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aimait ? La divine Écriture a voulu nous montrer l’excès de son amour en fixant la longueur du travail et du temps qu’il propose : Jacob le servit donc sept ans, pour Rachel, et ces années lui parurent des jours en bien petit nombre, au prix de l’affection que, lui avait pour elle. (Id. 20)
Ce nombre de sept ans, dit le texte, ce n’était que comme quelques jours, à cause de sa vive affection pour la jeune fille. C’est que l’homme blessé par l’amour ne voit rien de pénible ; tous les dangers, toutes les épreuves, tout lui semble léger, parce que ses regards ne voient qu’une chose, parce qu’il n’a qu’une pensée, rassasier son amour.
Soyons attentifs, nous tous, que tient la lâcheté et l’abattement d’esprit, et qui ne montrons au Seigneur que notre ingratitude. Si ce juste, parce qu’il aimait cette jeune fille, s’est assujetti à servir pendant sept années, a supporté les fatigues des bergers et n’a ressenti ni ces fatigues, ni la longueur du temps ; si tout lui a paru léger et facile, parce qu’il avait pour soutenir son courage, l’attente de la félicité à venir ; si ce temps si long lui a paru comme un petit nombre de jours bien vite passés, quelle sera notre excuse, à nous, qui n’avons lias le même amour pour le Dieu qui nous aime, qui nous comble de bienfaits, qui nous entoure de ses soins, qui se donne tout à nous ? S’agit-il d’un de ces profits du monde ; nous voilà pleins d’ardeur, prêts à tout, acceptant les fatigues, quoique ce bien que nous poursuivons, ne soit que trop souvent un pesant fardeau, une occasion, de honte et de châtiment, dans le présent et dans l’avenir. Mais s’il s’agit de notre salut, s’il faut nous concilier la faveur d’en haut, nous sommes sans énergie, sans courage, et notre vigueur s’en va. Quelle pourra être notre excuse, que pourrons-nous dire pour justifier notre nonchalance, nous, sans cœur, qui n’avons pas pour Dieu le même amour que ce bienheureux pour cette jeune fille, et cela malgré tant de bienfaits depuis longtemps reçus, malgré tant de bienfaits, que nous recevons encore chaque jour ? Oui, nous sommes des ingrats ; le bienheureux Paul n’était pas un ingrat, lui, dont l’amour bouillant, dont la charité ardente trouvait des paroles, des cris, des accents vraiment dignes de sa grande âme : Qui nous séparera de l’amour de Jésus-Christ ? (Rom. 8,35) Voyez la chaleur de l’expression et la force qu’elle recèle, voyez la ferveur de l’amour violent, voyez la charité embrasée. Qui nous séparera, c’est-à-dire, quoi donc peut nous séparer de l’amour pour Dieu, quoi donc parmi les choses visibles, quoi donc parmi les invisibles ?
3. Ensuite, il énumère un à un tous les malheurs particuliers, pour bien montrer à tous, que rien ne peut triompher de l’amour qui le possède, de son amour pour le Seigneur ; il ajoute : La tribulation ? l’affliction ? la faim ? la persécution ? la nudité ? les périls ? le glaive ? O délirante folie, mère de la vraie sagesse ! De tout ce qui peut nous arriver, Qu’est-ce donc qui nous séparera de l’amour de Dieu ? Les tribulations de chaque jour ? non ; les afflictions ? non ; les persécutions ? non, jamais. Quoi donc alors ? la faim ? non, pas même la faim ; mais alors les périls ? et que dis-je ? la faim et la nudité, et les périls ? Ah ! le glaive ? eh bien, dit-il, la mort même, fondant sur nous, n’aura pas ce pouvoir ; impossible, absolument impossible. Nul autre, non, jamais personne n’a mérité de ressentir l’amour pour le Seigneur, autant que cette âme bienheureuse ; c’était comme un esprit affranchi du corps, séjournant dans les espaces sublimes, ne touchant plus la terre, quand il faisait entendre de telles paroles ; son amour pour Dieu, la charité qui l’embrasait, transportait sa pensée loin des choses sensibles, vers la vérité pure ; loin des choses présentes, vers les biens à venir ; loin des choses visibles, vers celles que l’œil ne voit pas. Voilà ce que fait la foi, voilà l’amour de Dieu. Et, comprenez la grandeur du sentiment qui le pénètre, voyez quel amour pour le Seigneur ; voyez quelle charité brûlante, dans la fuite, dans la persécution, dans les verges, dans les innombrables épreuves qu’il supporta, qu’il énumérait ainsi : J’ai plus souffert de travaux, plus reçu de coups : souvent, j’ai vu mille morts ; j’ai reçu des Juifs, à cinq reprises différentes, trente-neuf coups de fouet ; j’ai été battu de verges, par trois fois ; j’ai été lapidé une fois ; j’ai fait naufrage trois fois ; j’ai passé, un jour et une nuit, au fond de la mer ; j’ai été souvent dans les voyages, dans les périls sur les fleuves, dans les périls des voleurs, dans les périls de la part des faux frères, dans la peine et dans les fatigues. (2Cor. 11,23-27)
Et celui qui subissait tant d’épreuves, se réjouissait et tressaillait d’allégresse ; il savait, il avait au fond du cœur la conviction, que les