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l’avons vue dans la joie ; alors nous l’avons plainte : aujourd’hui partageons sa joie. C’est encore un précepte de Paul : Se réjouir avec ceux qui se réjouissent, pleurer avec ceux qui pleurent. Et cette conduite, nous devons la tenir non seulement à l’égard de nos contemporains, mais encore vis-à-vis des hommes de l’ancien temps. Et qu’on ne vienne pas me dire : Eh ! de quoi peut me servir Anne et son histoire ? En effet les femmes stériles pourront apprendre de là le moyen de devenir mères ; et les mères, à leur tour, connaîtront quel est le meilleur moyen d’élever leurs enfants. Et ce ne sont pas seulement les femmes, ce sont encore les hommes qui retireront le plus grand profit de cette histoire en apprenant à traiter doucement leurs femmes, même atteintes de stérilité, ainsi qu’Elcana se comportait avec Anne. Que dis-je ? ils en retireront un avantage bien plus grand encore, en apprenant que les parents doivent élever en vue de Dieu tous les enfants qui leur sont nés. Gardons-nous donc, parce que ce récit ne doit nous rapporter ni argent ni lucre, de le juger inutile à écouter : jugeons-le au contraire utile et profitable par cela même qu’il ne nous promet ni or ni argent, mais ce qui est bien préférable, la piété de l’âme, et les trésors des cieux, et qu’il nous enseigne les moyens d’écarter de nous tout péril.
En effet, il est facile, même à des hommes, de faire un présent d’argent ; mais corriger la nature, mais dissiper un pareil chagrin, consoler une pareille douleur, relever une âme près de succomber, c’est ce qui n’est possible à aucun homme, mais au seul Maître de la nature. Et toi-même, femme qui m’écoute, si affligée d’un mal incurable, après avoir in utilement parcouru toute la ville, dépensé de l’argent, consulté beaucoup de médecins, sans trouver aucun soulagement, tu venais à rencontrer une femme atteinte d’abord, puis guérir de la même infirmité, tu ne cesserais de la supplier, de l’exhorter, de la conjurer, jusqu’à ce qu’elle t’eût nommé son libérateur. Et maintenant qu’Anne est sous tes yeux, te racontant son infirmité, t’indiquant le remède, te désignant le médecin sans que tu le lui demandes, sans que tu l’en presses, tu ne t’approcherais pas, tu ne t’emparerais pas du remède, tu n’écouterais point l’histoire dans tous ses détails ? Mais, dès lors, quel bien pourra jamais devenir ton partage ? On a vu plus d’une fois des gens franchir de vastes mers, s’embarquer dans de longs voyages, prodiguer leur argent, supporter des fatigues pour visiter en pays étranger un médecin qui leur avait été désigné, et cela sans grand espoir d’être débarrassés de leur maladie ; et toi, femme, toi qui n’as pas besoin de faire un voyage outre-mer, ni de sortir de ton pays, ni d’affronter aucune épreuve de ce genre (et que dis-je ? sortir de ton pays ? tu n’as pas même besoin de franchir le seuil de ta maison), toi donc, qui peux, sans sortir de ta chambre t’aboucher avec le médecin, et, sans recourir à aucun interprète, l’interroger sur tout ce qui t’intéresse ( c’est Dieu, est-il écrit, qui s’approche de toi, et Dieu n’est pas loin. (Jer. 23,23), tu hésiterais, tu remettrais lit chose à un autre moment ? Et quelle serait ton excuse ? quelle indulgence obtiendrais-tu, si, pouvant trouver un remède aisé et tout à fait commode aux maux qui t’affligent, tu montrais de l’insouciance et abandonnais le soin de ton propre salut ? Car ce n’est pas seulement la stérilité, ce sont encore tous les maux, soit de l’âme soit du corps, que ce médecin-là peut guérir ; il lui suffit de le vouloir. – Et la chose étonnante n’est pas seulement qu’il guérit sans peine, sans voyage, sans dépense, sans interprètes ; c’est encore qu’il guérit sans douleur. – Le fer, le feu, employés parles médecins du monde, sont chez lui hors d’usage ; un signe, c’est assez, et toute tristesse, toute douleur, toute souffrance bat en retraite et prend la fuite.
2. Ainsi donc point de négligence, point de retard, fussions-nous pauvres et tombés au dernier degré de l’indigence. – Toute dépense est inutile ici, de sorte que nous ne saurions alléguer notre pauvreté. Ce n’est pas de l’argent que le médecin exige pour salaire, mais des larmes, des prières et de la foi. Si tu viens à lui pourvu de ces ressources, tu ne peux manquer d’obtenir tout ce que tu demanderas, et tu t’en retourneras comblé de joie. Bien des preuves le démontrent, mais particulièrement l’exemple d’Anne ; elle n’eut à fournir ni or, ni argent, mais simplement une prière, de la foi, des larmes ; et ainsi elle put s’en retourner en emportant ce qu’elle était venue demander. N’allons donc point taxer d’inutilité ce récit. Car, ces choses, au dire de l’apôtre, ont été écrites pour nous être un avertissement, à nous pour qui est venue la fin des temps. (1Cor. 10,11) – Approchons-nous de la trière de Samuel,