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bon Maître répond : en voici le moyen. Prends une génisse de trois ans, une chèvre de trois ans, et un bélier, et une tourterelle et une colombe.
Remarquez, je vous prie, à quelle condescendance matérielle arrive ce doux Maître pour rassurer le patriarche. Comme c’était l’usage des hommes de faire et de confirmer ainsi leurs traités, Dieu même agit comme eux. Il prit ces animaux, dit l’Écriture, et les partagea par la moitié. Ce n’est pas sans raison que leur âge est indiqué : il fallait les prendre à trois ans, c’est-à-dire adultes et à leur taille. Il les partagea par la moitié et mit les deux parties en face l’une de l’autre ; mais il ne partagea point les oiseaux. Il s’assit et veilla pour que les oiseaux qui volaient autour de ces animaux partagés ne pussent y toucher, et il resta ainsi tout le jour. Les oiseaux descendirent auprès de ces animaux ainsi partagés près desquels s’était assis Abram. Vers la chute du jour, Abram tomba en extase, et il fut saisi d’un grand effroi et enveloppé de ténèbres. Pourquoi vers le coucher du soleil, quand vient le soir ? C’est que Dieu veut rendre le patriarche plus attentif : cette extase et cet effroi ténébreux l’envahissent pour que tout lui fasse comprendre la présence de Dieu. Du reste c’est ce que le Seigneur fait toujours. Plus tard quand il donna à Moïse, sur le mont Sinaï, la loi et les préceptes, l’obscurité et les ténèbres régnaient et la montagne était couverte de fumée. (Ex. 19,18) Aussi l’Écriture dit : Il touche les montagnes et elles fument. (Ps. 103,32) Comme les yeux charnels ne peuvent voir le Dieu immatériel, c’est ainsi qu’il se manifeste à nous. Aussi après avoir frappé l’esprit du juste et l’avoir rempli de crainte par cette extase, il lui dit : Tu m’as demandé une confirmation de mes paroles, tu as voulu avoir une preuve que tu dois posséder cette terre. Je te la donne, car il te faut beaucoup de foi pour comprendre que je puis faire réussir ce qui semble désespéré. Et il dit à Abram : Sache certainement que la race habitera dans une terre étrangère, qu’elle sera soumise aux gens du pays qui la maltraiteront et l’humilieront pendant quatre cents ans. Ce peuple auquel elle sera asservie, je le jugerai, et elle sortira de ce pays avec un grand appareil. Voilà des paroles bien graves ; elles réclament un esprit énergique, capable de s’élever au-dessus de toutes les considérations humaines. Car si l’âme dû patriarche n’avait pas été forte, courageuse et bien trempée, il y avait de quoi la troubler. Sache certainement que ta race habitera dans une terre étrangère, qu’elle sera soumise aux gens du pays qui la maltraiteront et l’humilieront pendant quatre cents ans. Ce peuple auquel elle sera asservie, je le jugerai, et elle sortira de ce pays avec un grand appareil.
3. Ne t’étonne point, dit le Seigneur, de ta vieillesse, de la stérilité de Sara, de ses entrailles desséchées, et ne regarde point comme extraordinaire ce que je t’ai dit : Je donnerai cette terre à ta race. non seulement je te le prédis, mais j’ajoute qu’avant cela ta race ira dans une terre étrangère. Il ne lui dit pas que c’était l’Égypte et ne nomme point le pays ;, mais il dit : Dans une terre étrangère ; elle subira la servitude et l’humiliation, et ses souffrances ne seront point courtes et bornées à peu d’années, mais dureront quatre cents ans. Sans doute j’en tirerai vengeance, je jugerai ce peuple oppresseur et je ferai revenir ici ta race et j’environnerai son retour de beaucoup d’éclat. Ainsi l’exactitude de cette prédiction sur la servitude des Juifs dévoile leur descente en Égypte, la haine des Égyptiens contre eux et leur glorieux retour. Elle montre au patriarche que ce n’est pas seulement à lui que doivent arriver des choses surnaturelles, c’est-à-dire l’accomplissement des promesses de Dieu malgré tant d’obstacles, mais que toute sa race sera également favorisée. Je te l’ai déjà dit, ajoute-t-il, afin que tu puisses, avant la fin de ta vie, connaître le sort de ta postérité. Tu iras rejoindre tes pères, après avoir prospéré dans une heureuse vieillesse. Il ne dit pas : tu mourras, mais, tu iras, comme on dit à un voyageur qui va quitter son pays pour une autre patrie : Tu iras rejoindre tes pères : il ne parle point des pères selon la chair. Comment serait-ce possible ? puisque son père était infidèle et que le patriarche fidèle ne pouvait habiter le même séjour. Il y a, dit l’Écriture, un grand abîme entre vous et nous. (Lc. 16,26) De qui donc est-il dit rejoindre tes pères ? Il s’agit des justes, tels qu’Abel, Noé et Enoch. Prospérant dans une heureuse vieillesse. Mais, dira-t-on, comment cette vieillesse peut-elle être heureuse après toute une existence de tribulations ? Ne les considérez point ; songez seulement à la gloire qui l’a suivi en toute occasion, pensez à l’éclat