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d’offrir au Seigneur des actions de grâces pour sa promesse. Et dans tous les endroits où il place sa tente, vous trouvez qu’il songe avant tout à dresser un autel pour y offrir ses prières et accomplir le précepte de l’Apôtre qui nous ordonne de prier partout, et d’élever au ciel des mains pures. (1Tim. 2,8) Voyez les ailes que l’amour prête à son âme pour voler à Dieu, et le remercier de toutes choses ! Il n’attendit pas que les promesses fussent accomplies ; il le remercia de sa promesse, et il fit tout pour engager, par ses actions de grâce anticipées, le Seigneur à en précipiter l’accomplissement.
5. Imitons-le donc et ayons confiance dans les promesses divines. Que notre ardeur ne se ralentisse pas avec le temps, que les obstacles répandus sur notre route n’affaiblissent pas notre courage ; mais, toujours confiants dans la puissance de Dieu, comme si nous pouvions déjà voir ses promesses se réaliser, montrons toujours une foi sincère. Car Dieu nous a fait des promesses considérables, immenses même, et qui confondent notre raison, puisqu’elles consistent à nous faire entrer dans son royaume et participer avec les anges à des biens ineffables, en nous délivrant de l’enfer. Gardons-nous de douter, sous prétexte qu’il nous est impossible de voir avec les yeux du corps, mais songeons que Celui qui a fait ces promesses ne peut mentir ; songeons à l’étendue de sa puissance, regardons tous ces biens avec les yeux de la foi, et d’après ce qu’il nous a déjà accordé, ayons bonne espérance pour l’avenir. En effet, c’est pour cela que nous avons déjà reçu mille bienfaits qui doivent nous conduire vers ces biens et nous en donner l’espoir ; car Celui qui nous a donné son Fils par amour pour nous, comment ne nous donnerait-il pas tout le reste ? Aussi, Paul dit-il : Celui qui n’a pas épargné son propre Fils, et qui l’a livré pour nous tous, comment ne nous donnerait-il pas tout en même temps ? (Rom. 8,32) S’il a livré son Fils pour nous autres pécheurs, s’il nous a accordé la grâce du baptême, s’il nous adonné la rémission des péchés qui l’ont précédé, s’il nous a ouvert la route de la pénitence, et s’il a encore travaillé pour notre salut de bien d’autres manières, il est clair qu’il nous réserve un avenir bienheureux. Car lui, dont la bonté nous a préparé tous ces trésors avant que nous fussions au monde, comment ne nous permettrait-il pas d’en jouir ? Pour voir qu’il les avait préparés d’avance, écoutez ce qu’il dit à ceux qu’il met à sa droite : Venez, les bien-aimés de mon Père, recevez pour héritage le royaume qui vous a été préparé avant la création du monde. (Mt. 25,34)
Voyez l’excès de bonté, la bienveillance qu’il a eue pour notre race, puisqu’il nous préparait la jouissance de ce royaume même avant la : création du monde ! Ne soyons donc pas ingrats, je vous en conjure, ne nous rendons pas indignes de pareils bienfaits, mais chérissons, comme nous le devons tous, notre Maître et ne faisons rien qui puisse diminuer sa bienveillance pour nous. Est-ce nous qui avons fait les premiers pas ? C’est lui, qui de lui-même nous a ouvert le trésor inépuisable de sa charité. Combien 'ne serait-il pas insensé de ne point aimer de toutes nos forces celui qui nous aime ainsi ! Son amour pour nous lui a fait tout supporter avec plaisir ; il a voulu prendre, en quittant le sein de son Père, pour ainsi dire, la forme d’un-esclave, subir toutes les misères de l’humanité, supporter les injures et les opprobres des Juifs, et enfin le supplice de la croix, la mort la plus ignominieuse, afin que nous, qui nous traînions à terre, écrasés du poids de mille péchés, la foi pût en lui nous en affranchir. Aussi en y réfléchissant, saint Paul, dont l’amour pour le Christ était si ardent, qui parcourait l’univers comme avec des ailes, et qui, malgré son corps, agissait presque comme un être incorporel, s’écriait-il : La charité du Christ nous possède. (2Cor. 5,14) Voyez quelle reconnaissance, quel excès de vertu, quelle ferveur de zèle ! La charité du Christ nous possède, c’est-à-dire nous presse, nous pousse, nous excite.
