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la position où ils étaient quand ils se sont séparés. Faisons de même, nous aussi, et puisque l’espace nous a manqué pour achever notre discours, reprenons la lutte à la même place, et trouvons le dénouement que nous cherchons, dans ce qui nous a été lu aujourd’hui ; voyons ce que nous présente la lecture de ce jour : Et Dieu dit, faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance.
Notre première recherche doit être, pourquoi quand Dieu faisait le ciel, on ne voit pas Faisons, mais que le ciel soit fait, que la lumière soit faite, et de même pour les créatures particulières ; pourquoi, quand il s’agit de l’homme, voit-on alors seulement ce Faisons, cette expression d’un conseil, d’une délibération avec un autre, quel qu’il soit, à qui l’on fait l’honneur de communiquer sa pensée ? Quel est donc enfin cet être à créer, qui jouit d’un tel honneur ? c’est l’homme, cet animal d’une admirable grandeur, la créature la plus excellente auprès de Dieu, pour qui le ciel et la terre et la mer, et tout l’ensemble de la création a été fait. L’homme dont le salut a été si cher à Dieu, qu’il n’a pas même fait grâce, à cause de lui, à son Fils unique. Et en effet, il n’a rien épargné pour l’élever, l’exalter, le placer à sa droite. C’est ce que crie la voix de Paul : Il nous a ressuscités avec lui, et nous a fait asseoir dans le ciel en Jésus-Christ. (Eph. 2,6) Voilà pourquoi la délibération, et le conseil, et la communication de la pensée divine ; ce n’est pas que Dieu ait besoin de conseil, loin de nous de le croire, mais la figure de l’Écriture nous montre l’honneur déféré à celui qui va naître. Mais comment, me dira-t-on, si l’homme est plus excellent que l’univers, est-il créé après l’univers ? C’est justement par la raison qu’il est plus excellent que l’univers. Quand l’Empereur doit faire son entrée dans une ville, généraux, préfets, satellites, serviteurs de toute espèce, vont devant, ornent le palais, préparent tout afin de faire toute espèce d’honneur à celui qu’on appelle l’Empereur ; il en est de même ici ; l’Empereur va faire, pour ainsi dire, son entrée ; le soleil l’a précédé, le ciel a couru devant, la lumière a paru d’abord, toutes choses ont été créées, tout a été préparé, orné ; alors seulement paraît l’homme à qui on fait tous les honneurs.
Faisons l’homme à notre image. Écoutez, Juifs ; à qui Dieu dit-il, Faisons  ? Ce sont les paroles écrites de Moïse. Ils prétendent croire en Moïse, ces menteurs ; ce qui prouve qu’ils mentent, et qu’ils ne croient pas en Moïse, c’est la parole du Christ qui les a convaincus de mensonge, écoutez : Si vous croyiez en Moïse, vous croiriez aussi en moi. (Jn. 5,46) Certes, ils ont des livres, nous avons, nous, un trésor de livres ; à eux la lettre, à nous, et la lettre et la pensée.
À qui donc dit-il, Faisons l’homme ? C’est à un ange, me dit-on ; c’est tout simplement à un archange qu’il s’adresse. Quand des mauvais sujets, des esclaves, accusés par leur maître, sont à court de réponses, ils débitent tout ce qui leur vient à la bouche. C’est ainsi que vous faites, à un ange, n’est-ce pas ? à un archange ? Quel ange ? quel archange ? La fonction des anges n’est pas de créer, ni celle des archanges, d’opérer de telles choses. Ainsi, quand Dieu créait le ciel, il n’a rien dit, ni à un ange, ni à un archange. C’est par sa seule vertu qu’il fa produit ; et maintenant qu’il produit ce qui est plus excellent que le ciel, que le monde entier, l’être animé par excellence, l’homme, il fait venir ses serviteurs pour les associer à son œuvre créatrice ?
2. Non, mille fois non ; le propre des anges, c’est d’assister, non pas de créer ; le propre des archanges, c’est d’être ministres, et non des confidents et des conseillers. Écoutez la parole d’Isaïe sur les vertus des séraphins, lesquels sont supérieurs aux anges : Je vis le Seigneur assis sur un trône sublime et élevé, et les séraphins étaient autour du trône ; ils avaient chacun six ailes : deux dont ils voilaient leur face (Is. 6,1, 2), pour se garantir les yeux, voyez-vous, parce qu’ils ne pouvaient supporter la lumière éclatante, jaillissant du trône. Que dites-vous ? les séraphins sont là, saisis de tant d’admiration et de stupeur, et de crainte, et cela quand ils voient la clémence de Dieu ; et vous voulez que les anges soient associés à ses pensées, prennent part à ses conseils ? c’est ce qui n’est nullement conforme à la raison. Mais enfin, à qui donc adresse-t-il ces paroles : Faisons l’homme ? C’est à l’admirable confident de ses conseils, à Celui qui partage sa puissance, au Dieu fort, au prince de la paix, au Père du siècle à venir (Is. 9,6) ; c’est lui-même, c’est le Fils unique de Dieu ; c’est donc à lui qu’il adresse cette parole : Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance. Il ne dit pas : à ma ressemblance et à la tienne ; ou à ma ressemblance et à la vôtre, mais à