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passons point légèrement sur ces paroles, mais examinons-les en détail, et cherchons à les approfondir, afin d’y trouver le sens riche et abondant qu’elles renferment dans leur brièveté. Elles sont courtes, il est vrai ; et néanmoins elles cachent un précieux trésor, et il convient que nous apportions tous nos soins et toute notre application à le découvrir. Voyez-vous ceux qui exploitent une mine d’or. Ils ne se bornent pas à effleurer le sol, mais ils creusent profondément, et pénètrent jusque dans les entrailles de la terre. Ce n’est que par ce moyen qu’ils lui arrachent ce métal précieux ; et souvent même après bien des travaux et des fatigués, ils n’en recueillent que quelques grains. Ici au contraire le travail est moindre, et le résultat toujours abondant. Telle est la loi de toutes les choses spirituelles.
2. Ne soyons donc pas moins actifs que ceux qui cherchent des trésors périssables, mais travaillons avec ardeur à découvrir le trésor spirituel qui est caché dans les paroles de la Genèse. Et d’abord considérons ce qu’elles renferment de nouveau, et de vraiment admirable : puis nous examinerons tous les termes divers que choisit l’écrivain sacré, ou plutôt que Dieu lui-même lui inspire. Et Dieu dit : faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance. Lorsqu’il eut créé le ciel et la terre, il dit : que la lumière soit : que le firmament soit entre les eaux ; que les eaux se réunissent dans un seul bassin, et que l’élément aride paraisse ; et encore : que des corps de lumière soient, et que les eaux produisent des animaux vivants qui nagent. C’est ainsi que pendant cinq jours toutes les créatures furent formées par la seule parole du Seigneur. Mais aujourd’hui quel langage différent ! Il ne dit point : que l’homme soit, mais faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance. Quel sera donc cet ouvrage nouveau, et quelle merveille va se produire ! quel est cet être dont la formation semble exiger du Créateur tant de prudence et de circonspection ? Ne vous en étonnez point, mes très-chers frères : car l’homme surpasse en dignité toutes les créatures visibles qui n’ont été créées que pour lui. Oui, le ciel, la terre et la mer ; le soleil, la lune et les étoiles ; les reptiles, les animaux domestiques et les bêtes féroces, tout en un mot n’a été créé que pour l’homme.
Mais puisque l’homme surpasse en dignité toutes les créatures, pourquoi a-t-il été créé le dernier ? Certes, c’est avec raison. Car, lorsqu’un roi doit entrer dans une ville, il y envoie d’abord ses gardes et ses officiers, afin qu’ils disposent le palais pour son arrivée. Et de même, le Seigneur, qui devait établir l’homme roi et souverain de l’univers, voulut d’abord l’orner et l’embellir, et puis il créa l’homme auquel il a donné l’empire du monde. C’est ainsi qu’il montre combien il honore l’homme.
Interrogeons maintenant les Juifs, et demandons-leur de répondre à cette question. A qui le Créateur dit-il : Faisons l’homme à notre image ? Les Juifs se vantent de croire à Moïse qui a écrit ces paroles ; mais réellement ils n’y croient pas, comme le leur reprochait Jésus-Christ. Si vous croyiez à Moïse, leur disait-il, vous croiriez aussi à moi (Jn. 5,46) ; ils sont, il est vrai, les dépositaires des saintes Écritures, mais les chrétiens seuls en possèdent le sens. A qui donc le Seigneur dit-il Faisons l’homme? Et auprès de qui prend-il conseil ? Ce n’est pas que Dieu ail besoin de prendre conseil, et d’agir avec circonspection : non sans doute. Mais ces expressions figurées attestent toute l’excellence de l’être qu’il allait produire. Que répondent enfin ceux qui ont un voile sur les yeux, et qui ne veulent point comprendre l’Écriture ? Dieu, disent-ils, parle à un ange, ou à un archange. O folie ! ô impudence ! peut-on dire avec quelque apparence de raison, ô pauvre homme, que Dieu prenne conseil de ses anges, et le Créateur, de ses créatures ? L’office des anges n’est point de donner des conseils, mais d’entourer le trône du Seigneur et d’exécuter ses ordres. En doutez-vous ? écoutez cette magnifique vision du prophète Isaïe : J’ai vu des chérubins qui se tenaient à la droite du Très-Haut, et des séraphins qui se voilaient, de leurs ailes le visage et les pieds. (Isa. 6,2) Ils se voilaient ainsi, parce qu’ils ne pouvaient soutenir l’éclat de la majesté divine. Aussi le Prophète les a-t-il vus tremblants et pénétrés de crainte. C’est en effet le devoir et l’office de ces intelligences célestes de se tenir près du Seigneur.
3. Les Juifs qui ne veulent point comprendre le sens des Écritures nous répondent au hasard, et sans réflexion. Ainsi, après avoir réfuté leurs erreurs, exposons aux enfants de l’Église la vérité des paroles de Moïse. A qui donc le Créateur dit-il : Faisons l’homme ? Mais à quel autre qu’à Celui qui est l’Ange du