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et la suite. « Selon l’innocence qui est en moi », c’est encore la même chose. C’est d’après cela, entend-il, que je veux être jugé.
Grande est ici encore la confiance de notre juste. S’il parle ainsi, d’ailleurs, c’est que la nécessité l’y contraint. Comment cela ? Oui, beaucoup d’insensés avaient mauvaise opinion de lui à cause de ses épreuves. La plupart des hommes sans intelligence trouvent dans le malheur une occasion de calomnie, comme on peut le voir aussi par l’exemple de Job. C’est pour cela que des gens qui ne le savaient coupable d’aucun crime, osaient lui dire : Ton châtiment n’est pas encore à la hauteur de ta faute. Paul aussi n’était qu’un pervers et un scélérat, aux yeux des barbares, lorsque la vipère s’élança sur sa main. Aussi disaient-ils : « Après avoir échappé à la mer, la vengeance ne permet pas qu’il vive. » (Act. 28,4) Séméi de même appelait David meurtrier, s’autorisant de son malheur pour porter sur lui cette injuste sentence.
8. Afin que vous ne tombiez pas vous-mêmes dans une faute pareille, il faut que nous raisonnions un peu sur ce sujet. J’entends bien des personnes dire : Si Dieu aimait les pauvres, il n’aurait pas souffert qu’ils fussent pauvres : d’autres s’écrient, dès qu’ils voient un malade se débattre contre une tenace infirmité : Où sont les aumônes qu’il a répandues ? Où sont ses bienfaits ? Pour vous sauver d’une pareille erreur, plaçons au clair cette question. Car si tout homme raisonnable est incapable de haïr les bons et d’aimer les méchants, comment ose-t-on tenir un pareil langage au sujet du Seigneur, et prétendre que Dieu hait les pauvres, même vertueux, aime les riches, même pervers ? Quel blasphème ! quel excès de folie !
Voyons donc, afin d’éviter une telle aberration, quels sont les objets de la haine et de l’amour de Dieu. Quel est l’homme aimé de Dieu ? Celui qui garde ses préceptes. « J’aimerai cet homme », est-il écrit, « et j’irai vers lui. » Cet homme, ce n’est pas le riche, l’homme en santé, c’est celui qui obéit aux préceptes divins. Quel est celui, maintenant, que Dieu voit avec haine et avec horreur ? Celui qui n’accomplit point ses ordres. Par conséquent, lorsque vous verrez un homme qui n’accomplit point les ordres de Dieu, jouît-il d’une santé parfaite ou d’immenses richesses, mettez-le au nombre des hommes détestés : pour l’homme vertueux, malade ou pauvre, comptez-le parmi ceux qui sont aimés. Car c’est chez ceux-ci et non pas chez les autres, que l’amour divin trouve à quoi se prendre. Ne voyez-vous pas ; pour emprunter un exemple au siècle, que ce sont les favoris des rois qui courent le plus de risques à la guerre, qui reçoivent le plus de blessures, qui s’éloignent le plus souvent de leur patrie ? Ne savez-vous pas que « le Seigneur châtie celui qu’il aime », et « qu’il flagelle : tout fils qu’il reçoit ? » Mais beaucoup d’hommes, dira-t-on, sont scandalisés en voyant ces choses. Ce n’est point la chose qui les scandalise, mais bien leur propre démence. Car ce n’est pas ici-bas qu’est la rémunération de nos peines : ici-bas, c’est la carrière : plus tard viendront les prix et les couronnes. Ce n’est pas au jour de la lutte et du combat qu’il faut demander du repos et du délassement : ne confondez pas les temps. Mais il y a bien des faibles, dira-t-on. Eh bien ! Dieu a songé à eux : il a permis que beaucoup de justes vécussent, ici-bas même, dans la prospérité, non pour leur propre intérêt, mais pour celui des faibles. Ainsi donc, si ceux qui sont dans l’affliction vous scandalisent, que ceux qui sont dans la paix vous édifient ; si la prospérité de quelques méchants vous ébranle, que les châtiments infligés à d’autres vous raffermissent. N’avez-vous pas entendu cette parole du Christ « Dans le monde vous aurez des tribulations ? » (Jn. 16,33) Pourquoi donc chercher le repos quand le Christ a parlé de la sorte ? Ne savez-vous pas aussi qu’il a dit : « Le monde se réjouira, mais vous serez toujours affligés ? » (Id. 20) Les hommes peu intelligents auraient lieu de se scandaliser, s’il arrivait le contraire de ce qu’il a prédit : mais si sa prédiction se réalise parfaitement, quel sujet de scandale voyez-vous là-dedans ? Mais, dira-t-on, pourquoi Dieu a-t-il ainsi réglé les choses ? N’examinez pas, contenez une vaine curiosité. « Le vase ne dira point au potier : Pourquoi m’as-tu fait ainsi ? » (Rom. 9,20) Voilà pourquoi le Prophète réprimandait les Juifs de ce que, dans l’excès de leurs maux, ils scrutaient les voies de Dieu : « Ils désirent connaître mes voies comme un peuple qui aurait « pratiqué la justice, et n’aurait point déserté a le jugement de son Dieu. » (Is. 58,2) On eût dit un serviteur qui, après avoir failli et s’être rendu coupable de délits sans nombre, au lieu de chercher à fléchir le courroux de