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du jour terrible, la crainte de l’enfer, la grandeur des promesses, l’idée que le Seigneur commun de tous considérera comme fait à lui-même tout ce qu’ils auront fait pour leurs semblables, tout cela ne peut rien. Comme si leur cœur était de pierre et qu’ils fussent étrangers à notre nature, ils se regardent, à cause du luxe de leurs habits, comme supérieurs aux autres hommes, sans songer à toutes les peines qu’ils encourent en faisant un mauvais usage des biens que le Seigneur leur a confiés et qu’ils ne songent pas à partager avec leurs frères : ils aiment voir les vers ronger ce qu’ils possèdent et allumer pour eux-mêmes le feu de l’enfer. Si les riches distribuaient aux indigents tout ce qu’ils tiennent inutilement renfermé, cela ne suffirait pas encore pour leur faire éviter les peines qu’ils méritent pour le luxe de leur table et de leurs habits. Quelle punition méritent donc ceux qui mettent tous leurs soins à se montrer en public avec des vêtements de soie brodés d’or ou de diverses couleurs, et qui méprisent la nudité et l’indigence du Christ privé même du nécessaire ? C’est surtout aux femmes que je m’adresse. C’est surtout chez elles que se trouve le désir et l’excès de la parure ; l’or brille sur leurs habits, leur tête, leur cou et tout leur corps ; et elles en tirent vanité ! Combien d’affamés pouvaient être rassasiés, combien de nudités pouvaient être couvertes, rien qu’avec le prix de leurs pendants d’oreilles qui ne servent à rien qu’à perdre leur âme ! Aussi le docteur de la terre, après avoir dit Contentons-nous de la nourriture et du vêtement, s’adresse-t-il encore aux femmes : Qu’elles n’aient point de coiffures recherchées, d’or, de perles, ni d’habits somptueux. (1Tim. 2, 9) Vous voyez qu’il leur interdit ces ornements d’or, les perles et les habits somptueux : il veut qu’elles ne considèrent comme véritable parure que celle de l’âme ; c’est aux bonnes œuvres qu’il commande de l’emprunter. Il sait bien que celle qui a en tête ces vanités ne peut avoir qu’une âme souillée, flétrie, déguenillée, affamée, transie de froid ! Car cette ardeur pour parer le corps montre la laideur de l’âme, cette avidité sensuelle prouve qu’elle est affamée, et ce luxe de vêtements laisse voir sa nudité. Si l’on veille sur son âme et si l’on en cultive la beauté, on rie peut désirer cette parure extérieure ; de même, si l’on s’occupe de sa toilette, de ses brillants habits et de ses ornements dorés, il est complètement impossible de veiller sur son âme. Comment pourrait-on avoir une bonne pensée et s’occuper des choses spirituelles, si l’on s’est une fois livré aux choses d’ici-bas, si l’on ne fait que ramper à terre, pour ainsi dire, sans jamais relever la tête et accumulant toujours le fardeau de ses péchés ? Il serait trop long maintenant de dire tous les maux qui en résultent : il me suffit de rappeler à tontes les personnes qui se sont livrées à ces goûts tous les désagréments qu’elles en éprouvent chaque jour. Il est tombé quelque chose d’une parure en or : aussitôt tempête et tumulte dans la maison : un domestique a dérobé un objet, tous sont fouettés, battus, emprisonnés : des larrons ont tout pillé en un clin d’œil : chagrin immense et insupportable. Un revers survient qui réduit à une misère extrême, et alors la vie est plus pénible que la mort : qui pourrait dire tous les accidents auxquels on est exposé ? En résumé une âme de cette nature ne sera jamais en repos ; de même que les vagues de la mer sont incessantes et innombrables, de même les agitations de cette âme ne peuvent se compter. Aussi, je vous en conjure, fuyons en toute chose l’avidité et l’abus. La véritable richesse, le trésor inépuisable, consistent à ne désirer que le nécessaire et à faire un bon usage du superflu. Celui qui agit ainsi ne peut craindre la pauvreté, n’éprouve ni accident ni trouble : il est au-dessus de la calomnie et des pièges ; en un mot, il est toujours tranquille et vit dans le calme et le repos. Enfin, ce qui est le grand le souverain bien, il est protégé de Dieu, et soutenu de la grâce d’en haut, comme un intendant fidèle des richesses du Seigneur. Heureux le serviteur que son maître trouvera agissant ainsi quand il le visitera ! (Lc. 18,43) C’est-à-dire qu’il distribue ce qu’il faut à ses frères, au lieu de le renfermer dans des armoires et derrière les portes pour le laisser ronger aux vers : il soulage la misère des indigents et se montre bon et fidèle dispensateur des biens que le Seigneur lui a confiés, afin que, par cette largesse il reçoive une grande et juste récompense, et mérite les biens qui lui ont été promis, par la, grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui, ainsi qu’au Père et au Saint-Esprit, gloire, puissance, honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.