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votre punition. N’avez-vous pas entendu Dieu vous dire, lorsque vous étiez en captivité : « Si j’agis de la sorte, ce n’est pas à cause de vous, c’est pour que mon nom ne soit pas profané ? » Cependant votre méchanceté était alors à son comble. Néanmoins Dieu vous dit : Pour que les infidèles ne croient pas que je suis faible, je néglige vos péchés et je vous conserve. Eh bien ! si dans ces circonstances, il épargna les coupables, afin que son nom ne fût pas profané ; comment n’aurait-il pas fait la même chose dans le cas présent ? Quelques crimes que vous eussiez pu commettre, vous ne deviez point subir un pareil traitement, si le Christ était vraiment un imposteur, un traitement propre à faire croire que vous étiez frappés à cause de lui. Loin de là, vous auriez dû être sauvés, et, en tout cas, je le répète, le moment était mal choisi. Mais, dans le fait, ces deux choses sont arrivées en même temps. A peine la croix eut-elle paru, les apôtres se mirent en campagne, et bientôt une guerre terrible vint menacer votre capitale alors on vit se confirmer le mot des Évangiles : « Malheur aux femmes qui allaitent et « à celles qui sont enceintes (Mt. 24,19) ! » et tant d’autres. Alors se réalisa la prédiction « En ce temps il y aura une affliction telle qu’on n’en a jamais vu. » (Lc. 21,23) Des femmes mangèrent leurs enfants, les ennemis éventrèrent des cadavres, l’incendie allumé par les barbares dévora tout, le sang coula à torrents, on vit des tragédies inouïes ; le malheur des Juifs remplit l’univers. Instruits par ces souvenirs, reconnaissez enfin votre Maître. Vous avez massacré des prophètes, avez-vous été punis de la sorte ? Vous avez ruiné des autels, pareil malheur vous est-il arrivé ? Vous avez adoré le veau d’or, vous vous êtes fait initier au culte de Belphégor, vous avez méconnu la nature, avez-vous eu à combattre de pareils ennemis ? N’est-il pas vrai qu’ingrats parmi les bienfaits dont vous étiez comblés, vous subsistiez néanmoins ? D’où vous viennent donc aujourd’hui ces malheurs qui n’auront pas de fin ? N’est-il pas clair qu’ils proviennent de ce que vous vous êtes attaqués au Maître et non plus aux serviteurs. Voilà pourquoi vos maux ne finissent pas, ne finiront jamais. S’ils devaient finir, les prophètes l’auraient dit. Mais ils ont parlé de la captivité, et jamais du retour, malgré leur coutume de mêler les biens et de marquer la durée des épreuves. Ainsi, Jérémie annonce soixante-dix années, et Daniel, trois semaines et demi[1] ; et il est écrit que la servitude en Égypte durera 430 ans. Quant à la captivité actuelle, la durée, la fin n’en sont indiquées nulle part, mais votre maison est déserte, et chaque jour voit s’augmenter vos maux.
6. Réfléchissez bien en vous-mêmes à tout cela, développez ce qui vient d’être dit (« Fournissez une occasion au Sage », est-il écrit, « et il sera plus sage. » (Prov. 9,9) Et vous pourrez facilement convaincre les Juifs d’impudence et d’ingratitude. « Parce que je verrai les cieux, ouvrages de tes doigts. » Un autre dit : « Car je vois les cieux, la lune et les astres que vous avez fondés. » Un autre interprète : « que vous avez disposés » un autre : « que vous avez établi à leur place. » Après avoir dit que Dieu a détruit les ennemis, il donne la preuve de cette glorieuse victoire. Vous, le Crucifié, dit-il, vous, le condamné à mort, vous êtes apparu comme le créateur de l’univers. De là ces mots : « Je verrai les cieux : » par là il fait voir que si précédemment cela était généralement ignoré, tous le sauront désormais. Et pourquoi ne passe-t-il pas en revue toutes les parties de l’univers ? C’est qu’après avoir parlé des plus importants parmi les objets visibles, il n’avait pas besoin de nous instruire au sujet des autres. Ses ennemis ont donc été détruits si complètement que celui qu’ils persécutaient, celui qu’ils avaient fait périr, s’est révélé comme le créateur de toutes les choses sensibles. Et pourquoi n’avoir pas dit de vos mains, mais de vos doigts ? C’est pour montrer que les objets visibles ne lui ont pas coûté de peine ; c’est aussi faire allusion à cette merveille de la création, que les astres ne tombent pas de la place où ils sont suspendus : cependant il n’est pas dans la nature des fondements d’être suspendus en l’air, mais de reposer en bas. Mais cet habile et merveilleux créateur a presque partout, dans ses ouvrages, franchi les limites de l’ordre naturel. Et pourquoi ne dit-il rien des puissances incorporelles, pourquoi s’en tient-il à cette preuve de l’industrie divine ? Parce que dans ce temps-là, Dieu ne voulait instruire les hommes que de ce qui regarde les choses apparentes. Voilà pourquoi le Père, dans ses fréquents entretiens avec les Juifs, ne leur dit pas : C’est moi qui ai fait les anges et les chérubins.

  1. Erreur imputable soit à l’orateur, soit aux copistes.