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« C’est moi », dit-il, « qui ai déployé le ciel, c’est ma main qui a fondé la terre, ma droite qui l’a consolidée. » (Is. 48,13) Il ne parle jamais que des choses visibles, ne considérant en toute chose que le salut de ceux qui l’écoutent. En effet ces hommes grossiers étaient plus sensibles à ce qui frappe la vue qu’à ces choses qu’elle ne peut atteindre. C’est pourquoi Paul, toutes les fois qu’il s’avance pour prendre la parole, commence par entretenir ses auditeurs des créatures visibles « Dieu qui a fait le ciel, la terre, la mer, et tout ce qu’ils renferment. » (Act. 17,24) Les pluies annuelles, l’espèce humaine, voilà ce qui lui fournit constamment le début de ses discours. Si je dis que Dieu a fait les chérubins, j’ai deux choses à démontrer : qu’il y a des chérubins et qu’il en est le créateur, quand il s’agit au contraire d’objets visibles, il me suffit de prouver qu’il les a faits. Le discours en devient plus aisé ; car alors il s’appuie sur le témoignage de la vue. La grandeur, la beauté, l’utilité, l’ordre, la proportion sont choses que l’auditeur peut voir. Il me reste seulement à établir que Dieu en est l’auteur. Et pourquoi ne fait-il pas mention du soleil, mais seulement de la lune et des astres ? En parlant de ceux-ci, il fait entendre aussi le soleil. Comme il y a des gens qui éliminent la nuit de la création divine, il indique en nommant la lune, que Dieu en est aussi l’auteur. La diversité des astres est infinie, et il serait long d’énumérer toutes les phases de la lune. « Qu’est-ce que l’homme pour que vous e vous souveniez de lui, ou le fils de l’homme. « pour que vous le visitiez[1] ? » Après avoir parlé de la création, et avoir élevé l’esprit du particulier au général, il passe à la sollicitude de la Providence pour les hommes. Ce qu’il dit ici concerne spécialement l’homme. Sans doute ce qui précède touchant la Providence le concerne également : car toute la création est faite en vue de l’homme. Mais il aborde ici une autre forme de providence, et il ne se borne pas à en parler avec une infinie gratitude, il remercie le Seigneur au nom de l’univers ; il rappelle ses bienfaits d’une manière générale, et insiste sur les soins tout particuliers qu’il a pris du genre humain. En effet, si l’homme n’était rien dès l’origine, à plus forte raison en était-il ainsi lors de la venue du Christ, après tant d’horribles péchés. Le Psalmiste montre que la venue du Christ n’est pas étrangère à la miséricorde, qu’elle est due à une suprême bonté. Comme un bon médecin, il a laissé ceux qui étaient en santé pour venir à nous, êtres malades, créatures de néant. De là cette expression : « Qu’est-ce que l’homme ? » En d’autres termes l’homme n’est rien, n’est que misère. À la vue d’une telle sollicitude, d’une si admirable providence, de tant d’œuvres accomplies pour sauver le genre humain, David se demande avec étonnement et stupeur quel est donc cet être que Dieu a jugé digne de pareils soins. Songez que toutes les choses visibles ont été faites pour lui ; songez que depuis Adam jusqu’à la venue du Christ tout a été réglé pour son intérêt, songez que le paradis, les préceptes, les châtiments, les miracles, les supplices et les bienfaits qui suivirent la loi, que tout cela a été combiné en vue de l’homme ; que le Fils de Dieu s’est fait homme à cause de lui. Et qui pourrait dire les biens qui lui sont réservés dans la vie future ? – C’est parce qu’il se rappelle tout cela que David s’écrie : Qu’est-ce que l’homme pour que vous l’ayez jugé digne de si grands bienfaits ?
7. En effet, si l’on réfléchit à tout ce qui s’est fait ou se fait en vue de cette créature, à tout ce qui lui est encore promis, on se sent pénétré d’effroi ; et c’est alors qu’on peut juger comme il faut, à quel point elle est chère à Dieu. « Vous l’avez abaissé un peu au-dessous des anges. » D’autres disent : « Un peu au-dessous de Dieu. » Le texte hébreu est Outhasreou mat me Eloim. Il rappelle ici la condamnation, l’ancienne faute, la mort. Mais la mort même fut vaincue par la venue du Christ. « Vous l’avez couronné de gloire et d’honneur. » Un autre dit : « Vous le couronnerez de gloire et de noblesse. » On peut prendre ses paroles soit dans le sens historique, soit dans le sens anagogique : David parle du pouvoir dont l’homme fut investi dès sa naissance : il parle aussi des biens que lui procura dans la suite la venue du Christ. À l’origine, Dieu dit à l’homme : « Votre crainte sera sur tous les animaux. » (Gen. 9,2) Et encore. « Qu’ils règnent sur les poissons de la mer ! » (Gen. 1,26) Plus tard il dira : « Marchez sur les serpents et les scorpions. » (Lc. 10, 19) Mais David omet ce dernier point, et s’attache de préférence à des considérations

  1. Le saint orateur indique ici deux légères variantes qui disparaîtraient dans une traduction.