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ceux qui sont encore à la mamelle une louange parfaite. » Un autre dit : « Vous vous êtes servi de la bouche des enfants pour fonder votre puissance. » Un autre : « pour constituer votre pouvoir. » Le sens est : Vous avez déployé votre puissance en cela surtout, que vous avez donné des forces à la faiblesse, et délié pour l’hymne de gloire des langues balbutiantes. Il prédit par là le cantique des enfants dans le temple. Et pourquoi donc omettre tant d’autres prodiges, résurrections, guérisons de lépreux, expulsion de démons, pour faire mention de ce prodige accompli chez les enfants ? Parce que les premiers de ces prodiges avaient eu des précédents analogues, sinon semblables, et d’une certaine conformité, sinon vraiment pareils. Un mort se réveilla à la voix d’Élisée, un lépreux fut guéri, un démon chassé grâce à David, lors de la possession de Saül : Mais alors pour la première fois on ouït parler des enfants à la mamelle. Et afin que les Juifs n’aient pas l’impudence de prétendre qu’il s’agit en cet endroit de faits contemporains de l’Ancien Testament, il a fait choix d’un miracle jusqu’alors inouï. D’ailleurs cet événement était une image qui figurait les apôtres : car eux aussi, bien qu’incapables de parler et plus muets que des poissons, finirent par prendre tout l’univers dans leurs filets. Mais la preuve que la puissance de Dieu éclate surtout en cela, la voici dans l’Ancien Testament même : Voyez ce que le prophète dit du Père lui-même. Dieu dit, parlant à Moïse : « Qui a fait le muet et le sourd, le clairvoyant et l’aveugle ? » (Ex. 4,11) Et encore « Donnant des langues déliées à ceux qui parlent difficilement. » (Is. 25,6) Et ailleurs : « Dieu me donne la langue d’instruction, afin que je sache quand il convient de parler. » (Id. 4) Il dit encore au commencement : « Venez, descendons et confondons leurs langues. » (Gen. 11,7) Voilà une forte et solide preuve. Les autres pouvaient laisser encore, sinon quelque raison, du moins certain prétexte de clouter, à la mauvaise foi : ici, rien de pareil c’est la nature qui, de son propre mouvement, entre en contradiction avec elle-même. Voilà pourquoi l’écrivain sacré ne se borne pas à désigner les enfants par un mot qui pourrait s’appliquer aussi aux esprits simples ou aux innocents, et ajoute : « Et ceux qui sont encore à la mamelle », caractérisant l’enfance par la façon dont on la nourrit. « Ceux qui sont encore à la mamelle », dit-il, ceux qui ne goûtent pas encore aux aliments solides. Aussi, ce qu’il y a d’étonnant, ce n’est pas seulement qu’ils aient parlé et d’une voix distincte, c’est encore que leurs paroles aient été toutes chargées de bénédictions. Ce que ne savaient pas encore les apôtres, ces enfants le chantaient. Une autre conclusion qui ressort de là, c’est que les hommes qui s’approchent des dogmes doivent devenir enfants par le cœur. « Si l’on ne reçoit pas le royaume des cieux dans les dispositions d’un enfant, on ne pourra pas y pénétrer. » (Mt. 18,3)
« À cause de vos ennemis. » Il indique après cela la raison de ce miracle : Les autres n’arrivèrent point à « cause des ennemis », mais afin de rendre service à ceux qui les verraient, et d’instruire le reste des hommes par leur entremise. Mais ce ne fut point la seule raison de ce nouveau miracle ; il eut encore pour but de fermer la bouche aux ennemis, à ces ennemis qu’un autre désigne plus distinctement par ces mots : « À cause de ceux qui vous enchaînent. » Ce sont eux, en effet, qui le lièrent, quand on le conduisit à la croix. « Pour détruire l’ennemi et celui qui veut se venger. » Un autre dit : « Pour arrêter l’ennemi et celui qui se venge », désignant par là le peuple juif. En effet, les Juifs persécutaient le Christ comme un ennemi, et ils feignaient d’agir ainsi pour venger le Père. Voulant leur fermer ce refuge, il dit : « Celui qui me hait, hait « aussi mon Père (Jn. 15,23) », et encore : « Celui qui croit en moi, crois-en Celui qui a m’a envoyé. » (Id. 12,44) Associant là-haut et ici-bas son Père à ses honneurs – et à ses affronts. Et voyez l’exactitude du prophète. Il ne dit pas pour punir, mais « pour détruire », ce qu’un autre rend par ces mots « pour arrêter », c’est-à-dire pour réprimer leur impudence, non pour les instruire : car leur maladie était incurable. À la vue d’un tel miracle, ne trouvant plus rien à dire, ils se tournaient vers lui disant : « N’entendez-vous pas ce que disent ceux-ci ? » (Mt. 21,16) Au lieu d’adorer, d’admirer, ils étaient dans une grande perplexité, et au lieu de redire entre eux : N’entendez-vous pas ce que disent ces hommes ? C’est au Christ qu’ils le disaient. Et pourquoi la voix des anges ne se fit-elle pas entendre plus tôt ? Parce que les Juifs auraient cru être dupes d’une illusion, tandis qu’à cet autre miracle ils ne pouvaient rien objecter.