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qui n’avait pas même un terrain pour y déposer les restes de Sara ; mais qui alors, poussé par la nécessité, acheta un champ, une caverne, aux fils de Chet. Vous faut-il la preuve qu’il était considéré des Chananéens, écoutez ce que lui disent les fils de Chet : Vous êtes parmi nous un roi qui nous vient de Dieu ; enterrez dans nos plus beaux sépulcres la personne qui vous est morte. Nul d’entre nous ne pourra vous empêcher de mettre dans son tombeau la personne qui vous est morte. Voyez d’ailleurs la conduite même du juste, qui est pour ces peuples l’enseignement de la véritable sagesse. Il n’accepte pas le monument sans en compter le juste prix : Permis à vous, leur dit-il, de me témoigner ainsi votre bienveillance ; mais moi je ne l’accepterai pas, sans commencer par vous payer le prix qui vous est dû. (Id. 13) C’est à ces conditions que je reçois la sépulture ; il compta ensuite l’argent, dit le texte, et prit possession du monument. Abraham enterra donc sa femme Sara, dans la caverne double du champ qui regarde Mambré. (Id. 19) Et cet homme illustre, honoré de tous, qui jouissait auprès de Dieu d’une si grande faveur, qui était auprès des habitants de cette contrée, en si grand honneur que les fils de Chet le nommaient un roi, ne possédait pas même ce qu’il fallait de terre pour y poser son pied. Voilà pourquoi le bienheureux Paul, célébrant les vertus de ce juste, écrivait : C’est par la foi qu’Abraham demeura dans la terre qui lui avait été promise, comme dans une terre étrangère, habitant sous des tentes, avec Isaac et qui devaient être héritiers avec lui de celle promesse. (Héb. 11,9) Ensuite, pour nous apprendre comment c’est par la foi qu’il demeura étranger, Paul ajoute : Car il attendait cette cité, bâtie sur un ferme fondement, de laquelle Dieu même est le fondateur et l’architecte. (Id. 10) C’est, dit-il, par l’espérance des biens à venir, qu’il méprisait les choses présentes ; dans (attente de biens plus, considérables, il dédaignait ceux de la vie présente ; et cela, avant la loi, avant la grâce. Quelle sera donc notre excuse, répondez-moi, je vous en prie, nous qui, après tant de promesses pour nous garantir, pour nous assurer des biens ineffables, demeurons ébahis, n’admirant que le présent, et qui achetons des domaines, et qui voulons, avant tout et partout, briller, et qui amassons par avarice et à force de rapines ? Et c’est là ce qui inspirait, au bienheureux prophète, ce cri lamentable : Malheur à vous, qui joignez maison à maison, et qui ajoutez terre à terre, pour dépouiller le prochain ! (Is. 5,8) N’est-ce pas là ce que nos œuvres accomplissent ? Ne voyons-nous pas chaque jour, que l’on pille les veuves, que l’on dépouille les orphelins ; que les plus faibles sont foulés sous les pieds des plus forts ? Mais ce juste n’agissait pas ainsi ; voulant acheter une sépulture, et voyant le bon vouloir de ceux à qui il la demandait, il ne l’accepta pas avant d’avoir payé le juste prix. C’est pourquoi, mes bien-aimés, gardant ces pensées dans nos esprits, nous qui vivons sous la grâce, imitons celui qui vivait avant la loi ; n’allons pas, embrasés du désir de posséder, attiser une flamme bien plus dévorante encore, la flamme inextinguible, la flamme qu’on ne peut supporter ; car nous nous entendrons dire, si nous persistons dans cette rapine, dans cette avarice, les paroles qui furent dites à l’ancien riche : Insensé, cette nuit même, on va te redemander, ton âme ; ce que tu as amassé, pour qui sera-ce ? (Lc. 12,20) Pourquoi, réponds-moi, t’inondes-tu de sueur ? afin d’amasser ce que bientôt, quand on t’arrachera d’ici, tu y laisseras ; ce qui, non seulement t’est parfaitement inutile, mais ne fait qu’aggraver ; le poids des péchés qui chargent tes épaules, et que n’allégera pas un repentir inutile ? Les trésors rassemblés par ton avariée, tu les verras souvent tomber en des mains ennemies, et cependant il te faudra rendre compte pour ces trésors et subir ton châtiment. Quel est donc ce délire de travailler pour les autres et de ne préparer pour toi que le supplice ?
2. Quoi qu’il en soit, c’est bien, nous avons été jusqu’ici victimes de notre négligence ; mais dès ce jour au moins, délibérons, voyons ce que nous devons faire, n’ayons pas pour uni que souci de nous enrichir à l’extérieur ; attachons-nous à la justice ; notre vie ne se borne pas aux limites du temps présent, nous ne serons pas toujours dans une terre étrangère, mais, bientôt, nous retournerons dans notre vraie patrie. Faisons donc tout de manière à ne pas nous trouver, là-bas, dans l’indigence, Quel profit de laisser dans la terre étrangère de grandes richesses, et ; dans son propre pays, dans sa vraie patrie de manquer du nécessaire ? C’est pourquoi, je vous en prie, il en est temps encore ; transportons dans cet autre séjour ; même ce que nous possédons ici, dans