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également, il ne s’agit pas proprement de cri, mais d’une disposition intérieure, mais d’un redoublement de zèle, il ne dit pas : entends mon cri, il dit : comprends mon cri, pénètres-en le sens. Car, s’il emploie des paroles humaines, il les emploie de manière à bien exprimer ce qu’il veut dire. « Faites attention à la voix de ma supplication. » Ici encore, c’est de la voix intérieure qu’il s’agit. Anne aussi criait de la sorte. Et il ne dit pas simplement : Faites attention à la voix de ma prière : il dit, « de ma supplication. » En effet, celui qui prie doit revêtir l’extérieur et les sentiments d’un suppliant. Un suppliant ne parle point en accusateur et celui qui forme des vœux contre son ennemi est un accusateur plutôt qu’un suppliant. Vous voyez comment elle offre sa prière, après l’avoir rendue digne d’être entendue. – Faisons de même quand nous prions et que nous voulons être écoutés. Faisons d’abord que ce soit une prière, et non une accusation, et présentons-la conformément aux règles données par le Prophète. « Mon roi et mon Dieu. » C’est l’expression perpétuelle du Prophète, ou plutôt, s’était le privilège d’Abraham, au dire de Paul : « Pour cette raison Dieu ne rougit au point d’être appelé leur Dieu. » (Héb. 11, 16) L’héritière emprunte cette expression, et se l’approprie heureusement dans son amour. Elle ne dit pas simplement roi, elle dit « mon roi et mon Dieu », de façon à manifester sa tendresse. Ensuite elle expose les raisons, sur lesquelles elle se fonde pour être écoutée. Quelles sont ces raisons ? « Parce que je vous adresserai ma prière, Seigneur. » Mais dira-t-on, y a-t-il quelqu’un qui n’adresse pas à Dieu sa prière ? Je réponds que beaucoup de gens paraissent prier Dieu, qui n’agissent de la sorte que pour être vus des hommes. Il n’en est pas ainsi de notre héritière : elle étend les mains vers Dieu, sans s’inquiéter d’aucune considération humaine. « Le matin, vous entendrez ma voix. » Voyez-vous ce zèle, et la componction de cette âme ? Dès le commencement du jour, dit-elle, voilà mon occupation. – Écoutez, vous tous qui attendez pour prier la fin de mille affaires. Telle n’est point sa conduite, à elle : c’est au point du jour qu’elle offre à Dieu les prémices de sa pensée. Il faut devancer le soleil pour vous rendre « grâces, et se mettre en votre présence avant le lever du jour. » (Sag. 16,28)
Mais vous, s’il s’agissait d’un monarque, vous ne permettriez pas que votre inférieur le saluât avant vous : et maintenant, lorsque le soleil est en adoration, vous donnez, vous cédez votre rang à une créature matérielle, au lieu de prévenir toute cette nature créée pour vous et de rendre vos actions de grâces : tout en vous levant, vous vous lavez le visage et les mains, et vous laissez votre âme dans l’impureté ! Ne savez-vous pas que la prière est pour la purification de l’âme, ce qu’est l’eau pour celle du corps ? Avant de nettoyer votre corps, nettoyez donc votre âme : le péché y a laissé bien des souillures : recourons à la prière pour nous en délivrer. Si nous avons eu soin de fortifier ainsi notre bouche, ce sera un fondement excellent pour notre conduite de la journée. « Le matin, je me présenterai devant vous, et je vous contemplerai. » (Id. 5) Je me présenterai devant vous, non en me transportant ailleurs, mais par mes actions. L’homme qui est dans de telles dispositions est capable de s’approcher de Dieu. C’est de là que résulte l’éloignement ou la proximité : car Dieu est partout. « Je me présenterai devant vous et je vous contemplerai, parce que vous n’êtes pas un Dieu voulant l’iniquité. » Un autre interprète dit : « Et je considérerai que vous n’êtes pas un Dieu voulant l’iniquité. » – « Et le pervers n’habitera pas auprès de vous. » En ce passage, il fait allusion aux idoles : parce que ces hommes les aimaient ainsi que toute iniquité et toute mauvaise action. « Et le pervers n’habitera pas auprès de vous », il ne sera pas votre ami, votre voisin. « Et les prévaricateurs ne tiendront pas devant vos regards. » Il fait voir ici la haine de Dieu contre le mal, et enseigne à ceux qui s’approchent de lui à se mettre en état de paraître devant ses yeux. En effet, si l’on ne peut approcher d’un homme de bien, à moins d’avoir urne conduite semblable à la sienne, à plus forte raison le méchant ne saurait-il approcher de Dieu. En effet, que les méchants ne peuvent vivre dais le voisinage des hommes vertueux, c’est cg que prouve ta manière dont ils parlent du juste : « Sa vue même nous est importune. » (Sag. 2,15) Ainsi Jean, du fond de la prison oui il était caché, gênait Hérodiade, qui était pourtant bien loin de lui : et après sa mort, il toua mentait la conscience du tyran qui régnait alors. En conséquence, qu’aucun homme vertueux ne se trouve malheureux d’être en bâtie aux complots des méchants, car ce sont les