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monde. (Jn. 1,1-9) Et, en effet, de même que dans la création cette lumière sensible qui se produisit à la parole du Seigneur, dissipa les ténèbres matérielles, de même la lumière spirituelle chasse les ténèbres de l’erreur, et ramène à la vérité ceux qui s’égarent.
3. Recevons donc avec reconnaissance les instructions que nous donne la sainte Écriture, et ne nous opposons point à la vérité, de peur que nous ne demeurions dans les ténèbres. Mais au contraire, venons à la lumière, et opérons des œuvres dignes du jour et de la lumière. Saint Paul nous y exhorte quand il dit : Marchons dans la décence comme durant le jour, et ne faisons point des actions de ténèbres. (Rom. 13,13) Et Dieu, dit Moïse, appela la lumière, jour, et les ténèbres, nuit. Mais je m’aperçois d’une omission et je la répare. Après donc que Dieu eut dit : que la lumière soit, et la lumière fut, Moïse ajoute : et Dieu vit que la lumière était bonne. Considérez ici, mon cher frère, avec quel art l’écrivain sacré tempère ses expressions. Quoi ! Dieu ignorait-il que la lumière fût bonne avant qu’il ne l’eût créée ; et sa vue ne lui en a-t-elle découvert la beauté que du moment où il l’eut produite ? Mais quel homme sensé admettrait un tel doute ! car nous voyons qu’aucun ouvrier n’entreprend un ouvrage, ne le travaille et ne le polit sans en connaître d’avance le prix et l’usage ; et vous voudriez que l’Ouvrier suprême qui a tiré toutes les créatures du néant, ne sût pas avant de la produire que la lumière était bonne ! Pourquoi donc Moïse emploie-t-il cette façon de parler ? c’est que ce saint prophète s’abaisse et s’accommode à l’usage ordinaire des hommes. Quand ils ont travaillé avec grand soin un ouvrage important, et qu’ils l’ont heureusement achevé, ils l’examinent de près et l’éprouvent afin de mieux en connaître tout, le mérite. Et de même la sainte Écriture se proportionne à la faiblesse de notre intelligence en disant que Dieu vit que la lumière était bonne.
Et Dieu divisa la lumière d’avec les ténèbres ; et il appela la lumière, jour, et les ténèbres, nuit. Il leur marqua ainsi un temps déterminé, et dès le commencement il fixa à la lumière, et aux ténèbres les limites qu’elles ne devaient jamais franchir. Il suffit en effet d’un peu de bon sens pour se convaincre que depuis ce moment jusqu’aujourd’hui, la lumière n’a point dépassé les bornes que Dieu lui a marquées, et que les ténèbres se sont également contenues dans leurs limites, sans amener aucun trouble ni aucune confusion. Mais cette simple observation ne devrait-elle pas obliger tous lés incrédules à croire ce que l’Écriture nous dit, et à pratiquer ce qu’elle nous commande ? Ils imiteraient du moins ces éléments qui poursuivent invariablement leur course, sans en dépasser jamais les limites, ni méconnaître les bornes de leur nature. Mais après que Dieu eut séparé la lumière d’avec les ténèbres, et qu’il leur eut donné un nom particulier, il voulut les réunir sous une commune dénomination. Aussi Moïse ajoute-t-il que du soir et du matin se fit le premier jour. C’est ainsi que le jour comprenant l’espace que parcourent alternativement les ténèbres et la lumière, maintient entre elles l’ordre et l’harmonie, et empêche toute confusion.
L’Esprit-Saint nous a donc révélé, par l’intermédiaire de notre illustre prophète, l’œuvre du premier jour de la création ; et il nous révélera également les œuvres des autres jours. Or, cette création successive est de la part de Dieu une preuve de condescendance et de bonté ; car sa main était assez puissante, et sa sagesse assez infinie pour achever la création dans un seul et même jour. Que dis-je ? dans un jour ! un seul instant lui suffisait ; mais puisqu’il n’a pu, n’ayant besoin de rien, créer le monde pour sa propre utilité, il faut dire qu’il n’a produit tant de créatures que par son extrême bonté. Et c’est encore cette même bonté qui l’a porté à ne produire ces créations que successivement, et à nous faire connaître, par notre saint prophète, l’ordre et la suite de ses ouvrages. Il a voulu que cette connaissance nous empêchât de nous laisser séduire aux erreurs de la raison humaine. Et, en effet, plusieurs soutiennent encore, malgré une révélation si expresse, que le hasard a tout fait. Mais si Moïse ne nous eût instruits avec tant de condescendance et de netteté, que, n’eussent point osé ceux qui ont la hardiesse d’avancer de semblables propositions, et de tenir une conduite si préjudiciable à leur salut !
4. Et, en effet, n’est-ce pas le comble du malheur, comme de la folie, que d’affirmer que le hasard a tout fait et que la Providence divine est étrangère à la création ? Car peut-on raisonnablement admettre, je vous le demande, que le hasard ait produit ce vaste univers avec sa brillante décoration, et qu’il la conserve et