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ennemis, aux pièges de sa femme, précipité dans la misère, dans la faim, dans une infirmité sans remède, Job était le plus heureux des hommes. Comment cela ? C’est que Dieu le bénissait, disant : Homme irréprochable, juste, sincère, pieux, exempt de tout vice. « Seigneur, vous nous avez couronné de votre bonne volonté comme d’une armure. » (Job. 1,1) Le voilà qui recommence ses actions de grâces, qui offre à Dieu des hymnes de reconnaissance. Mais qu’est-ce qu’une armure de bonne volonté ? C’est une armure excellente, une armure selon la volonté de Dieu, une armure magnifique. Voici le sens de ses paroles : Tu nous as protégé par la plus glorieuse alliance. Un autre interprète dit : « Vous le couronnerez », et nous avertit qu’il est question du juste : que Dieu couronnera le juste, que sa faveur sera pour celui-ci comme une arme, une arme magnifique : ou encore que Dieu protégera le juste par la plus glorieuse alliance, et que ni cette gloire ne sera sans sécurité, ni cette sécurité sans gloire. En effet, quoi de plus fort à la fois et de plus beau que celui qui trouve un rempart dans le bras d’en haut. Cette couronne est encore une couronne de miséricorde, comme nous l’apprend ailleurs le même David : « Celui qui te couronne en miséricorde et en compassion. » (Ps. 102,4) C’est une couronne de justice : « La couronne de justice m’est désormais réservée », dit Paul. (2Tim. 4,8) C’est aussi une couronne de grâce, suivant un autre : « Une couronne de grâce te protégera. » (Prov. 4,9) C’est enfin une couronne de gloire, d’après Isaïe : « Ce sera la couronne d’espérance, tressée de gloire. » (Is. 28,5) Cette couronne renferme tout, bonté, justice, grâce, gloire, beauté.
Car elle est le présent de Dieu, et elle offre en elle toutes ses grâces. C’est de plus une couronne d’immortalité, ainsi que Paul nous l’apprend. « Eux, pour recevoir une couronne impérissable ; nous, pour en recevoir une incorruptible. » (1Cor. 9,25) Voici donc le sens de notre passage : Vous nous avez revêtu de gloire et de sécurité. Car tels sont les présents de Dieu : solides et pleins de beauté ; telles sont ses couronnes. Parmi les hommes, rien de pareil ; l’un possède la gloire, mais il ne saurait avoir la sécurité ; l’autre vit dans la sécurité, mais il manque de gloire : il est difficile que ces deux choses se rencontrent réunies ; et quand cela arrive, ce n’est pas pour longtemps. Par exemple, les grands de la terre sont illustres, glorieux, mais ils ne sont pas en sûreté, et la raison principale qui rend leur situation périlleuse, c’est l’éclat même de leur gloire. La foule des hommes sans nom est en sûreté, grâce à l’obscurité où elle vit : mais les honneurs lui manquent ; et c’est justement parce qu’elle est en sûreté qu’elle reste sans honneurs. Il n’en est pas de même à l’égard de Dieu : là, les deux choses, gloire et sécurité, sont réunies dans toute leur plénitude. Ainsi donc, persuadés de la grandeur de ces biens, convaincus avant toute chose que plaire à Dieu est le bien suprême, que ce bien est à la fois pour nous protection, gloire, sécurité et mille avantages encore, parcourons avec patience la carrière qui s’ouvre devant nous et ne nous laissons pas décourager, ne jetons point bas nos armes. Ce genre de guerre, en effet, n’admet point un soldat désarmé : c’est quand le spectacle est fini, qu’on se débarrasse de son attirail : or, le spectacle est fini à l’heure où Pâme se sépare du corps. Par conséquent, tant que nous sommes ici-bas, il faut lutter, et chez nous, et sur la place publique, et à table, malades aussi bien qu’en bonne santé. En effet, c’est durant la maladie qu’un pareil combat est surtout de mise, alors que de toutes parts les souffrances viennent troubler notre âme, quand les douleurs l’assiègent, quand le diable, debout à notre chevet, nous excite à proférer des paroles d’amertume. C’est alors surtout qu’il faut se tenir sur ses gardes, opposer aux coups sa cuirasse, son bouclier, son casque et toute son armure, et ne point cesser de rendre grâces à Dieu. Voilà les traits dangereux pour le diable. Voilà ce qui porte les coups mortels au démon ; et c’est alors que l’on conquiert les plus brillantes couronnes. Voyez le bienheureux Job (car rien ne nous empêche de recourir encore à cet exemple) : ce qui contribua le plus à sa gloire, à sa renommée, à son triomphe, c’est la constance inébranlable qu’il déploya dans la maladie, dans la pauvreté, dans la tentation, c’est l’intrépidité de son âme, ce sont les actions de grâces, c’est le sacrifice spirituel qu’il ne cessa d’offrir à Dieu. Car c’est un sacrifice qu’il offrait, en disant ces paroles : « Le Seigneur m’a donné, le Seigneur m’a ôté : ainsi qu’il a plu au Seigneur, il est arrivé. Que le nom du Seigneur soit béni dans les siècles ! » (Job. 1, 21) Et nous aussi faisons de même :