bonnes œuvres, nous n’aurions aucun besoin du jeûne. Mais l’homme est naturellement lâche et négligent ; il se complaît dans les plaisirs et il recherche la mollesse. Aussi, le Seigneur, comme un bon père qui aime ses enfants, a institué le salutaire correctif du jeûne. C’est ainsi qu’il coupe court à toutes nos délicatesses ; en sorte qu’il nous est facile de consacrer à la piété le temps prélevé sur les préoccupations de la terre. Si quelques-uns ne peuvent donc, par faiblesse de tempérament, observer le jeûne dans toute sa rigueur, je les exhorte à s’accorder un soulagement nécessaire, et surtout à ne point manquer à nos réunions. Car, en venant ici après leur repas, ils n’en seront que mieux disposés et plus attentifs.
2. Et en effet, il est, en dehors de l’abstinence et du jeûne, d’autres voies qui nous conduisent sûrement à Dieu. Ainsi, que celui qui est obligé d’avancer l’heure de son repas, compense cette infraction à la loi du jeûne par des aumônes plus abondantes, des prières plus ferventes et un zèle plus assidu à écouter la parole sainte. La faiblesse du tempérament ne peut être ici une excuse. Je lui demande encore de se réconcilier avec ses ennemis et de bannir de son cœur tout sentiment de haine. La pratique de ces vertus constitue ce jeûne vrai et sincère que le Seigneur exige. Car il ne nous prescrit l’abstinence que comme un moyen de réprimer les passions de la chair, et de la soumettre à l’esprit, qui en deviendra lui-même plus obéissant à la loi divine. Si nous négligeons donc l’utile secours du jeûne, sous le spécieux prétexte d’une santé mauvaise, mais en réalité par lâcheté, nous sommes des insensés et nous nous exposons à de graves dommages. Car, puisque le jeûne ne sert de rien sans la pratique des autres vertus, combien ne serons-nous pas coupables, si, ne pouvant user de l’appui du jeûne, nous abandonnons en outre l’exercice des bonnes œuvres.
Je vous parle ainsi pour vous engager, vous tous qui pouvez jeûner, à le faire avec tout le zèle et toute la ferveur dont vous êtes capables. Car autant l’homme extérieur se détruit en nous, autant l’intérieur se renouvelle. (2Cor. 4,16)
Et en effet, le jeûne affaiblit le corps et réprime les mouvements de la concupiscence il purifie l’âme et lui donne comme des ailes pour s’élancer vers le ciel. Quant à ceux de vos frères qu’une mauvaise santé empêche de jeûner, exhortez-les à ne point se priver de nos festins spirituels, et en leur rapportant mes paroles, dites-leur bien que celui qui boit et mange modérément n’est point indigne de prendre place dans cette enceinte, et qu’elle n’est fermée qu’aux auditeurs lâches et intempérants. Il sera également utile de leur rappeler cette parole de l’Apôtre : Celui qui mange, le fait pour le Seigneur ; et celui qui s’abstient, le fait en vue du Seigneur, et il rend grâces à Dieu. (Rom. 14,6) Jeûnez-vous, bénissez le Seigneur qui vous donne la force de soutenir les rigueurs du jeûne ; êtes-vous obligé d’anticiper votre repas, bénissez, et vous aussi le Seigneur, parce que si vous le voulez, cette infraction à la loi ne vous sera point nuisible, et elle ri' apportera aucun préjudice au salut de votre âme. Car il est impossible de compter toutes les voies que la bonté du Seigneur nous ; ouvre et qui dirigent vers lui notre bonne volonté. En parlant ainsi, j’ai en vue les absents et je me.propose de leur ôter tout prétexte de honte. Car, sachez-le bien, il n’y a rien dans leur conduite qui doive les faire rougir. On ne doit rougir que du péché, et non d’avoir pris quelques aliments.
Le péché mérite seul qu’on en soit honteux ; et quand nous l’avons commis, nous avons raison de rougir et de nous cacher. Nous devrions alors ne pas noua estimer moins malheureux que ceux qui ont fait naufrage, et néanmoins ne point perdre courage. Il faut seulement nous hâter de recourir au repentir et à, la confession. Et en effet, lorsque nous avons péché par faiblesse, le Seigneur notre Dieu n’exige rien autre chose sinon que nous confessions nos fautes et que nous fassions un ferme propos de n’y plus retomber. Mais nous n’avons aucune raison de rougir quand nous mangeons modérément. Car c’est Dieu