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et varié, mais le plus funeste est celui qui nous incline à aimer la vaine gloire et nous empêche de la mépriser ; car ce péché entraîne avec lui mille désordres : il dissipe les richesses spirituelles que nous avons pu amasser et nous enlève tout le profit que nous en pourrions retirer. Est-il un mal plus dangereux, puisqu’il nous ravit même les biens que nous croyons posséder ? Et n’est-ce pas ainsi que le pharisien fut rabaissé au-dessous du publicain ? (Lc. 18) Il ne sut point maîtriser sa langue, et, en se louant lui-même, il jeta toutes ses richesses par la fenêtre, tant la vaine gloire est un poison funeste !
6. Mais, je vous le demande, pourquoi recherchez-vous si avidement la gloire humaine ? ne savez-vous pas que les louanges des hommes sont moins qu’une ombre, et qu’elles se dissipent comme une vapeur légère ? Ajoutez encore que telle est l’inconstance et la mobilité de l’homme qu’il ne tarde pas à censurer celui que naguère il comblait d’éloges. Mais rien de semblable n’est à craindre de la part de Dieu. Ne soyons donc point si insensés que de nous séduire nous-mêmes ; car, si dans la pratique des bonnes œuvres, notre intention ne se rapporte pas uniquement à Dieu et à l’observation de sa loi, et si nous cherchons à être connus de tout autre que de lui seul, nous perdons le fruit de nos peines et nous nous privons nous-mêmes des avantages que nous en pouvions retirer. Et en effet, celui qui fait le bien pour capter l’estime des hommes, que gagne-t-il, soit qu’il réussisse ou qu’il échoue dans ses projets ? Souvent la gloire humaine nous échappe, même quand nous faisons tout pour l’acquérir ; et toujours, soit que nous parvenions à l’obtenir, ou qu’elle nous échappe, nous recevons ici-bas notre récompense, en sorte que nous ne pouvons espérer celle du ciel. Eh pourquoi ? Parce que celui qui préfère le présent à l’avenir, et la louange des hommes à l’approbation du juste Juge, se rend indigne d’être honoré par ce juge. Si, au contraire, nous pratiquons la vertu pour plaire uniquement au Dieu dont l’œil ne se ferme jamais, et devant qui tout est à nu et à découvert, notre trésor sera en sûreté et nos richesses spirituelles se conserveront intactes. Bien plus, l’assurance où nous serons que ces richesses ne peuvent nous être enlevées, nous comblera d’une douce consolation, et nous ne serons pas même privés de l’estime des hommes.
Et, en effet, nous en jouissons avec une plénitude d’autant plus grande que nous la méprisons, que nous ne la recherchons pas, et que nous ne la désirons point. Et faut-il s’étonner que telle soit la conduite d’un philosophe chrétien, puisque nous voyons les partisans enthousiastes du monde, mépriser eux-mêmes ceux qui ambitionnent le plus la gloire du monde. Oui, vous trouverez toujours que ceux qui paraissent trop avides des honneurs ne s’attirent que du mépris. Quel malheur ne serait donc pas le nôtre, si nous, qui faisons profession de religion et de piété, désirions comme eux les louanges des hommes, et s’il ne nous suffisait pas d’obtenir l’approbation de Dieu, à l’exemple de l’Apôtre, qui tirait sa gloire non des hommes, mais de Dieu ! (Rom. 2,29) N’avez-vous pas observé, mon cher frère, que ceux qui disputent les prix de l’hippodrome ne donnent aucune attention aux cris, ni à la faveur du peuple qui leur applaudit ? C’est qu’ils ne voient que le prince qui préside les courses et qu’ils sont entièrement préoccupés du désir de lui plaire. Aussi, dédaignant les vains suffrages de la multitude, ils sont ivres de bonheur quand ils reçoivent de ses mains le prix et la couronne. Imitez-les, et n’estimez pas à une haute valeur les applaudissements des hommes : ne les recherchez point dans la pratique de la vertu, mais attendez le jugement qu’en portera le juste Juge, et ne soyez attentif qu’à lui obéir. En un mot, réglez tellement votre vie, que déjà vous possédiez en espérance ces biens éternels que nous donnent d’acquérir la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui soient, avec le Père et l’Esprit-Saint, la gloire, l’honneur et l’empire, maintenant et dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.