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nos regards en attendant ; imitons si vous voulez, cette femme, et par ce moyen, peu à peu nous parviendrons jusqu’à l’imitation du prophète. Imitons donc son hospitalité généreuse ; à l’avenir plus de prétextes tirés de notre indigence. Si indigent 'qu’on soit, on ne le sera jamais plus que cette femme, qui n’avait d’aliments que pour un jour, et qui, même dans cette extrémité, accorda au prophète, sans hésiter, ce qu’il lui demandait, s’empressa d’obéir, et tout de suite, reçut sa récompense. Car voilà la conduite de Dieu ; il donne beaucoup, après avoir peu reçu. Car enfin, parlez, je vous en prie, a-t-elle donné autant qu’elle a reçu ? Mais Notre-Seigneur ne regarde pas à – la quantité dans le don ; il ne voit que la munificence de la volonté. Voilà ce qui fait que de petites choses deviennent de grandes choses ; que souvent aussi, de grandes choses perdent tout leur prix, lorsque la vive ardeur de l’âme ne répond pas à la conduite. Voilà pourquoi cette veuve de l’Évangile, au milieu de tant de gens qui faisaient des offrandes, qui en apportaient tant dans le trésor, avec ses deux petites pièces de monnaie, a vaincu tous les riches. (Lc. 21,3, 4) Elle ne donna pas plus que les autres, mais elle montra plus que les autres la libéralité de la volonté ; les autres, en effet, dit le Seigneur, faisaient l’aumône de leur superflu, cette veuve apporta tout ce qu’elle possédait, toute sa subsistance ; tout ce qui la faisait vivre, dit le texte, elle le jeta dans le trésor.
Eh bien ! sommes-nous vraiment des hommes ? imitons au moins ces femmes ; qu’il ne soit pas dit que nous ne les valons pas ; ne réduisons pas notre empressement à dépenser, pour nos jouissances particulières, tous ce que nous possédons ; sachons aussi montrer que nous prenons grand soin des indigents ; soignons-les avec ardeur, avec le zèle joyeux d’une affection sincère. Quand l’agriculteur jette les semences sur la terre, il ne le fait pas avec tristesse, mais gaiement et joyeusement, comme s’il voyait déjà les gerbes qu’il se promet, et il prend plaisir à jeter la semence dans le sein de la terre. Faites de même, mes bien-aimés, ne considérez pas seulement, ni le pauvre qui reçoit, ni la dépense que vous faites ; pensez donc que celui qui reçoit de vos mains, est un être visible, mais qu’il y en a un autre, qui regarde comme fait à lui-même ce que l’on fait au premier. Et cet autre n’est pas un personnage vulgaire, c’est le Maître du monde entier, le Seigneur de toutes les créatures, Celui qui a fait et le ciel et la terre. Et cette dépense produit de gros intérêts ; et, non seulement elle ne diminue pas votre avoir, mais elle l’augmente si vous avez la foi et l’allégresse de la charité ; je veux dire, ce qui est de tous les biens le principal ; ajoutez à ces revenus, à ces bénéfices que vous vaut votre dépense, ajoutez-y encore, que vos péchés vous sont pardonnés. Quel bien pourrait égaler celui-là ? Donc, si nous voulons devenir vraiment riches, ajouter à nos richesses la rémission de nos péchés, versons, dans les mains des indigents, tous nos trésors ; envoyons-les avant nous dans le ciel, où il n’y a ni voleur, ni larron, ni bandit perçant les murailles, ni serviteur infidèle, ni quoi que ce puisse être qui nous enlève notre richesse. Car de cet heureux séjour, n’approche aucun de tous ces dangers ; il suffit pour nous, de ne pas poursuivre la vaine gloire, mais de marcher, en suivant les lois du Christ, non pas pour obtenir les louanges des hommes, mais pour être loués par le commun Seigneur de tous les êtres ; pour qu’il ne soit pas dit que nous ne faisons que des dépenses sans aucun profit. Voulons-nous mettre nos richesses à l’abri de toutes les convoitises ? transportons-les au ciel, par les mains des pauvres. Ce n’est qu’un frivole désir de gloire qui les consume ; et comme la teigne et les vers rongent les tissus, ainsi fait la vaine gloire des richesses ; les richesses s’acquièrent par la miséricorde. C’est pourquoi, je vous en conjure, ne nous bornons pas à faire des aumônes, mais sachons prendre toutes nos précautions, pour nous assurer de grands biens, en échange de peu de chose, à la place du fragile, l’incorruptible, en retour de ce qui est temporaire, l’éternel ; et de plus, avec tous ces biens, la rémission de nos péchés, et le bonheur qu’aucune expression ne peut rendre ; et puisse-t-il devenir pour nous tous, notre partage, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient, comme au Père et à l’Esprit saint et vivifiant, la gloire, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.