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terre, afin que personne ne sache où il est caché. C’est ainsi qu’à leur exemple nous devons conserver le trésor de nos vertus et le dérober à tous les regards, en le renfermant dans le secret de notre cœur ; c’est ainsi encore que nous devons repousser les attaques de ceux qui voudraient nous le ravir, en sorte que, le préservant de toute main déprédatrice, nous nous en servions comme d’un utile viatique pour le voyage de l’éternité. Ceux qui vivent dans un pays étranger et qui désirent revoir leur patrie, s’occupent longtemps à l’avance de réunir peu à peu autant d’argent qu’il leur en faut pour suffire à la longueur du chemin et ne pas s’exposer à mourir de faim. Cette conduite doit être aussi la nôtre, car nous sommes sur la terre des étrangers et des voyageurs. Ayons donc soin de réunir et de mettre en réserve d’abondantes provisions, afin qu’au moment où le Seigneur nous ordonnera de retourner dans notre patrie, nous soyons prêts à partir, emportant avec nous une partie de nos richesses et ayant déjà envoyé l’autre devant nous. Car telle est la nature de ce viatique : il nous est loisible de nous faire précéder d’une multitude de bonnes œuvres ; et celles-ci en nous devançant, nous ouvriront les portes d’une juste confiance pour paraître devant Dieu, nous faciliteront l’accès de son trône, et nous permettront d’aborder sans crainte un Juge dont elles nous auront concilié la bienveillance.
2. Mais pour vous convaincre, mes chers frères, de la certitude de cette doctrine, il me suffit de vous rappeler qu’au sortir de ce monde, le chrétien qui aura largement dispensé l’aumône et mené une vie pure, trouvera miséricorde auprès du Juge suprême, et entendra avec tous les élus ces consolantes paroles : Venez, les bénis de mon Père ; possédez le royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde : car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger. (Mt. 25,34, 35) Il en est de même des autres vertus, de la confession des péchés et de l’assiduité à la prière. Et en effet, lorsque pendant la vie nous avons eu soin d’effacer nos péchés par la confession, et que nous avons pu en obtenir de Dieu le pardon, nous quittons la terre, purs de toute souillure, et nous paraissons devant le Seigneur pleins d’une entière confiance ; mais ceux qui auraient négligé de mettre à profit le temps présent pour expier leurs péchés, ne trouveront après la mort aucune consolation. Car, Seigneur, dit le Psalmiste, qui confessera votre nom dans le sépulcre ? (Ps. 6,6) Parole bien vraie, puisque la vie est le temps de la lutte, de la guerre et des combats, et que l’éternité est celui des couronnes, des prix et des récompenses. Ainsi, combattons généreusement tandis que nous sommes encore dans la carrière, de peur qu’au grand jour des couronnes et des récompenses, nous ne soyons du nombre de ceux qui n’auront en partage que la honte et la confusion. Puissions-nous, au contraire, nous mêler aux élus qui se présenteront avec confiance pour être couronnés !
Ce n’est pas sans raison que je vous parle ainsi, mes bien-aimés ; et j’espère que mes paroles ne vous seront point inutiles. Oui, je veux tous les jours vous avertir de multiplier vos bonnes œuvres, afin que vous paraissiez aux yeux de tous, consommés en perfection, et ornés de toutes les vertus. Enfants de Dieu, irrépréhensibles, purs et immaculés, vous brillerez alors dans le monde comme des astres, et possédant la parole de vie, vous serez un jour notre gloire devant le Christ. Et cependant votre présence seule aura déjà été pour vos frères un salutaire avertissement, et le parfum de vos vertus non moins que vos sages entretiens les auront attirés à imiter vos bons exemples. Car si les méchants se nuisent les uns aux autres par leurs mutuelles relations, selon ce mot de saint Paul : les mauvais entretiens corrompent les bonnes mœurs (1Cor. 15,33) ; il n’est pas moins vrai que la société des gens de bien est d’un grand secours à ceux qui la cultivent. C’est donc par bonté que Dieu permet le mélange des bons et des méchants, afin que ceux-ci profitent des exemples de ceux-là, et ne demeurent pas toujours dans leur iniquité. Et en effet parce qu’ils ont continuellement sous les yeux de beaux modèles de vertu, il est comme impossible qu’ils n’en profitent pas. Car tel est le pouvoir de la vertu, que ceux même qui ne la pratiquent pas, ne peuvent lui refuser leurs respects et leurs hommages. Les méchants, au contraire, désapprouvent le vice et le condamnent, et vous n’en trouverez presque aucun qui se fasse gloire d’être vicieux. Mais ce qui est plus étonnant encore, c’est que leurs paroles flétrissent leur propre conduite, et qu’ils recherchent les ténèbres pour commettre le mal. Car l’homme porte au fond de sa conscience, et par un effet de la miséricorde divine,