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Juifs priaient, mais Dieu se détournait de leurs prières : c’est qu’ils ne priaient point comme il fallait prier. Aussi avons-nous reçu l’ordre d’offrir la prière la plus propre à nous faire exaucer. David fait voir la même chose dans sa prière précédente, où il ne se borne point à demander audience, mais fait de son côté tout son possible afin d’être entendu. Quelle était cette prière ? « J’arroserai chaque nuit ma couche, je mouillerai mon lit de mes larmes ; » et encore. « Je me suis fatigué dans mes gémissements ; » et aussi : « Détournez-vous de moi, vous tous qui opérez l’iniquité ; » et enfin : « Mes yeux ont été troublés de colère. »
4. Voilà, en effet, autant de moyens de se concilier la faveur divine : les lamentations, les larmes, les gémissements, la fuite des méchants, la crainte et le tremblement dans l’attente des jugements divins. Ailleurs encore il disait : « Dieu a entendu ma justice : dans l’affliction, vous m’avez mis au large. » Telles sont les conditions nécessaires pour être exaucé la première est qu’on mérite de l’être ; la seconde, que l’on prie selon les lois de Dieu ; la troisième, qu’on prie continuellement ; la quatrième, qu’on ne demande rien de mondain ; la cinquième, qu’on cherche son véritable avantage ; la sixième, qu’on fasse de son côté tout ce qui est possible. Rappelez-vous combien de personnes ont réussi par là à se faire exaucer Corneille, par sa vie ; la Syro-phénicienne, par son assiduité à prier ; Salomon, par la nature de sa prière, « attendu », est-il écrit, « que tu ne m’as demandé ni des richesses, ni la mort de tes ennemis (1R. 3,11) ; » le publicain par son humilité ; d’autres, par d’autres raisons. Si l’on se fait exaucer en s’y prenant de la sorte, lorsqu’on s’y prend autrement, on n’est point entendu, quelque juste qu’on puisse être. Qu’y a-t-il eu de plus juste que Paul ? néanmoins quand il demanda de faux avantages il ne fut pas entendu. « Trois fois » dit-il, « j’ai invoqué le Seigneur à ce sujet, et il m’a répondu : Ma grâce te suffit. » (2Cor. 12,8,9) Et quoi de plus juste encore que Moïse ? Néanmoins il ne fut pas exaucé davantage, le jour où Dieu lui dit : « Qu’il te suffise. » (Deut. 3,26) Il demandait à entrer dans la Terre promise, mais il n’y aurait pas trouvé son avantage, Dieu ne le permit pas. Un nouvel obstacle, à la réalisation de nos vœux, c’est la persévérance le péché. De là ces paroles de Dieu à Jérémie au sujet des Juifs : « Ne prie pas pour ce peuple. Ne vois-tu pas ce qu’ils font ? » (Jer. 7,16, 17) Ils n’ont pas renoncé à l’impiété, et tu me présentes une requête en leur faveur ? Je ne t’exaucerai pas. Quand nous demandons à Dieu le malheur de nos ennemis, non seulement, nous n’en obtenons pas audience, mais encore nous excitons sa colère. C’est un remède que la prière. Faute de savoir comment il convient d’appliquer le remède, nous n’en retirons aucun soulagement.
Voyons donc ce que dit David en sa prière « Seigneur, mon Dieu, si j’ai fait cela. » Quoi, cela ? Ce qu’on me fait, à moi : si je me suis révolté contre mon père, si j’ai commis un pareil forfait. Mais ici encore, il évite de désigner le coupable par son nom : il rougit, il a honte pour son fils. Ainsi qu’un homme de bonne maison qui surprend sa femme en adultère, ne va pas divulguer en propres termes la faute de cette épouse criminelle, de même David ne dit pas : Si je me suis révolté contre mon père, si j’ai été parricide, mais bien : « Si j’ai fait cela. » Mais que dis-je, cela ? Quel mérite y a-t-il à ne pas être parricide, quand les bêtes féroces ignorent elles-mêmes ce crime ? « S’il y a de l’iniquité sur mes mains. » Ce n’est point cette iniquité-là que j’ai en vue : je dis qu’on ne trouverait pas sur mes mains la trace d’une iniquité quelconque. Et s’il parle ainsi, ce n’est point par jactance, c’est parce qu’il se voit contraint de parler de ses bonnes œuvres. Mais ceci est peu de chose encore auprès de ce qui va suivre. Voyons donc la suite : « Si j’ai rendu le mal à ceux qui m’en rendaient. » Prêtez une exacte attention. Cette phrase-ci n’est point la première venue. Il est beau de ne pas nuire mais c’est une bien plus grande chose, et propre à une âme élevée, que de ne pas nous venger de ceux qui nous font du mal. La loi, cependant, l’autorisait, en permettant d’arracher œil pour œil, dent pour dent : et on ne l’enfreignait pas en se comportant de la sorte.
Mais telle était la sagesse de David, que non content de ne pas enfreindre la loi, il en dépasse de beaucoup les exigences. Il ne se serait pas cru vertueux, s’il était resté dans les bornes exactes des prescriptions. Paul, autorisé à vivre de l’Évangile, n’en vivait pas néanmoins, et prêchait l’Évangile gratuitement : de même le bienheureux David, autorisé par la loi à se venger, n’usait pas de ce droit, et outre-passait la limite de ses devoirs. Pour nous, nous