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a aimé toute la nature humaine, mais je lui rends grâces comme s’il m’avait aimé seul. Et qui s’est livré pour moi. Quoi donc ? est-ce pour toi seul qu’il a été crucifié ? Ne dit-il pas : Quand je serai élevé, j’attirerai tout à moi ? (Jn. 12,32) N’as-tu pas dit toi-même : Il s’est livré pour nous tous ? Oui, j’en conviens, mais je cherche à nourrir mon amour. – Voyez ce qu’il nous apprend encore sur ces paroles. Après avoir plus haut dit du Père Il l’a livré pour nous tous, il dit ici : Il s’est livré lui-même. C’est pour montrer l’accord et l’égalité entre le Père et le Fils et pour faire allusion au mystère de la croix ; aussi dit-il ailleurs : il a été obéissant jusqu’à la mort (Phil. 2,8), prouvant partout sa foi pour cette union. Ici il a dit : Il s’est livré lui-même, pour montrer qu’il a supporté la passion volontairement, non par force et par violence, mais qu’il avait désiré et voulu souffrir sur la croix pour le salut de tout le genre humain.
Comment notre amour pourra-t-il jamais être digne d’une si abondante charité ? Quand même nous sacrifierions notre existence pour obéir à ses lois et pour maintenir les préceptes qu’il nous a donnés, nous ne serions pas encore à la hauteur de cette charité qu’il a déployée pour notre nature. C’est Dieu qui a souffert pour les hommes, le Maître pour les esclaves ; et non seulement pour des esclaves, mais pour des ingrats qui lui montrent une haine implacable. C’est lui qui a offert de lui-même ses généreux bienfaits à des hommes indignes et tombés mille fois ; tous nos efforts ne pourront jamais récompenser dignement une pareille bienfaisance. Tout ce qui vient de nous est une obligation, un tribut ; de lui viennent des largesses immenses et gratuites. Méditons sur ces vérités, aimons le Christ comme Paul l’a aimé, sans nous inquiéter des choses présentes, et conservant son amour constant et inébranlable dans notre âme. C’est ainsi que nous prendrons en pitié la vie actuelle et que nous habiterons la terre comme si nous étions déjà au ciel, sans ralentir notre zèle dans la prospérité, sans nous abattre dans l’adversité. Oublions tout pour courir vers notre Maître adorable, ne nous affligeons point pendant l’attente, mais disons comme notre saint : Maintenant nous vivons dans la chair, mais nous vivons dans la foi du Fils de Dieu, qui nous a aimés et s’est livré pour nous. Ainsi nous passerons sans affliction notre vie actuelle, et nous mériterons les biens