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s’appliquait à amasser les richesses qui viennent de l’aumône. Elle donnait, dit le texte, des vêtements aux veuves, et leur fournissait 3 toutes les autres choses qui leur sont nécessaires. Il arriva qu’elle tomba malade, et mourut. Voyez ici, mon bien-aimé, quelle récompense ; les veuves donnèrent à cette femme bienfaisante, qui prenait soin d’elle, qui leur donnait des vêtements. Elles entourèrent l’apôtre, dit le texte, et lui montrèrent ces vêtements, et toutes les preuves de la bonté de Dorcas, et des vertus qu’elle manifestait, quand elle était encore au milieu d’elles. Ces veuves redemandaient celle qui les nourrissait, et elles versaient des larmes, et elles touchèrent vivement la compassion de l’apôtre. Que fit alors le bienheureux Pierre ? Il se mit à genoux, en prières, et, se tournant vers le corps, il dit : Tabitha, levez-vous ; elle ouvrit les yeux, vit Pierre, et se mit sur son séant. Il lui donna aussitôt la main et la leva ; et, ayant appelé les saints et les veuves, il la leur rendit vivante. (Act. 9,40-41) Voyez-vous la vertu de l’apôtre, disons mieux, la vertu du Seigneur, opérant par lui ? Voyez-vous la grandeur de la rétribution qui récompense la charité envers les veuves, la grandeur de la rémunération, même dans la vie présente ? Eh quoi ! répondez-moi, cette femme a-t-elle fait, pour les veuves, autant que les veuves ont fait pour elle ? elle leur donna des vêtements et de la nourriture, mais les veuves, en retour, l’ont rendue à la vie ; elles ont repoussé la mort loin d’elle ; disons mieux, ce ne sont pas ces veuves qui ont repoussé la mort, c’est dans sa clémence, Notre-Seigneur, jaloux de récompenser les soins de cette bienfaitrice.
Comprenez-vous la puissance de ce remède, ô mes bien-aimés ? Appliquons-le donc, tous tant que nous sommes, à nous-mêmes ; ce n’est pas un remède dispendieux ; quoiqu’il soit d’une si grande efficacité, il coûte peu, on se le procure sans frais ; car la grandeur de l’aumône ne consiste pas dans la valeur de l’argent, dans le prix des richesses, mais dans l’allégresse de la charité qui s’épanche. Voilà pourquoi celui qui donne un verre d’eau froide est agréable au Seigneur ; et, de même, la pauvre femme qui jette dans le tronc deux petites pièces de monnaie. (Mt. 10,42. – Lc. 21,2) Ces exemples nous, apprennent que c’est, en toutes choses, la pureté de l’intention que demande le Seigneur Dieu de tous les êtres. Il peut se faire que celui qui n’est pas riche, montre une grande libéralité, s’il a dans son cœur une grande charité ; il peut se faire que le riche paraisse moins généreux que le pauvre, si ce riche a une âme sordide. Versons donc, je vous en prie, ce que nous possédons, dans les mains des indigents ; faisons-le, d’une âme charitable et magnifique, avec les dons que nous tenons du Seigneur ; ce que nous avons reçu de lui, rendons-le-lui encore, afin que, de cette manière encore, ces biens redeviennent nôtres, avec plus de profit. Telle est, en effet, la générosité du Seigneur ; quoiqu’il ne reçoive que ce que lui-même nous a donné, il ne croit pas pourtant recevoir de nous ce qui lui appartient en propre ; mais, dans sa grande munificence, il nous promet de tout nous rendre, à là seule condition que nous fassions ce qui dépend de nous ; que nous sachions bien, quand nous donnons aux pauvres, que nous faisons un dépôt dans les mains du Seigneur ; que nous soyons bien assurés que, quels que soient les trésors déposés dans ses mains, non seulement il nous les rendra, mais nous les rendra avec usure, avec un très-grand profit, qui attestera la gloire de son incomparable magnificence. Et que dis-je ? que Dieu nous rendra nos dons avec profit ; non seulement la main divine rend ce qu’on lui donne, mais, à tous ces présents, elle ajoute le don du royaume des cieux, et la gloire partout proclamée, et les couronnes, et des biens qui ne se peuvent compter ; et cela, à la simple condition, pour nous, de prélever, sur tant de bienfaits reçus de Dieu, une toute petite part, que lui offre notre bonne volonté. Y a-t-il donc là une exigence lourde et importune ? De notre superflu, il veut faire, pour nous, le nécessaire ; de ces trésors que nous déposons, sans but sérieux, inutilement dans des coffres d’où ne sort aucun profit, il veut que nous fassions un bon emploi, qui lui permette de nous décerner de splendides couronnes. Car Dieu est impatient, et il nous presse, et il fait tout, et il met tout en œuvre, pourquoi ? Pour nous rendre dignes de toutes ses promesses.
5. Donc, je vous en prie, ne nous privons pas de biens si précieux ; si l’agriculteur diligent, vide ses greniers, confie les semences à la terre, dépense ce qu’il a mis longtemps à recueillir, et fait cette avance avec plaisir, dans l’espérance dé recueillir de plus grands biens, et cela, quoiqu’il n’ignore pas les intempéries