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à venir, qui ne se voient pas, vous vous gardiez de dire : ces choses-là sont invisibles, ne se montrent pas. En effet, ces choses invisibles sont plus manifestés que les choses visibles, pour peu que nous ayons les yeux de la foi. Sans doute nous ne les voyons pas, mais Dieu nous les a annoncées, nous les a promises ; quand c’est Dieu qui annonce, il n’y a aucune variation possible dans les choses promises ; rien n’est plus durable, n’en doutons jamais, que ce qui est dans la main de Dieu ; car, dit l’Évangéliste, Personne ne peut le ravir de la main de Dieu. (Jn. 10,29) Le trésor que nul ne peut ravir de la main de Dieu, est donc ' éternellement assuré ; au contraire les choses présentes sont exposées à toute espèce de variations et de vicissitudes. Aussi, prenons-nous souvent beaucoup de peine, et le résultat frustre notre attente. Pour les biens qu’on espère, il n’en est pas de même : Celui qui a travaillé, obtient nécessairement couronnes et récompense, car l’espérance n’est point trompeuse(Rom. 5,5), parce que, c’est la promesse de Dieu, et que les dons promis participent de la nature de celui qui les a promis. Abandonnez donc ce qui est obscur, pour – vous saisir de ce qui est manifeste. Or, ce qui est manifeste, ce n’est pas le présent, mais l’avenir. Maintenant, si quelques personnes ne considèrent que le présent et méprisent l’avenir, elles ne le méprisent pas parce qu’il est obscur et incertain, mais parce qu’il est élevé, trop au-dessus de leur propre faiblesse. Considérez donc combien fut grande la vertu de notre homme juste. Dieu lui avait promis des biens matériels, et lui cherchait, de lui-même, des biens spirituels. Comment, me direz-vous, Dieu lui avait promis les biens matériels, et il cherchait, de lui-même, des biens spirituels ? Sortez, dit Dieu, de votre pays, de votre parenté et de la maison de votre père, et venez en la terre que je vous montrerai. (Gen. 12,1) La première contrée était chose matérielle, comme le pays qui lui était destiné ; eh bien ! qu’a-t-il fait ? Non, n’écoutons pas Abraham, mais écoutons Paul, qui nous parle de lui ; comprenons que, quoique Dieu lui eût promis cette terre, lui pourtant, laissant là les choses présentes, ne la regarda pas, mais s’empressa de se tourner vers les choses à venir. Quelles sont donc les paroles de Paul ? Tous ces saints sont morts dans la foi, ce qu’il dit d’Abraham, d’Isaac, de Jacob et de tous les justes, car non seulement Abraham, mais tous participaient à la même sagesse. Tous ces saints, morts dans la foi, n’ayant point reçu les biens que Dieu leur avait promis, mais les voyant de loin. (Héb. 11,13, 14, 15, 16) Que dites-vous ? Abraham n’a pas reçu les biens promis ? il n’est pas venu dans la Palestine ? les paroles ont donc été trompeuses ? nullement, il est venu, certes, dans la Palestine, mais ce n’est pas cette Pales tine qu’il regardait ; il en désirait une autre, la patrie qui est dans le ciel. Vérité que Paul atteste en ajoutant : Et confessant qu’ils étaient étrangers et voyageurs sur la terre. C’est un voyageur, celui quia reçu une si grande patrie, une contrée si considérable ? Parlez, je vous en prie. Assurément, dit Paul, car ce n’est pas cette patrie qu’il a considérée, mais le ciel. Car ceux qui parlent de la sorte font bien voir qu’ils cherchent une autre patrie, qui a Dieu pour fondateur et architecte, cette patrie, vous dis-je, qui est la Jérusalem céleste, la patrie d’en haut. Comprenez-vous comment Dieu lui a promis une patrie matérielle, tandis que lui-même a cherché la Jérusalem céleste ? Car ceux qui parlent de la sorte, dit Paul, font bien voir qu’ils cherchent une autre patrie. S’ils avaient eu dans l’esprit celle dont ils étaient sortis, ils avaient assez de temps pour y retourner ; mais ils en désiraient une meilleure, qui est la patrie céleste. Donc, la chose promise est matérielle, mais le désir du juste est spirituel. Quant à nous, nous faisons juste le contraire. A lui Dieu avait promis la Palestine, mais il regardait le ciel ; à nous, Dieu a promis le ciel, mais nous regardons la terre.
5. Voilà donc ce que nous avons gagné à méditer le nom d’Abraham ; nous avons appris pourquoi il fut ainsi appelé, pourquoi on l’a nommé un passant ; il abandonna son pays pour passer sur la terre étrangère ; il quitta le visible pour l’invisible ; il rejeta ce qu’il avait dans la main, pour les biens que concevait son espérance ; il reçut des biens qui tombent sous les sens, et il ne voulut voir que les biens spirituels, et cela avant la grâce, avant la loi, avant l’enseignement des prophètes. Par où il est évident qu’il n’eut personne pour l’instruire, qu’il lui suffit du langage de sa conscience ; que c’est ainsi qu’il trouva Dieu, le Créateur de l’univers ; voilà pourquoi il fut appelé Abram ; voilà pourquoi ses parents lui donnèrent ce nom. Mais peut-être, me dira-t-on, mensonge que tout cela ! est-ce que les parents