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fait Saül, en disant, ou peu s’en faut : Ce n’est point sur les paroles de Chus que je fondais l’espoir de mon salut, mais bien sur votre appui. Et voyez quelle affection respire dans ses paroles, ici comme partout. D’ailleurs, il ne dit pas « Seigneur Dieu », mais « Seigneur « mon Dieu ; » et dans un autre endroit : « Dieu, mon Dieu, je m’éveille à vous. » (Ps. 52,2) En effet, s’il avait besoin de Dieu comme tout le monde, il éprouvait en outre un besoin particulier qui lui venait de la vivacité de son amour. Dieu lui-même ne se comporte pas autrement quand il parle des justes ; il est le Dieu de l’univers, mais cela ne l’empêche pas de se représenter d’ailleurs comme le Dieu des justes en particulier. « Je suis le Dieu d’Abraham, et le Dieu d’Isaac, et le Dieu de Jacob. » Considérez de plus ici la sagesse du Psalmiste. Après ces mots : « Seigneur mon Dieu, c’est en « vous que j’ai mis mon espérance », il ne dit pas : châtiez mon ennemi, faites mourir celui qui me fait la guerre ; il ne songe qu’à lui-même, et dit « Sauvez-moi », en d’autres termes, ne me laissez pas en proie au malheur ; « Sauvez-moi de tous ceux qui me persécutent, et délivrez-moi. » Vous le voyez, quelle que soit son infortune, il ne prononce pas le nom du parricide ; fidèle à la nature jusque dans l’adversité, dans son ennemi voyant encore un fils, et n’oubliant pas, au milieu des périls, le fruit de ses entrailles. Tant il était bon père et attaché à ses enfants ; ou plutôt, tant il était sage. Car c’est moins la voix du sang que la douceur de son âme qui lui inspirait cette conduite, et il songeait plus à l’armée qu’à l’usurpateur ; de là ces mots : « Sauvez« moi de tous ceux qui me persécutent, et « délivrez-moi. » Voyez-vous comme il parle sans dureté de ses persécuteurs eux-mêmes ? Il ne dit pas de tous ceux qui me l’ont la guerre, de ceux qui pillent mes biens, qui étalent leurs débauches dans mon palais, mais bien. « De « tous ceux qui me persécutent. De peur qu’en« fin il ne ravisse mon âme comme un lion, « lorsqu’il n’y a personne pour me racheter, « ni me sauver. » Cependant il avait levé des troupes, et avait beaucoup de gens avec lui ; comment donc peut-il dire lorsqu’il n’y a personne pour me racheter ni me sauver ? Parce qu’il compte pour rien un secours quelconque, fût-ce même celui du monde entier, si l’appui d’en haut lui manque, et qu’au contraire, il ne se regarde pas comme abandonné, même dans l’isolement, si Dieu lui vient en aide. Voilà pourquoi il disait aussi : « Un roi n’est pas sauvé par sa grande puissance, et un géant ne sera pas sauvé grâce à sa force excessive. » (Ps. 32,16) Quelques-uns prennent notre passage dans un sens figuré, et prétendent que par ces mots Lion et Persécuteurs, il faut entendre le diable et les démons. Il s’est vu ravir son fils, il l’a vu dévorer : il demande maintenant à échapper lui-même à cette calamité : et il indique en même temps la raison qui a causé le malheur de l’infortuné. Quelle est cette raison ? Sa méchanceté, qui a éloigné de lui la protection divine. De là ces paroles : « Lorsqu’il n’y a personne pour me « racheter ni me sauver. » Au reste, l’Écriture emploie ailleurs ce mot « lion » en parlant du diable, par exemple dans ce passage. « Votre « ennemi le diable rôde comme un lion rugissant, qui cherche quelqu’un à dévorer. » (1Pi. 5, 8) Le même prophète dit encore ailleurs : « Et tu fouleras aux pieds lion et dragon. » (Ps 90,13) En effet, cette bête-là prend diverses formes : mais si nous sommes sages, ce lion, ce dragon sera pour nous plus méprisable que la fange, il n’osera pas nous attaquer en face, ou, s’il l’ose, il sera foulé aux pieds. « Marchez », est-il écrit, « sur les serpents et les scorpions. » (Lc. 10,19) Il court partout avec fureur, comme un lion qu’il est mais s’il vient à s’attaquer à ceux qui ont avec eux le Christ, qui portent la croix sur le front, en qui brûle le feu de l’Esprit, et le flambeau inextinguible, il ne pourra soutenir leur vue, il tournera le dos et prendra la fuite, sans oser seulement regarder derrière lui. Et pour que vous compreniez bien que ce ne sont point ici de vaines phrases, veuillez considérer l’exemple de Paul. C’était un homme ainsi que nous néanmoins le lion en avait peur, au point de fuir jusqu’à ses vêtements, jusqu’à son ombre. Rien de plus naturel : il ne pouvait supporter l’odeur du Christ, laquelle s’en exhalait et montait à ses naseaux, il ne pouvait soutenir l’éclat du flambeau de la vertu. « Seigneur, mon Dieu, si j’ai fait cela, si « l’iniquité est sur mes mains. » Un point qui est partout à observer, c’est qu’il ne faut pas se borner à prier, mais prier encore de manière à être entendu. La prière ne suffit point pour arriver au but qu’on se propose, si l’on ne sait pas l’offrir comme Dieu le trouve bon. Le pharisien pria et il n’y gagna rien : les