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expulsera la volupté. Donc, plus de négligence ; comprenons bien que la vie est une lutte, un combat ; qu’il faut, comme dans une mêlée, que nous affrontions l’ennemi ; faisons-nous chaque jour une âme nouvelle ; rendons à notre âme sa jeunesse, retrempons sa vigueur ; méritons le secours d’en haut, qui nous donnera la force de briser aussitôt la tête du monstre, je veux dire de l’ennemi de notre salut. C’est le Seigneur lui-même qui nous a fait cette promesse : Vous voyez que je vous ai donné le pouvoir de fouler aux pieds les serpents et les scorpions, et toute la puissance de l’ennemi. (Lc. 10,19) Soyons donc vigilants, je vous en conjure, suivons les traces de ce patriarche qui nous mène à la vertu, afin de mériter les mêmes couronnes, de nous réunir dans son sein, de fuir la gêne éternelle, d’obtenir les biens ineffables. Mais maintenant, pour rendre votre émulation plus active, pour vous provoquer davantage à imiter ce juste, voyons, mes bien-aimés, nous allons vous entretenir encore de son histoire ; attaquons la suite des événements. Donc, après cette large et généreuse hospitalité qu’il pratiqua, non pas en servant à ses hôtes des mets somptueux se succédant sans relâche, mais en leur montrant le généreux empressement de son cœur, il reçut aussitôt le salaire de l’hospitalité ; il apprit quel était ce personnage qu’il voyait en sa présence, et combien grand était son pouvoir. Les hôtes se retirent, se préparant à renverser Sodome ; le patriarche les suit, les accompagne pour leur faire honneur, dit le texte ; voyez la clémence du Seigneur, combien est grande son indulgence et sa bonté. Il honore le juste, et en même temps, il met à découvert la vertu cachée de son âme. Ces hommes s’étant donc levés, dit le texte, de ce lieu, ils tournèrent les yeux vers Sodome et Gomorrhe.
C’est des anges qu’il est question. Dans le lieu dont il s’agit, dans la tente d’Abraham, parurent, en même temps, et des anges et leur Seigneur, Dieu. Ensuite, ces anges furent envoyés comme des ministres pour renverser ces villes ; mais le Seigneur demeura, et, comme un ami qui converse avec un ami, il confia à Abraham ce qu’il était sur le point de faire. De là vient qu’après le départ des anges Alors, dit le texte, le Seigneur dit : Je ne cacherai pas à Abraham, mon serviteur, ce que je vais faire. (Id. 17) Grande condescendance de la part de Dieu ; honneur pour le juste, honneur insigne au-dessus de tout discours. Voyez en effet, comme il lui adresse la parole. On dirait un homme parlant à un homme. Dieu nous montre par là de quel honneur il juge digne les hommes vertueux ; et ne croyez pas que cet honneur insigne, accordé à l’homme juste, ne soit qu’un effet de la Divine Bonté ; remarquez : la sainte Écriture nous enseigne que le juste lui-même est la première cause de l’honneur qui lui est fait, parce qu’il a accompli, avec un grand zèle, les commandements divins. En effet, une fois que Dieu a dit : Je ne cacherai pas à Abraham, mon serviteur, ce que je ferai, il ne dit pas tout de suite ce qui arrivera. Or, il était conséquent de ménager une transition pour ne pas dire brusquement qu’il allait incendier Sodome. Attention ! ne passons pas ici légèrement, il n’y a pas une syllabe, pas une lettre dans la divine Écriture qu’il faille passer légèrement. Quel honneur, dites-moi, pour Abraham, dans ces paroles que Dieu prononce : Abraham, mon serviteur ! Quelle affection, quelle tendresse ! Voilà ce qui rehausse le plus l’honneur fait au juste, ce qui donne le plus de prix à cet honneur. Ensuite, comme je viens de le dire, après que le Seigneur a dit : Je ne cacherai pas, il ne dit pas tout de suite ce qui allait arriver, mais que dit-il ? Pour nous apprendre que ce n’est pas sans raison, à la légère, qu’il lui montre tant d’affection, Dieu dit : Abraham doit être le chef d’un peuple très-grand et très-nombreux, et toutes les nations de la terre seront bénies en lui. Car je sais qu’il ordonnera à ses enfants, et à toute sa maison, après lui, de garder les voies du Seigneur et d’agir selon l’équité et la justice, afin que le Seigneur accomplisse en faveur d’Abraham tout ce qu’il lui a promis. (Id. 18, 19) Ah ! quelle grandeur de la bonté du Seigneur ! comme il était sur le point de détruire Sodome, il commence par rassurer le patriarche ; il lui inspire la confiance, il lui promet une très-grande bénédiction ; il lui annonce que lui-même sera le père d’un grand peuple ; il lui apprend que ce sera là la récompense de sa piété. Considérez, en effet, combien est grande la vertu du patriarche, puisque Dieu dit de lui : Je sais qu’il ordonnera à ses enfants de garder les voies du Seigneur. C’est là un grand accroissement ajouté à la vertu. En effet, il n’est pas récompensé