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stériles. Voyez comment il lui montre la grande bonté de Dieu, épandue sur la maison de Laban à cause de sa présence. Car c’est là ce qu’il a dit plus haut : Dieu vous a béni à ma venue. Personne ne demanderait cela d’un berger ; cela ne dépend ni de lui ni d’aucun homme. C’est pour cela qu’il le met avant tout le reste et qu’il témoigne de la divine Providence qui a pris soin de ces troupeaux. Je n’ai pas mangé vos béliers. Vous ne pouvez dire que j’en aie mangé un seul, comme le font souvent tant de bergers. Je n’en ai point laissé enlever par les bêtes féroces. Je ne les ai ni mangés, ni laissé enlever par les bêtes. – Ne voyez-vous pas chaque jour ceux qui gardent des troupeaux rapporter à leurs maîtres les restes des brebis que les bêtes féroces ont dévorées ? Mais vous ne pouvez me reprocher rien de tel ; vous ne pouvez m’alléguer que rien de tel soit arrivé en vingt ans. Que dis-je, enlevés par les bêtes féroces ? Mais, si même il y a eu des larcins, comme cela devait arriver, je ne vous en ai point donné connaissance, mais je vous en ai dédommagé, qu’ils fussent arrivés de jour ou de nuit. J’ai supporté sans cesse et courageusement les ardeurs du chaud et la rigueur du froid des nuits, pour préserver vos troupeaux de tout dommage ; enfin le sommeil même était écarté de mes yeux par tant de soucis.
Voyez-vous les veilles d’un berger ? Voyez-vous l’ardeur inquiète de son zèle ? Quelle excuse peuvent donc avoir ceux à qui sont con fiés des troupeaux doués de raison, et qui montrent tant d’insouciance ; qui chaque jour, suivant la parole du Prophète, égorgent les uns et voient les autres en proie aux bêtes féroces, ou au pillage, et qui ne veulent en prendre aucun soin ? Cependant la fatigue du pasteur est ici moindre, et sa vigilance plus facile ; car c’est l’âme qu’il faut instruire ; là-bas la fatigue était grande pour l’âme et pour le corps.
7. Or considérez ce que dit Jacob : J’endurais les ardeurs du jour et le froid glacial de la nuit, et le sommeil s’éloignait de mes yeux. Qui maintenant pourrait dire que, pour le salut de son troupeau, i1 a accepté des périls et des peines ? Nul de nos contemporains ne l’oserait prétendre. Paul seul a le droit de le dire avec confiance, et le docteur de la terre entière a seul le droit d’en dire davantage. Et où Paul, direz-vous, a-t-il enduré cela ? Écoutez-le : Qui est faible sans que je le sois avec lui ? qui est scandalisé sans que je brûle ? (1Cor. 11,29) O tendresse du pasteur ! Les chutes d’autrui, dit-il, n’ont pas lieu sans que j’en ressente le contre-coup ; les scandales d’autrui me font ressentir les douleurs d’une fournaise. Que tous ceux-là s’efforcent de lui ressembler, à qui est confié l’autorité sur des brebis raisonnables, et qu’ils ne descendent pas au-dessous de celui qui, pour garder un troupeau sans raison, s’est livré, durant tant d’années, à une telle vigilance. Là, en effet, quelque négligence n’eût point causé de mal ; ici que des brebis raisonnables, une seule se perde, ou devienne la proie des loups, la peine est grande, le dommage immense, le châtiment inexprimable. Car si notre Maître n’a pas refusé de répandre son propre sang pour elle, quel pardon méritera celui qui osera – négliger des âmes estimées si haut par le Maître, et qui n’accomplit pas tout ce qui dépend de lui pour le soin de ses brebis ?
Mais revenons à la suite du texte : Voilà vingt ans, dit durant lesquels j’ai sers dans votre maison. Je vous ai servi quatorze ans pour vos deux filles, et six ans pour des brebis et vous m’avez fraudé en me donnant dix agneaux pour salaire. Si le Dieu d’Abraham, mon père, et le Dieu d’Isaac n’eût pas été avec moi, vous me renverriez maintenant dépouillé de tout. Dieu a vu mon abaissement et mes fatigues et vous a fait hier des reproches. (XXXI, 40-42) Voyez comment les aveux de Liban ont enhardi ce juste et la franchise de ses accusations. Vous savez, dit-il, comment je vous ai servi l’espace de vingt années, quatorze pour vos filles et le reste pour des brebis ; et cependant vous avez voulu me frauder sure mon salaire ; pourtant je ne vous ai pas accusé.. Mais d’après vos propres aveux, je sais que, si le Dieu d’Abraham et d’Isaac ne m’eût assisté, vous me renverriez aujourd’hui seul et les mains vides ; vous m’auriez tout enlevé, vous auriez mis à exécution le noir projet que vous aviez formé. Mais Dieu connaît mon abaissement et mes fatigues. – Que veut-il dire par ces mots ? – Dieu savait avec quelle affection je vous ai servi et les fatigues que j’ai endurées en faisant paître vos brebis, la vigilance que j’y ai jour et nuit apportée ; c’est pour cela que ce, maître plein de bonté vous a fait hier des reproches ; c’est pour cela qu’il a réprimé votre injustice contre moi et votre fureur déraisonnable.