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impassible de la divinité ? Aussi Dieu, après avoir commencé par tenir aux Juifs ce langage, après avoir déposé dans leur esprit la notion de son existence, réforme peu à peu leurs erreurs, et les amène progressivement à la doctrine qui est la nôtre, au langage sublime de la vérité, à la croyance qu’il est inaccessible aux passions. En effet, un autre prophète dit : « Il ne sentira ni la « faim, ni la fatigue. » (Is. 40,28) Et le même, qui avait parlé de la colère de Dieu, montre ailleurs, dans les termes suivants, que la divinité est impassible : « Est-ce moi, n’est-ce pas eux-mêmes qu’ils mettent en colère ? » Un autre avait dit que Dieu est dans le temple ; mais le même dit ailleurs : « Il n’y a pas en toi d’homme saint, et je n’entrerai pas dans la ville. » (Os. 11,9) C’est-à-dire que Dieu n’est pas renfermé dans un lieu. Un autre passage indique aux hommes intelligents, sinon à tous les hommes, que l’être affranchi des passions impérieuses qui sont nécessaires à la vie, est, à plus forte raison, exempt des autres. C’est ce qu’on peut conclure de ces paroles : « Tu ne seras pas comme un homme endormi. » (Jer. 14,9) Partout apparaît l’idée de l’impassibilité divine. Ici même, en entendant ce mot de courroux, n’allez point vous figurer une passion. Si les hommes adonnés à l’étude de la sagesse restent, dans une certaine mesure, insensibles à la colère, à plus forte raison en est-il ainsi de la substance impérissable, incorruptible, ineffable, incompréhensible. Les médecins, qui emploient le fer et le feu, n’agissent point ainsi par colère, mais en vue d’une guérison, ils ne sont point irrités contre leurs malades : ils en ont pitié, ils veulent porter remède à leurs maux. Le Psalmiste donc, en disant : « Ne me reprenez point dans votre colère », veut dire : Ne me demandez point un compte sévère de mes fautes, ne punissez point mes prévarications. « Ayez pitié de moi, Seigneur, parce que je suis faible. » Ce cri nous convient à tous, quels que puissent être la multitude de nos bonnes couvres, le degré de notre justice. De là ces paroles qu’on rencontre plus loin chez le même : « Tout ce qui vit ne sera point justifié en votre présence. » (Ps. 14,2) Et encore : « Si vous observez les iniquités, qui restera debout ? » (Ps. 129,3) Paul dit aussi : « Je n’ai conscience de rien, mais ce n’est point en cela que je suis justifié. » (1Cor. 4,4) Et un autre : « Qui se vantera de posséder un cœur pur ? qui prétendra être exempt de souillure ? » (Prov. 20,9) Ainsi nous avons tous besoin de la miséricorde, mais nous ne la méritons pas tous également. En effet, tout en étant la miséricorde, elle ne se donne qu’à celui qui la mérite. Dieu le dit à Moïse : « J’aurai pitié de celui dont j’aurai pitié, je ferai miséricorde à celui à qui je ferai miséricorde. » (Ex. 33,19) Ainsi celui qui aura mérité de quelque façon la miséricorde pourra dire : « Ayez pitié de moi ; » mais celui qui se sera interdit à lui-même ce recours, aura beau tenir le même langage ; car si la miséricorde devait être accordée à tous, il n’y aurait plus de châtiment pour personne. Mais la miséricorde elle-même nécessite un certain jugement préalable ; elle se donne à celui qui la mérite, qui est en état d’en jouir.
2. Beaucoup du moins ont commis les mêmes fautes, qui n’ont pas été punis du même châtiment, parce qu’ils n’avaient pas les mêmes raisons à produire : si vous voulez, nous nous arrêterons à présent sur ce point. Tous les Juifs péchèrent, tous tombèrent dans l’idolâtrie ; mais ils ne furent pas également punis : les uns furent frappés, les autres obtinrent leur pardon. En effet, ce n’est pas l’acte seul qui est considéré dans le péché, c’est encore l’intention, la circonstance, le motif, enfin ce qui a suivi la faute : s’il y a eu endurcissement ou repentir, tentation ou fraude et préméditation. Beaucoup de points sont à rechercher, en ce qui touche à la différence des conjonctures, à la législation régnante. Par exemple, on a péché sous l’ancienne loi, on pèche sous la nouvelle : mais la punition n’est pas la même dans les deux cas ; elle est plus rigoureuse dans le second. C’est ce que Paul fait entendre par ces paroles : « Celui qui viole la loi de Moïse meurt sans aucune miséricorde, sur la déposition de deux ou trois témoins. Combien donc pensez-vous que mérite de plus affreux supplices celui qui aura foulé aux pieds le Fils de Dieu, et tenu pour profane le sang de l’alliance ? » (Héb. 10,28-29) Par ces mots : « Combien pensez-vous que mérite de plus affreux supplices », il indique un surcroît de rigueur. On a péché avant la loi, on a péché sans la loi. Les premiers de ces pécheurs sont moins sévèrement punis. Ce que l’Apôtre fait entendre, en disant : « Ceux qui ont péché sans la loi périront sans la loi. » (Rom. 2,12) Qu’est-ce à dire ? C’est-à-dire qu’ils ont la nature pour accusatrice, et que les autres en ont une seconde