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vous n’entendrez louer avec empressement l’homme désintéressé, le pauvre volontaire on exaltera au contraire l’homme d’argent, l’usurier, le courtisan, celui qui s’abaisse à des emplois serviles pour un lucre méprisable. Voilà ce qui fait gémir le Prophète : c’est que le vice triomphe au point de s’étaler, d’avoir son franc parler, et, ce qui est pis, de ne pas rougir : que dis-je ? Ce n’est pas lui seulement qui se vante de ses démarches : il trouve encore des flatteurs autour de lui. Quelle plus détestable folie ? « Le pécheur a irrité le Seigneur. » Suivant un autre : « Parce que l’homme injuste s’étant félicité des désirs de son cœur, et l’avare les ayant bénis, ont irrité le Seigneur. Quand sa colère s’est élevée, il ne recherche plus. » Un autre dit : « Parce qu’il a chanté dans la passion de son âme, et que l’avare ayant béni, a offensé le Seigneur. Un impie dans l’enivrement de son cœur ne recherche plus. » Les Septante traduisent : « Le pécheur a irrité le Seigneur dans la grandeur de sa colère, il ne recherchera pas. » Voyez-vous à quel excès en est venue leur perversité ? Pourquoi parler de l’affliction que cela cause aux pauvres ? Dieu même en est irrité. « Et dans la grandeur de sa colère, il ne recherchera pas : » entendez « Dieu. » Un autre croit qu’il s’agit ici de l’impie « dans son enivrement », c’est-à-dire, son orgueil, sa présomption. Voyez quel excès de démence, quelle perdition ? Le voilà ennemi de tous les siens, brouillé avec la vertu, amant et panégyriste du vice. Un autre dit admirablement : « Dieu n’est pas dans toutes ses pensées », indiquant par là qu’il ne recherche pas Dieu, parce que son esprit est plein de ténèbres, parce qu’il n’a pas la crainte de ce saint nom devant les yeux. De même que la chassie trouble la prunelle, de même le vice obscurcit l’intelligence et la pousse à sa perte. « Dieu n’est pas en sa présente. » D’après un autre : « Dans toutes ses pensées. Ses voies sont profanées en tout temps, vos jugements sont ôtés de devant sa vue. » Un autre dit : « Votre jugement a « été enlevé. »
Voyez-vous quel est le fruit du vice ? La lumière s’éteint chez le coupable, son esprit s’aveugle, il est livré comme un captif à la méchanceté. De même qu’on voit souvent un aveugle tomber dans un abîme, ainsi le pécheur, quand il n’a plus la crainte de Dieu devant les yeux, reste constamment dans l’iniquité ; ce n’est plus une alternative de vice et de vertu, c’est le vice tout pur ; il oublie la géhenne, le jugement futur, les comptes à venir ; il rejette tous ces secours comme autant de freins importuns ; le voilà comme une barque sans lest, abandonnée à la fureur des vents et des flots, sans guide pour remettre sa pensée dans la voie. Voyez-vous comment le coupable trouve sa punition dans son vice même ? En effet, quoi de plus malheureux qu’un cheval sans frein, qu’une barque sans lest, qu’un homme atteint de cécité !
10. Eh bien ! il est encore plus à plaindre l’homme qui vit dans l’iniquité, qui a éteint en lui la crainte de Dieu, qui n’est plus qu’un malheureux captif. – « Il triomphera de tous ses ennemis. Car il a dit dans son cœur : Je ne serai point ébranlé : de génération en génération je resterai à l’abri du mal. » D’après un autre : « Il dissipe d’un souffle tous ses ennemis, disant dans son cœur je ne serai pas ruiné dans la suite des générations. Car je ne serai pas dans l’affliction. » Voyez quel orgueil ! quelle affreuse perdition ! quel acheminement à la mort ! Voilà pourtant ce qu’admire la sottise : un abîme d’infortune. Vous savez maintenant comment se fait le naufrage. Le coupable est loué dans ses péchés, béni dans ses iniquités. Voilà le premier abîme, bien suffisant pour tuer celui qui n’y prend pas garde.
Nous devons donc accueillir avec plus de gratitude les reproches et les réprimandes que les éloges, que de pernicieuses flatteries. Voilà ce qui perd les sots et les pousse à de plus graves fautes, comme en inspirant l’orgueil à ce pécheur, on lui enseigna la démence. Aussi Paul dit-il aux Corinthiens en parlant du fornicateur : « Et vous êtes enflés, et vous n’avez pas gémi plutôt ? » (1Cor. 5,2) Il faut gémir, gémir encore sur le pécheur, et non pas le louer. Vous avez vu cette méchanceté qui arrive à l’excès parce qu’au lieu de la gourmander, on lui donne des louanges. Aussi égaré à la fois par son propre délire et par ces éloges le pécheur redouble de perversité, il oublie Dieu et ses jugements ; il oublie jusqu’à sa propre nature. En effet celui qui oublie les jugements de Dieu finit avec le temps par s’oublier lui-même. Voyez comment il raisonne. « Je ne serai pas ébranlé dans la suite des générations, et je serai à l’abri du mal. » Quel