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pour voiler la méchanceté de leurs paroles mêmes, pour tramer des complots et des artifices. « Jugez-les, ô Dieu ! qu’ils échouent dans leurs projets. » Voyez ici encore la charité de cette prière. Elle ne dit pas : « Punissez-les », mais bien : « Jugez-les », et mettez un terme à leurs mauvaises actions : déjouez leurs trames : dire cela, c’est prier pour eux-mêmes, c’est souhaiter qu’ils ne s’enfoncent pas plus avant dans le vice. « A cause de la multitude de leurs impiétés, repoussez-les parce qu’ils vous ont irrité, Seigneur ! » c’est-à-dire, je m’inquiète peu de ce qu’ils m’ont fait, je gémis seulement de leur conduite envers vous. C’est le fait d’une âme pleine de sagesse, que de ne pas se venger soi-même, et de poursuivre avec ardeur la vengeance des péchés commis contre Dieu. Beaucoup d’hommes font tout le contraire ils se soucient peu des intérêts de Dieu, et mettent le plus grand acharnement à venger les leurs : ces saints faisaient tout autrement ils se montraient ardents à redresser les torts faits à Dieu, et se souciaient peu du mal fait à eux-mêmes.
« Et que tous ceux qui espèrent en vous se réjouissent. » Voyez le profit qu’on retire de la prière. Les méchants s’amenderont et se corrigeront de leurs vices : et les autres goûteront une joie vive, en voyant le changement de ces hommes, leur amélioration, et le profitable exemple qu’ils donnent à autrui. « Ils seront éternellement remplis de joie, et vous habiterez en eux. » Telle est, en effet, l’allégresse durable : toute autre est aussi passagère que le courant d’un fleuve ; elle ne fait que paraître et s’écoule aussitôt : mais la joie selon Dieu est solide, durable, persistante, inébranlable ; aucun événement imprévu n’y peut rien retrancher : les obstacles mêmes ne font que l’accroître. Les apôtres étaient flagellés et ils se réjouissaient ; Paul était persécuté, et il tressaillait d’allégresse ; il allait mourir, et il invitait les autres à partager sa joie, disant : « Et si je suis immolé sur le sacrifice et l’oblation de votre foi, je m’en réjouis et m’en félicite avec vous tous. Mais vous-mêmes, réjouissez-vous-en, et vous en félicitez avec moi. » (Phil. 2,17-18) Dieu habite avec ceux qui se réjouissent de la sorte. Voilà pourquoi l’héritière dit : « Ils seront éternellement remplis de joie, et vous habiterez en eux. » Faisant allusion à la même chose, le Christ disait, de manière à indiquer que cette joie n’aurait pas de fin : « Je vous reverrai, et personne ne vous ravira votre joie. » (Jn. 16,22) Et Paul dit encore : « Réjouissez-vous sans cesse, priez continuellement. » (1Thes. 5,16, 17) « Et ceux qui aiment votre nom se glorifieront en vous. » C’est à ceux-là entre tous qu’il appartient de se glorifier, de se réjouir, d’être dans l’allégresse : car pour celui qui tire vanité des biens du monde, il ressemble tout à fait à ceux qui sont heureux en songe.
6. En effet, dites-moi, quelle est celle des choses humaines qui mérite qu’on s’en glorifie. La force du corps ? Mais ce n’est pas là une œuvre du libre arbitre, il n’y a donc pas lieu de s’en vanter : d’ailleurs elle se flétrit et dépérit promptement : souvent même elle devient nuisible, faute d’un sage emploi, à celui qui la possède. Il faut dire la même chose de la beauté, de la richesse, de la puissance, du luxe et de tous les biens charnels. Mais se glorifier au sujet de Dieu, au sujet de l’amour qu’on lui porte, voilà la parure incomparable, voilà la splendeur qui efface l’éclat de mille diadèmes, celui qui se glorifie fût-il un prisonnier. Cette parure-là n’a rien à redouter de la maladie, de la vieillesse, des événements, des vicissitudes, de la mort elle-même : c’est même alors qu’elle brille de toute sa magnificence. « Parce que vous bénirez le juste. » Comme beaucoup de justes ; comme les hommes vertueux, entre tous, sont maltraités et tournés en dérision dans le monde : afin que cela né devienne pas un sujet de scandale pour les esprits grossiers, voyez comment on leur vient en aide en disant : « Parce que vous bénirez le juste. » Qu’importe, en effet, le mépris des hommes et celui du monde entier, lorsque le Maître des anges nous célèbre et proclame notre nom ? Au contraire, faute de cette bénédiction, les louanges de tous les habitants de la terre et de l’Océan ne sont d’aucune utilité. Par conséquent, le but auquel nous devons viser constamment, c’est que Dieu nous célèbre, c’est que Dieu nous couronne. Si nous y parvenons, nous dominerons toutes les têtes, fussions-nous pauvres, malades, plongés dans un abîme de maux. Le bienheureux job assis sur un fumier, couvert d’ulcères purulents, dévoré d’une innombrable vermine, en proie à d’incurables tourments, en butte aux insultes de ses serviteurs, de ses amis, de ses