Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 5, 1865.djvu/301

Cette page n’a pas encore été corrigée

d’hommes si impies, non seulement ne s’est pas relâché, mais n’en a montré que plus de vertu. Et lorsque tous, pour ainsi dire, se ruaient dans le précipice, lui seul, dans une si grande multitude, suivit le droit chemin.
Où sont-ils maintenant ceux qui prétendent qu’on ne peut pas, au milieu d’une ville, conserver la vertu ? qu’il est besoin de retraite, de séjour sur les montagnes ? qu’on ne peut pas, quand on a une maison à conduire, quand on a une femme, des enfants à soigner, et des domestiques, et des serviteurs, pratiquer la vertu ? Qu’ils voient donc cet homme juste, ayant à ses côtés femme, enfants et serviteurs, vivant au sein d’une ville, et pareil, au milieu de tous ces méchants, de tous ces impies, à une étincelle qui brille au milieu de la mer, qu’ils le voient donc persister, non seulement sans s’éteindre, mais répandre une lumière chaque jour plus éclatante. Et ce que je dis, ce n’est pas pour empêcher qu’on ne cherche-la retraite hors des villes ; ce n’est pas pour interdire le séjour des montagnes ou des solitudes ; mais je montre que celui qui veut vivre dans la tempérance, pratiquer exactement, activement la vertu, ne trouve, hors de lui, rien qui l’en puisse empêcher. De même que l’indolent, que celui qu’un rien abat, ne retire aucun profit de la solitude ; (en effet, ce n’est pas du lieu où l’on est que la vertu dépend, c’est le fruit de notre sagesse et de nos mœurs ;) de même, l’homme sage et vigilant, n’a pas à souffrir du séjour des villes. Aussi je voudrais voir, comme ce bienheureux, les hommes vertueux vivre au sein des cités, où ils seraient comme un ferment qui attirerait les autres, qui les porterait à suivre leur exemple. Toutefois, comme la vie dans ces conditions semble difficile, nous permettons qu’on essaye l’autre genre de vie. En effet, la figure de ce monde passe. (1Cor. 7,31) La vie présente est courte ; et, si nous ne profitons pas du moment que nous sommes encore dans le stade, pour entreprendre les travaux de la vertu, pour fuir les filets de la malignité, c’est en vain, plus tard, que nous prétendrons nous corriger, quand le repentir ne servira de rien. Tant que nous demeurons dans la vie présente, le repentir peut avoir son utilité ; on y gagne l’expiation des premières fautes, on acquiert ainsi la miséricorde du Seigneur. Si nous laissons échapper le temps présent, si tout à coup nous sommes emportés, nous pourrons nous repentir, mais nous n’en retirerons aucune utilité. En voulez-vous l’assurance ? écoutez ce que dit le Prophète : Qui est celui qui vous louera dans l’enfer ? (Ps. 6,5) Et ailleurs : Le frère ne rachète point son frère, l’étranger le rachètera-t-il ? (Ps. 48,8) Il n’y aura là, dit le Psalmiste, personne, plus tard, pour délivrer celui qu’aura trahi sa négligence ; il n’y aura là ni frère, ni père, ni mère ; et que dis-je, ni frère, ni père, ni mère ? les justes même, qui jouissent de l’intimité de Dieu, ne pourront alors nous être d’aucun secours, si, dans la vie présente, nous cédons à l’engourdissement. En effet, dit le Prophète, que Noé, Job et Daniel s’y trouvent en même temps, ils ne délivreront ni leurs fils, ni leurs filles. (Ez. 14,20) Voyez quelle terrible menace ; quels justes l’Écriture a nommés ! En effet, ces sages, quand ils vivaient, ont procure ; même le salut des autres ; Noé, quand l’épouvantable déluge saisit la terre, sauva son épouse et ses fils ; Job. de même, fut, pour les autres, une cause de salut, Daniel aussi arracha un grand nombre d’hommes à la mort, quand ce barbare demandait des choses impossibles à la nature humaine, et voulait exterminer Chaldéens, Mages, et Gazaréniens.
2. Ne pensons pas qu’il en soit de même dans le siècle à venir, et que ceux qui ont passé leur vie dans la vertu, qui sont en faveur auprès de Dieu, puissent affranchir du supplice leurs amis, leurs parents, qui auront vécu ici-bas dans une molle négligence. Voilà pourquoi le texte nous a parlé de ces hommes justes ; c’est pour nous inspirer la terreur, c’est pour nous montrer que chacun de nous doit fonder sur ses propres œuvres, en même temps que sur la grâce divine, l’espérance de son salut ; qu’il ne faut ni se glorifier des vertus de ses ancêtres, ni de quoi que ce soit hors de nous, ni bâtir sur ce fondement sa confiance, si nous persévérons dans le péché ; mais qu’il faut se soucier uniquement, si nos pères ont brillé parla vertu, d’imiter leur vertu ; et, s’il leur est arrivé le contraire, si nous sommes nés de parents pervertis, nous ne devons pas croire qu’il y ait là rien qui nous soit nuisible, pour peu que nous nous exercions aux fatigues de la vertu. En effet, nous ne retirerons, de ce qui ne nous est pas personnel, aucun dommage ; chacun n’est couronné ou condamné que pour ses propres œuvres, comme dit le bienheureux Paul : Afin que chacun reçoive ce qui est dû aux bonnes ou aux mauvaises actions qu’il aura faites,