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toute la terre devant toi ? Sépare-toi de moi ; si tu vas à droite, j’irai à gauche, et si tu vas à gauche ; j’irai à droite. De même le Seigneur dit : Lève tes, yeux à partir de l’endroit où tu es maintenant ; toute cette terre que tu vois, le te la donnerai à toi ainsi qu’à ta race, jusqu’à la fin des siècles.
Voyez, je vous prie, quel excès de bienfaisance ! Tu lui as, dit le Seigneur, laissé le choix, tu lui as laissé prendre la terre qu’il a voulue, et tu t’es 'contenté de ce qu’il abandonnait. Mais moi, je serai si bienfaisant avec toi, que toute cette terre qui est là-devant tes yeux, de tous les côtés, du nord au midi et de l’orient au couchant, toute cette terre que tu vois t’appartiendra ; et non seulement à toi, mais à ta race jusqu’à la fin des siècles. Voyez-vous quelle munificence digne de la bonté divine ? Voyez-vous ce qu’il avait cédé et ce qu’il reçoit maintenant ? Apprenons par là à faire de larges aumônes afin de mériter une plus grande récompense au moyen d’une offrande qui sera toujours petite. En effet, cela peut-il se comparer ? Donner un peu d’argent et obtenir la rémission de ses péchés ? Nourrir un homme qui a faim, et être justifié dans ce jour terrible et entendre ces paroles préférables à un empire : J’avais faim, et vous m’avez donné à manger. (Mt. 25,35) Celui qui vous a procuré tant d’abondance n’aurait-il pas pu soulager la misère de cet indigent ? Mais il a permis que cet homme fût pauvre pour qu’il pût être généreusement récompensé de sa patience, et que vous-mêmes fussiez justifiés par l’aumône.
3. Admirez la bonté du Seigneur ! n’a-t-il pas tout disposé pour notre salut ? Aussi quand vous songez que c’est pour vous, dans votre intérêt que ce malheureux lutte avec la faim et la misère, ne passez point sans pitié, mais soyez un intendant fidèle des biens que le Seigneur vous a confiés, afin qu’en soulageant cet infortuné vous attiriez sur vous toutes les grâces d’en haut. Glorifiez alors le Seigneur de ce qu’il a permis la pauvreté de cet homme pour vous donner l’occasion de laver vos péchés, et qu’après avoir bien administré ce que le Seigneur vous avait prêté, vous méritiez son approbation qui est au-dessus de tout langage et de toute pensée. Il vous dira : Courage ; serviteur bon et fidèle ; tu as été fidèle à propos de petites choses ; je t’en donnerai de plus importantes ; entre dans la joie de ton Dieu. (Mat, 25,23) Si nous faisons ces réflexions, nous regarderons les pauvres comme des bienfaiteurs qui peuvent nous donner les occasions de faire notre salut ; il faut donc les secourir abondamment et de bon cœur, ne jamais les refuser, mais leur parler avec beaucoup de bienveillance et de douceur. Prêtez l’oreille au pauvre et répondez-lui avec douceur et bonté (Eccl. 4,8) ; alors, même avant d’avoir fait l’aumône, vous aurez relevé par votre bienveillance l’âme abattue du pauvre. La parole vaut encore mieux que le bienfait. (Eccl. 18,16) Tant il est vrai que l’âme est fortifiée et consolée par de bonnes paroles !
Aussi quand nous faisons l’aumône, ne considérons pas seulement celui qui la reçoit, mais songeons à celui qui recueille ce que l’on donne au pauvre, et qui promet de nous le rendre ; songeons à lui sans cesse, pour exciter notre zèle charitable, et semons avec abondance, tandis qu’il en est encore temps, afin d’avoir plus tard une riche moisson. Celui qui sème peu, récoltera peu. (2Cor. 9,6) Répandons avec profusion ces semences, pour avoir une moisson opulente quand le jour sera venu. Maintenant c’est le jour des semailles, ne l’oublions pas, je vous en conjure-; quand viendra celui de la rétribution, nous recueillerons les fruits de ce que nous aurons semé, et nous obtiendrons la miséricorde du Seigneur. En effet, il n’est aucune de nos bonnes actions, aucune aussi capable d’éteindre l’incendie de nos péchés que l’abondance des aumônes ; c’est elle qui efface nos fautes, qui nous justifie devant Dieu, et qui nous prépare pour récompense des biens ineffables. Mais je vous en ai dit assez pour vous y exhorter et pour vous montrer que les moindres dons sont magnifiquement récompensés par le Seigneur. En effet, nous sommes arrivés à recommander l’aumône en disant que le patriarche, pour avoir laissé à Loth la meilleure terre et gardé la moins bonne, s’était rendu Dieu si favorable, qu’il en avait obtenu une promesse au-dessus de tout ce que la pensée pouvait concevoir. Lève tes yeux à partir de l’endroit où tu es maintenant, du côté de l’aquilon et du midi ; toute cette terre que tu vois, je te la donnerai à toi et à ta race, jusqu’à la fin des siècles. Tu as cédé une portion de terre à ton neveu ; moi je te promets toute la terre, et non seulement à toi, mais à ta race jusqu’à la fin des siècles, c’est-à-dire à perpétuité ! Voyez-vous quelle lutte de bienfaits ? Dieu sachant que le patriarche ne désirait