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plus, les justifier avec un soin si jaloux, d’aller les condamner, nous qui sommes chargés de péchés sans nombre ? Écoutons la voix de Paul : C’est Dieu qui justifie, qui osera condamner ? (Rom. 8,33-34) Et ce qui prouve que cette action ne fut pas l’effet irréfléchi d’une passion ordinaire ; que l’excès de la tristesse et le vin ne lui laissèrent aucun sentiment, écoutez l’Écriture : Le jour suivant, l’aînée dit à la cadette : Vous savez que je dormis hier avec mon père ; donnons-lui encore du vin à boire, cette nuit, et vous dormirez aussi avec lui, afin que nous conservions de la race de notre père. Voyez en quelle sûreté de conscience elle faisait cette action. Puisque j’ai pu, dit l’aînée, accomplir ce que je voulais, il est nécessaire que vous aussi vous fassiez la même chose ; peut-être obtiendrons-nous ce que nous désirons, et notre race ne périra pas éternellement. Elles donnèrent donc encore, cette nuit-là, du vin à leur père, et sa seconde fille dormit avec lui, sans qu’il sentît non plus, ni quand elle se coucha, ni quand elle se leva. Considérez, mes bien-aimés, que tout ce qui s’est passé là, est l’œuvre d’une disposition divine, comme il est arrivé pour le premier homme. Il dormait, on lui prit une côte, et il ne sentit rien ; celui qui avait fait cette côte, en tira l’épouse d’Adam. Le fait d’aujourd’hui est de même nature. Si la côte fut enlevée dans un moment où la pensée, par l’ordre de Dieu, ne s’en aperçut pas, en l’absence de tout sentiment pour l’homme, à bien plus forte raison en fut-il de même, pour le fait qui nous occupe. La divine Écriture dit : Le Seigneur Dieu envoya à Adam un profond sommeil, et il dormit. (Gen. 2,21) Elle exprime un fait du même genre par ces paroles : Sans qu’il sentît, ni quand elle se coucha, ni quand elle se leva. Ainsi, dit le texte, elles conçurent de leur père ; l’aînée enfanta un fils, et elle le nomma Moab, c’est-à-dire de mon père ; c’est le père des Moabites ; la seconde enfanta aussi un fils, et elle l’appela Ammon, c’est-à-dire le fils de ma race ; c’est le père des Ammonites. (Gen. 19,36-38) Vous voyez qu’il n’y a pas là une œuvre de l’incontinence, puisque, tout de suite, elles donnent à leurs fils des noms qui expriment le fait ; elles inscrivent dans les noms de leurs fils, comme sur des colonnes, le fait qu’elles ont accompli ; elles marquent d’avance les nations qui doivent sortir de leurs enfants ; elles indiquent la propagation de leur race qui formera des peuples. L’un, en effet, sera le père des Moabites, l’autre celui des Ammonites.
6. Considérons maintenant qu’à cette époque, dans ces premiers temps, où commençaient les choses, on voulait conserver sa mémoire par la succession de sa race ; de là la préoccupation si forte des filles de l’homme juste. Aujourd’hui, au contraire, par la grâce de Dieu, la religion a grandi, et, comme dit le bienheureux Paul : La figure de ce monde passe. (1Cor. 7,31) C’est par nos bonnes œuvres que nous devons assurer notre mé moire, afin qu’après notre départ d’ici-bas, l’examen attentif et minutieux de notre vie, soit un exemple, un enseignement, pour tous ceux qui tourneront sur nous leurs regards. C’est qu’en effet les hommes vertueux, les hommes chastes et purs, peuvent être utiles non seulement dans cette vie, mais après leur départ de cette vie, à ceux qui les contemplent, Voyez-en la preuve, je vous en conjure, dans le grand nombre d’années qui se sont écoulées depuis Joseph jusqu’à nos jours ; dans ce qui arrive toutes les fois que nous voulons porter les hommes à la continence. C’est Joseph que nous proposons, ce beau et gracieux jeune homme, qui, dans, la fleur de l’âge, montre une sagesse si virile, tant de chasteté, tant de pudeur. Voilà par quels moyens nous nous appliquons à provoquer, dans ceux qui nous écoutent, l’imitation des vertus que ce juste a montrées en lui. Qui n’admirerait pas en effet ce bienheureux ? il est esclave ; il est dans la fleur de la jeunesse ; à l’âge où la concupiscence est une fournaise plus que jamais brillante ; il voit la femme de son maître, qui se lance sur lui dans le délire de la passion, et il montre un courage héroïque, et il s’est si bien exercé aux combats de la tempérance, qu’il s’échappe hors des étreintes de cette femme aux désirs effrénés. Il s’élance loin d’elle, dépouillé de ses vêtements, mais revêtu de sa chasteté qu’il conserve. Et, à cette heure, on pouvait voir, étrange, incroyable prodige, l’agneau au pouvoir du loup, disons mieux, sous l’ongle de la lionne, et cependant l’agneau fut sauvé. Et, comme la colombe évite la serre de, l’aigle, ainsi ce juste échappe aux mains de cette femme. Non, je n’admire pas autant la victoire des trois jeunes hommes, triomphant de la flamme au milieu de la fournaise de