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Et encore : « Comme de petits enfants en Jésus-Christ, je vous ai abreuvés de lait, mais je ne vous ai point donné à manger. » (Id. 5,2) Et ailleurs : « Là-dessus nous aurions beaucoup de choses à dire, et difficiles à expliquer, parce que vous êtes devenus peu capables de les entendre. » (Héb. 5,11) Isaïe de même : « Ce peuple me cherche, et désire connaître mes voies, comme un peuple qui aurait agi selon la justice, et qui n’aurait point abandonné le jugement de Dieu. » (Is. 58,2) Et Osée : « Semez pour vous dans la justice, allumez le flambeau de la doctrine. » (Os. 10,12). Et le Christ enseignait ce qui suit : « Quiconque fait le mal hait la lumière, et il ne vient point à la lumière. » (Jn. 3,20) Et ailleurs « Comment pouvez-vous croire, vous qui recevez la gloire l’un de l’autre, et ne cherchez point la gloire qui vient de Dieu seul ? » (Jn. 5,44) Ailleurs encore : « Ses parents dirent cela parce qu’ils craignaient les Juifs et pour n’être pas chassés de la synagogue. » (Jn. 9,22) Enfin : « Beaucoup crurent en lui, et à cause des pharisiens ne le confessaient pas. » (Jn. 12,42) Et partout on peut voir que la corruption des mœurs est un empêchement à la pleine connaissance des dogmes. Car, de même que la chassie en s’appliquant sur la pupille transparente de l’œil obscurcit et trouble la vision, ainsi les pensées mauvaises aveuglent l’intelligence et la remplissent de ténèbres.
Aussi le Prophète, sachant cela, disait-il « Mettez-vous en colère, mais gardez-vous de pécher. » Il ne proscrit pas la colère : elle est bonne à quelque chose ; il ne condamne point le courroux : le courroux est utile, quand il a pour objet les hommes injustes et les négligents : il n’interdit que la colère injuste, que le courroux déraisonnable. Et de même que Moïse, passant à la morale, donne ce précepte pour base à sa législation : « Tu ne tueras point » (Ex. 20,13), ainsi fait le Prophète et il fait plus encore, attendu que les règles dé la piété lui étaient mieux connues. Moïse prohibe le meurtre : le Prophète remonte jusqu’au principe, à la source, à la racine du meurtre, la colère, pour la réprimer. Le Christ disait de même pour réprimer la colère : « Celui qui se met en colère sans raison contre son frère, sera soumis à la géhenne du feu. » (Mt. 5,22) Partout vous retrouvez la même mesure. « Mettez-vous en colère, mais gardez-vous de pécher. Celui qui se met en colère sans raison : » en effet, il y a aussi de justes colères : la preuve, c’est que Paul lui-même s’est mis en colère contre Etyme, et Pierre contre Saphire, mais à vrai dire ce n’est point ici une colère comme une autre, c’est sagesse, c’est sollicitude, c’est prévoyance. Un père s’irrite contre son fils, mais c’est pour le bien de celui-ci. Celui qui se fâche sans raison, c’est celui qui se venge : au contraire, celui qui redresse les fautes d’autrui, celui-là est le plus charitable des hommes. Ainsi quand Dieu lui-même se met en colère, comme on dit, ce n’est point pour se venger, mais pour nous ramener au bien. Suivons cet exemple. Sévir de la sorte, c’est le fait de Dieu ; sévir autrement, c’est le propre des hommes. Mais Dieu ne diffère pas de nous en ce point seulement, que sa colère est juste ; de plus cette colère n’a rien chez lui d’une passion. Par conséquent, prenons garde, nous aussi de nous irriter sans raison. Car si la colère a été mise en nous, ce n’est pas pour que nous péchions, mais bien pour que nous empêchions les autres de commettre le péché : ce n’est pas pour qu’elle devienne chez nous une passion, une infirmité, mais pour qu’elle soit un remède aux passions.
8. Jugez donc quel est cet excès de perversité, quand le remède devient poison, quand ce qui devait guérir les plaies d’autrui devient entre nos mains une arme qui blesse. Supposez un homme qui, après avoir pris le fer en main pour amputer à autrui des membres gangrenés, se blesse lui-même étourdiment, et se meurtrisse tout le corps ; ou un pilote qui se servirait du gouvernail pour submerger son esquif, au lieu de l’employer à réprimer la fureur désordonnée des vents. – Telle est la colère, instrument utile pour réveiller notre âme dans ses accès de torpeur, pour lui donner de la vigueur, pour nous rendre plus prompts à l’indignation méritée par l’injustice, pour susciter des vengeurs à l’iniquité. – Voilà pourquoi le Prophète dit : « Mettez-vous en colère et gardez-vous de pécher. » Recommandation qu’il ne ferait pas, si elle était inexécutable ; car, dans ce cas, on ne prescrit rien. Après cette loi tout apostolique, ce précepte digne de l’Évangile, ces paroles conformes à celles du Christ, il nous donne cet autre avis : « Soyez touchés de componction dans vos lits