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empruntées au langage humain : il suffit à Dieu de reprendre, et les coupables qui doivent être punis périssent. – Ce qui suit est propre encore à vous faire comprendre sa puissance : Vous avez effacé leur nom pour les siècles des siècles. Vous les avez exterminés, ruinés de fond en comble, anéantis de telle sorte que leur souvenir même a disparu. « Les épées de l’ennemi ont perdu leur force pour toujours. » Un autre dit : « Les ruines. » Le texte hébreu porte « Arboth. » Et « vous avez détruit leurs villes. » Qu’est-ce à dire ? C’est-à-dire qu’après avoir frappé d’impuissance leurs projets et leurs machinations, vous leur avez enlevé jusqu’à leurs propres armes Voilà ce que c’est que la colère de Dieu : Elle fait disparaître et détruit tout. Ou encore, selon un autre interprète : « Les déserts. » C’est-à-dire : vous n’avez pas seulement ruiné les villes, vous avez anéanti jusqu’aux déserts. C’est ainsi que notre juste faisait la guerre : il ne tuait pas ses ennemis avec des armes, avec des javelots : Il n’avait d’autre arme que la protection divine. Aussi cette guerre le couvrit-elle de gloire, aussi la victoire couronna-t-elle ses efforts. « Sa mémoire a péri avec bruit. » Un autre dit : « Avec eux ; » le texte hébreu est « Em. » Que signifie cela : « Avec bruit. » Il veut indiquer soit une extermination générale, soit les cris de douleur des victimes. – Et c’est encore une marque de la sollicitude divine, de ne pas faire ces choses en secret, de telle sorte que le malheur des uns corrige les autres. Le Psalmiste a donc en vue la notoriété de ce désastre.
4. « Et le Seigneur subsiste éternellement. » Suivant un autre : « Sera assis. » Souvent on désigne ainsi sa permanence : de même Jérémie : « Vous qui êtes assis pour l’éternité. » (Bar. 3,3) Le texte hébreu donne ici « Jéseb. » Le Prophète revient toujours sur cette idée à propos des hommes qui périssent : il montre par là que l’essence de Dieu est éternelle, que si l’espèce humaine est éphémère, Dieu et sa grandeur sont impérissables. Il agit ainsi afin de nous alarmer, de nous inspirer, pour ainsi dire, un double effroi, en nous représentant d’une part la grandeur de la gloire divine, de l’autre l’imperfection de notre propre nature, devant celui qui ne meurt pas, et dont la justice est formidable. Que si nous trouvons ici quelque figure, il ne faut pas nous refuser à la voir. Il y a des textes qui appellent la méditation ; il y en a d’autres qu’il ne faut pas prendre autrement qu’à la lettre, par exemple : « Au commencement Dieu fit le ciel et la terre. ».D’autres répugnent à l’interprétation littérale, comme celui-ci. « Que la biche de votre amitié et le poulain de vos bonnes grâces vivent familièrement ; avec vous. » (Prov. 5,19) Et encore : « Que ce que vous avez soit à vous seul, et qu’aucun étranger ne le partage avec vous. Que la source de votre eau soit à vous seul. » (Id. 17-18) Si en examinant ce texte, vous ne fuyez pas la lettre, pour vous attacher à l’esprit, ce n’est plus qu’un précepte d’inhumanité, une recommandation de ne donner d’eau à personne : mais il s’agit ici de l’épouse : l’écrivain sacré nous prescrit de vivre chastement avec notre femme : et ces noms de source et de biche font allusion à la pureté de l’union conjugale. Voilà pour ce qui regarde ce passage : ailleurs il faut tenir compte et de la lettre et de l’esprit. Exemple : « Comme Moïse a élevé le serpent. » (Jn. 3,14) En effet, il faut voir dans ce passage à la fois l’expression d’un fait qui arriva réellement, et un emblème pour désigner le Christ. De même ici l’on ne se tromperait pas en appliquant aux Juifs les paroles du Psalmiste : « Vous vous êtes assis sur votre trône, vous qui jugez selon la justice. Vous avez repris les nations, et l’impie a péri vous avez effacé son nom pour l’éternité, et pour les siècles des siècles. Les épées de l’ennemi ont perdu leurs forces pour toujours ; et vous avez détruit leurs villes. Leur mémoire a péri avec bruit. » Car ceux qui ont crucifié le Christ ont vu eux-mêmes leur malheur divulgué par toute la terre, leurs villes ont été détruites, les artifices du diable ont perdu leur force, déjoués par la sollicitude du Christ. Mais laissons les esprits studieux compléter ce rapprochement, et poursuivons notre sujet. « Il a préparé son trône dans le jugement. » Un autre dit : « Il a assis pour le jugement. » « Et lui-même jugera le monde avec justice, jugera les peuples avec droiture. » Voyez-vous comment son langage s’élève peu à peu ? Après avoir fait mention du trône, il en fait connaîtra la nature : ce n’est pas un trône de planches, ni de toute autre matière ; c’est un trône de justice, fondé sur la justice. « Il jugera le monde avec justice. » Il parle à la fois pour le présent et pour l’avenir. Le jugement général est réservé pour l’autre monde ; mais le jugement particulier commence ici même. Il porte dans le présent même de nombreux effets, afin que les insensés ne puissent révoquer en doute l’existence d’une Providence. Que si tous ne reçoivent pas ici-bas leurs couronnes, ne vous en étonnez pas. Car Dieu « a préparé un jour, dans lequel il doit juger la terre. » (Act. 17,31) Ce monde-ci n’est que le stade, la carrière, l’arène. Voilà pourquoi tous ne sont pas rétribués selon leur mérite, pourquoi les récompenses, les supplices attendent là-haut le mérite et la faute ici-bas, support et longanimité, afin que nous puissions expier nos péchés par le repentir mais là-haut, il n’en est pas de même ; tant qu’un meurtrier est libre de ses démarches, il est maître de s’amender et de se dérober au châtiment ; mais une fois qu’il est tombé sous la sentence du juge, c’est le tour du glaive, du bourreau, du gouffre fatal. Il en est de même ici. Tant que nous sommes dans la vie présente, il nous est possible d’échapper au châtiment par la conversion : mais une fois partis pour l’autre séjour, nos gémissements seront inutiles : « Il a préparé son trône dans le jugement. » On peut, sans faire erreur, prendre à la lettre cette expression : « Il a préparé : » en effet tout est préparé, et les supplices, et les couronnes, et la sentence. Il n’y a ni retard, ni répit, ni délai auprès de Dieu, puisque les vivants ne devanceront pas ceux qui sont endormis : « Nous les vivants », dit Paul, « nous qui restons pour la venue du Seigneur, nous ne devancerons pas ceux qui seront endormis. » (1Thes. 1,16) Considérez la sagesse du Prophète : voyez comment il parle à la fois de l’avenir et du présent. Du présent : « Vous avez repris les nations et l’impie a péri. » De l’avenir : « Il a préparé son trône dans le jugement. Et lui-même jugera le monde avec justice. » C’est afin de convaincre par le présent ceux qui ne croient pas aux choses de l’autre vie « Et le Seigneur est devenu un refuge pour le pauvre. » Suivant un autre : « pour l’opprimé ; » suivant un autre : « pour l’affligé. » Il ne cesse de s’appeler pauvre et mendiant bien qu’il habite un palais. De même ailleurs : « Je suis pauvre et mendiant. » (Ps. 39,18) II savait, en effet, il savait bien que les choses humaines ont moins de consistance qu’une ombre, et rien ne nous appartient en propre autant que la vertu, que tout le reste ressemble aux