Ensuite, voulant expliquer ce qu’il vient de dire, il ajoute : Nous jugeons que si un seul est mort pour tous, c’est que tous étaient morts. Et il est mort pour tous, afin que les vivants ne vécussent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui était mort et ressuscité pour eux. Vous voyez dans quel sens il a dit : T a charité du Christ nous possède. S’il est mort pour nous tous, il est donc mort afin que nous ne vivions plus pour nous, mais pour lui qui est mort et ressuscité pour nous. Mais, dira-t-on ; comment pourrons-nous ne plus vivre pour nous-mêmes ? Écoutez encore les paroles de l’Apôtre : Je ne suis plus vivant, c’est le Christ qui vit en moi. (Gal. 2,20) Vous voyez que, tout en restant sur terre et dans les liens de la chair, il vivait cependant comme un habitant du ciel et assimilé aux puissances immatérielles. Il dit encore ailleurs : Ceux qui sont au Christ ont crucifié leur chair ove ; ses passions et ses désirs. (Gal. 5,24) C’est là ne plus vivre pour soi-même, mais pour Celui qui est mort et ressuscité pour nous, afin d’être comme mort à cette vie présente et de ne plus être sensible à rien de visible. Car Notre-Seigneur a été crucifié pour que nous échangions la vie actuelle pour la vie future ; ou plutôt pour que l’une nous fasse acquérir l’autre. La vie actuelle, si nous voulons être attentifs et vigilants, nous conduit au bonheur de la vie éternelle ; pour peu que nous ayons de soin, et que nous cherchions à ouvrir l’œil de l’esprit, nous saurons, ici-bas, nourrir sans cesse la pensée de ce bonheur, négliger et dédaigner le présent, pour ne songer qu’à l’avenir éternel, et suivre les leçons de ce saint qui nous dit : Maintenant je vis dans la chair, mais je vis dans la foi du Fils de Dieu qui m’a aimé, et qui s’est livré pour moi. (Gal. 2,20)
6. Vous voyez quelle âme de feu, à quelle hauteur plane cet esprit, quel amour pour Dieu dans ce cœur enflammé ! Je vis maintenant, mais je vis dans la foi. Ne croyez pas, dit-il, que je fasse rien pour ce qui regarde la vie présente. Quoique je sois enveloppé de chair et soumis aux nécessités de cette nature, cependant je vis dans la foi, dans celle du Christ, c’est à lui que je songe sans cesse, l’espoir que j’ai en lui me fait devancer l’avenir et mépriser le présent. Enfin, pour vous montrer toute la perfection de son amour, il dit : Je vis dans la foi du Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi. Quelle preuve d’extrême reconnaissance ! Que dis-tu, ô saint Paul ? Tu disais un peu avant : Dieu n’a pas épargné son propre Fils, et l’a livré pour nous tous (Rom. 8,32) ; et maintenant tu dis : il m’a aimé, et tu sembles considérer comme particulier à toi un bienfait général. Oui, dit-il, car bien que ce sacrifice ait été offert pour tout le genre humain, cependant mon amour me le fait considérer comme s’il m’était particulier. C’est l’usage des prophètes de dire, ô Dieu, mon Dieu (Ps. 21, 117 et 141), quoique ce soit le Dieu de tout l’univers ; mais l’amour a cela de particulier qu’il particularise ce qui est général. La foi du Fils de Dieu qui m’a aimé. Que dis-tu ? Es-tu le seul qu’il ait aimé ? Il