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l’arbre, et nous avons montré que l’homme, avant de manger du fruit de l’arbre, avait la connaissance du bien et du mal, qu’il était rempli de l’abondance de la sagesse ; nous en avons donné pour preuves : qu’il a imposé des noms aux animaux ; qu’il a reconnu sa compagne, qu’il a dit : Voilà maintenant l’os de mes os (Gen. 2,23) ; qu’il a parlé du mariage, de la procréation des enfants, de l’union conjugale, et du père et de la mère ; enfin qu’il a reçu un ordre de Dieu. En effet, on ne donne pas un ordre, une loi ; pour faire ou ne pas faire, à celui qui ne pourrait pas distinguer le bien du mal. Aujourd’hui, il serait utile de dire pourquoi, si l’homme n’a pas tiré de l’arbre la connaissance sui bien et du mal, cet arbre a été appelé l’arbre de la science du bien et du mal. Assurément il importe d’apprendre pourquoi cet arbre a été ainsi appelé. En effet, le démon dit : Aussitôt que vous aurez mangé de ce fruit, vos yeux s’ouvriront ; et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. (Gen. 3,5) Comment donc, m’objecte-t-on, dites-vous, qu’il n’a pas introduit la science du bien et du mal ? De qui me parlez-vous, je vous prie ? Qui, il a introduit ? Voulez-vous dire le démon ? Sans doute, me répond-on, puisqu’il a dit : Vous serez comme des dieux connaissant le bien et le mal. Ainsi, toi qui me contredis, lu m’apportes le témoignage de l’ennemi qui nous tend des pièges. Mais le serpent a dit aussi : De plus vous serez des dieux. Eh bien ! sont-ils devenus, des dieux ? De même donc qu’ils ne sont pas devenus des dieux, de même ils n’ont pas non plus reçu alors la science du bien et du mal. Le démon, en effet, n’est qu’un menteur, et il ne dit rien de vrai, car, dit l’Évangéliste, la vérité n’est point en lui. (Jn. 8,44)
Gardons-nous donc de produire le témoignage de l’ennemi ; comprenons, par l’étude des choses considérées en elles-mêmes, pourquoi l’arbre est appelé, l’arbre de la science du bien et du mal. Et d’abord, s’il vous semble bon, qu’est-ce que le bien, qu’est-ce que le mal ? Méditons. Qu’est-ce que le bien ? l’obéissance ; qu’est-ce que le mal ? la désobéissance. Étudions, en nous inspirant de l’Écriture, autant qu’il sera nécessaire, pour ne pas nous tromper, sur la nature du bien et du mal. Ce qui prouve que le bien et que le mal sont ce que nous venons de vous dire, c’est la parole du prophète : Qu’est-ce que le bien et qu’est-ce que le Seigneur Dieu demande de vous ? Dites-moi, qu’est-ce que le bien ? C’est que vous chérissiez le Seigneur votre Dieu. (Mic. 6,8) Voyez-vous que le bien, c’est l’obéissance, car l’obéissance vient de l’affection. Autre texte : Mon peuple a fait deux maux ; ils m’ont abandonné, moi qui suis une source d’eau vive, et ils se sont creusé des citernes usées qui ne peuvent contenir l’eau. (Jer. 2,13) Voyez-vous que le mal, c’est la désobéissance, et l’abandon de Dieu. Donc, en attendant, retenons ceci : que le bien, c’est l’obéissance ; que le mal, c’est la désobéissance, et par là, nous apprendrons ce que nous cherchons. En effet, l’arbre a été appelé, arbre de la science du bien et du mal, parce qu’il fut l’occasion de l’ordre qui donnait matière à la désobéissance ou à l’obéissance. Adam, même avant sa faute, n’ignorait pas que le bien c’est l’obéissance, que le mal c’est la désobéissance ; mais il l’apprit plus tard, d’une manière plus évidente, par l’expérience même des choses. Caïn n’ignorait pas même avant d’égorger son frère, que le meurtre d’un frère était une action mauvaise ; ce qui prouve qu’il le savait bien, ce sont ses propres paroles, écoutez : Viens, sortons dans la campagne. (Gen. 4,8) Mais pourquoi attires-tu ton frère dans la campagne, après l’avoir arraché des bras de son père ? pourquoi l’emmènes-tu dans un lieu désert ? Pourquoi le conduis-tu loin de ceux qui veillent sur lui ? loin des yeux de son père ? pourquoi caches-tu ce que tu oses méditer, si tu ne crains pas le péché ? pourquoi encore, quand tu as fait le, meurtre, et que l’on t’interroge, t’indignes-tu, et prononces-tu un mensonge ? En effet, quand Dieu eut dit : Où est Abel, ton frère ? tu as répondu : Est-ce que je suis le gardien de mon frère ? (Gen. 4,9) Ce qui prouve clairement qu’il avait la pleine connaissance de son crime. Donc, de même qu’il savait bien, même avant de pratiquer le meurtre, que le meurtre était une action mauvaise, mais que plus tard il le comprit d’une manière plus claire, quand il reçut son châtiment, quand il t’entendit ces paroles : Tu seras gémissant et tremblant sur la terre ; de même son père, avant de manger du fruit, possédait la connaissance du bien et du mal, quoiqu’elle ne fût pas aussi évidente pour lui, que quand il en eut mangé. Je m’explique : Nous connaissons tous tant que nous sommes, le mal, même avant de le commettre ; nous le