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colère ou par d’autres passions ; si la raison tempère son impétuosité naturelle, et l’empêche de tomber au rang des bêtes privées de sens. Et pour vous faire comprendre quelle est la force de la tranquillité et de la douceur, vertu qui peut à elle seule, si elle est pratiquée convenablement, mériter des louanges infinies, considérez que c’est elle qui est le plus célébrée chez le bienheureux Moïse et qui lui tresse la plus belle couronne. Moïse était le plus doux des hommes de la terre. (Nb. 12,3) Vous voyez qu’un si grand éloge ne laisse aucun homme au-dessus de lui et même le met au-dessus des autres hommes. L’Écriture dit encore de David : Souvenez-vous, Seigneur, de David et de toute sa douceur. (Ps. 131,1) C’est par là que notre patriarche a encore obtenu plus de bienveillance d’en haut, et qu’en cédant ce qu’il possédait, il en a été récompensé et au-delà, par la bonté de Dieu. Vous le saurez bientôt, quand vous aurez entendu la suite de l’instruction d’hier, et que nous aurons exposé à votre charité l’explication de la lecture qui vous a été faite. En effet, le patriarche, ayant eu l’extrême condescendance de laisser Loth choisir la meilleure part, se contente de la moins bonne afin d’éviter toute discussion ; voyez maintenant quelle récompense Dieu lui donne, et comment il l’indemnise des richesses qu’il avait méprisées en lui rendant bien plus encore. Car tel est pour nous le Seigneur. Si nous lui sacrifions la moindre chose, il nous la rendra avec usure, et sera si libéral que tout ce que nous avons fait ne sera rien en comparaison de ses bienfaits.
2. Voilà ce que chacun peut observer à l’occasion de tout acte de vertu qu’il accomplit. Est-il, dites-moi, rien de moins précieux que deux oboles ? Cependant pour avoir mis deux oboles dans le tronc des aumônes, cette veuve est restée célèbre depuis cet instant jusqu’à présent. (Lc. 21,3) Mais pourquoi parler de deux oboles ? Celui qui offre un verre d’eau froide en sera grandement récompensé, car Dieu couronne toujours l’intention de la vertu. Cela se voit encore à propos de l’assiduité dans les prières. S’il voit quelqu’un qui l’approche avec ferveur, il lui dit aussitôt : Je viens à toi tandis que tu parais encore. (Is. 65,24) Si cette assiduité ne se ralentit pas, si les prières sont faites avec un saint désir et une véritable ferveur, il les exauce et les couronne avant qu’elles soient formulées ; c’est ce que le Seigneur a fait à l’égard de la Chananéenne. Quand il vit son énergie et sa persévérance infatigable, il l’exalta et la couronna, pour ainsi dire, par ses éloges, au point de la rendre illustre aux yeux de toute la terre, et dépassa encore ses prières par sa générosité. Car après avoir dit O femme, ta foi est grande ! il ajouta : Qu’il soit fait comme tu le désires. (Mt. 15,28). Et si nous voulions prendre tous les exemples que nous offrent les saintes Écritures, nous y trouverions partout les preuves de la bonté du Seigneur. Aussi le patriarche, sachant bien que celui qui cède quelque chose obtient davantage, ainsi que vous l’avez vu hier, accorda tout à Loth et prit le pays le moins avantageux pour supprimer toutes les occasions de dispute, et faire renaître, par la force de sa vertu, le calme dans la maison. Mais voyons, par ce que l’on vient de lire, quelles récompenses il a reçues de Dieu pour tant de douceur.
Dieu dit à Abram, après qu’il se fut séparé de Lot : Lève les yeux à partir de la place où tu es maintenant, au nord, au midi, à l’orient et vers la mer : car toute cette terre que tu vois, je te la donnerai, ainsi qu’à ta race, jusqu’à la fin des siècles. Voyez avec quelle promptitude Dieu protège et récompense le juste. Voulant nous montrer combien la bonté de Dieu appréciait l’humilité du patriarche, l’Écriture sainte, après avoir dit que Loth s’était séparé de lui, pour aller dans le pays qu’il avait choisi comme plus avantageux, ajoute immédiatement : Le Seigneur dit à Abram. Ensuite, pour nous bien faire comprendre qu’il est récompensé de sa conduite avec Loth, elle dit encore : Dieu dit à Abram, après qu’il se fut séparé de Loth ; comme s’il lui eût parlé ainsi : Tu as eu assez de condescendance pour laisser à ton neveu la terre la plus avantageuse tu as montré une grande humilité, et tu as assez tenu à la paix pour tout faire dans le but d’éviter les disputes ; reçois donc les preuves de ma munificence : Lève tes yeux à partir de l’endroit où tu es maintenant, du côté de l’aquilon et du midi, de l’orient et de la mer toute cette terre que tu vois, je te la donnerai, ainsi qu’à ta race, jusqu’à la fin des siècles. Voyez-vous combien cette – récompense est encore supérieure aux actions qui l’ont méritée ? Le Dieu de bonté répète les mêmes paroles qu’avait employées le patriarche en cédant ses droits. Car celui-ci avait dit : Ne vois-tu pas