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sur les choses que vous méditez au fond de votre cœur. » Qu’est-ce à dire : il y a ici, ce semble, quelque obscurité. Voici ce qu’il veut dire : Dans le temps qui suit le repas, lorsque vous vous éloignez pour vous coucher et vous livrer au sommeil, que la solitude, que l’absence de toute gêne vous procurent un profond repos, un calme parfait, éveillez le tribunal qui sommeille dans votre conscience, demandez-vous des comptes à vous-mêmes ; faites comparaître dans ce moment de loisir tout ce que vous avez conçu dans la journée, de mauvais desseins, tramé d’artifices, tendu de pièges au prochain, accueilli de désirs pervers ; mettez en face de votre conscience ces mauvaises pensées, et punissez, déchirez, torturez votre âme pécheresse. Voilà le sens de ce mot : « Soyez touchés de componction ; » ou : Faites sentir l’aiguillon à vos secrètes pensées du jour, c’est-à-dire les mauvais desseins que vous avez conçus, châtiez-les, punissez-les dans vos lits à l’heure du repos ; quand aucun ami ne vous dérangera, qu’aucun serviteur n’excitera votre courroux, que vous serez libre du tracas des affaires, alors faites le compte de vos actions de la journée. Et pourquoi ne point parler des paroles et des actions, mais uniquement des mauvaises pensées ? Ce précepte suppose l’autre. – En effet, s’il faut réprimer les projets coupables afin, qu’ils ne se réalisent point, à plus forte raison pour les actions et les paroles doit-on soumettre l’âme à la gêne. N’y manquez pas un seul jour, mon cher auditeur, ne vous endormez pas avant d’avoir repassé dans votre esprit vos fautes de la journée : et certainement vous serez moins prompt le lendemain à tomber dans les mêmes fautes ; voyez ce que vous faites pour votre argent ; vous ne laissez point passer deux jours sans compter avec votre serviteur, tant vous craignez la confusion qui résulte de l’oubli : faites de même chaque jour pour vos actions ; le soir, appelez votre âme à rendre ses comptes, prononcez la condamnation contre votre cœur égaré, attachez-le à la croix, mettez-le à la torture, prescrivez-lui de ne pas recommencer. – Voyez-vous comment cette excellente médecine dispose à la fois de préservatifs et de remèdes ? Prescrire de ne pas retomber, c’est en effet, administrer pour ainsi dire, un préservatif ; tel est ce précepte : « Mettez-vous a en colère, et gardez-vous de pécher ;» au contraire : « Soyez touchés de componction dans vos lits sur les choses que vous médita au fond de vos cœurs », voilà un remède. – En effet, la médecine s’applique ici après la faute, à guérir le coupable par lui-même. Pratiquons donc cette médecine qui n’a rien de pénible. Et si ton âme ne peut supporter le souvenir de ses fautes, si la honte, la confusion l’en empêchent, dis-lui : Tu ne gagnes rien à ne pas te souvenir, tu y perds, au contraire ; beaucoup. Car, faute de te rappeler à présent tes péchés, tu t’exposes à ce qu’ils soient un jour manifestés à tous les yeux. Au contraire ; si tu les repasses maintenant dans ton esprit tu en seras promptement délivré, et tu n’y retomberas point si facilement. En effet, dans l’attente de ce jugement du soir, dans la crainte de retomber sous le coup du même arrêt, d’être encore flagellée et torturée, l’âme sera plus lente à pécher ; et tel est l’avantage de cette pratique, qu’il nous suffira de nous adonner un mois durant, pour nous mettre dans l’état de vertu. N’allons donc point négliger un si beau bénéfice. Celui qui aura institué ce tribunal ici-bas, échappera aux durs jugements de là-haut. « Si nous nous jugions nous-mêmes, nous ne serions point jugés ; et lorsque nous sommes jugés, c’est par le Seigneur que nous sommes repris, afin que nous ne soyons pas condamnés avec ce monde. » (1Cor. 11,31-32) – Recourons donc à ce moyen, afin de n’être pas condamnés. « Offrez un sacrifice de justice, et espérez dans le Seigneur. » (Id. 6) Voyez-vous comme cet excellent conseil s’enchaîne bien au précédent et le complète ? Après nous avoir touchés de componction, nous avoir rendus moins prompts à retomber dans nos péchés, avoir institué cet incorruptible tribunal, nous avoir demandé compte de nos actions, de suite le prophète nous amène à la pratique de la vertu. En effet, il ne suffit point de s’abstenir du mal, il faut joindre à cela la pratique du bien. Delà aussi ce conseil qu’il donne plus loin : « Détourne-toi du mal et fais le bien. » (Ps. 33,15) – En effet, on n’est pas puni, uniquement pour faire le mal, on l’est encore pour ne pas pratiquer la vertu. Ceux qui n’ont pas nourri leur prochain quand il était affamé, ne l’ont pas désaltéré quand il avait soif, couvert quand il était nu, ceux-là n’ont ni pillé, ni pris, ni usurpé le bien d’autrui ; c’est pour n’avoir pas fait l’aumône qu’ils sont livrés à l’éternel châtiment, au supplice