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mon Dieu, plutôt que d’habiter les terres des pécheurs. (Ps. 83,11) Il aimait mieux, pour invoquer le nom de Dieu, les déserts que les cités. Il savait, en effet, il savait que la grandeur des villes ne consiste pas dans la beauté des édifices, ni dans la multitude des citoyens, mais dans la vertu des habitants ; dans la vertu qui faisait qu’un désert, honoré de la présence du juste, valait mieux que toutes les villes, et brillait plus que les pays les plus peuplés de la terre.
Loth, qui accompagnait Abram, avait aussi des brebis, des bœufs et des troupeaux : et le pays ne pouvait les contenir ensemble : ce qu’ils possédaient était trop considérable pour qu’ils pussent vivre ensemble. non seulement les biens du patriarche étaient augmentés, mais Loth aussi avait des brebis, des bœufs et des troupeaux. Peut-être en devait-il une partie à la libéralité d’Abraham, et d’autres lui avaient donné le reste par égard pour le patriarche. Et le pays ne pouvait les contenir ensemble parce que ce qu’ils possédaient était trop considérable. Vous voyez que l’excès même de la richesse devint bientôt une cause de séparation et un instrument de division capable de troubler la concorde et de rompre les liens de parenté Il survint une dispute entre les bergers d’Abram et ceux de Loth. Les Chananéens et les Phérézéens habitaient le pays. Voyez comment commence la division entre parents. Tout le mal vient de la méchanceté des serviteurs. Il survint une dispute entre les bergers. Ils furent l’occasion de la dissension, ils détruisirent la concorde par leur imprudence et leur stupidité. Les Chananéens et les Phérézéens habitaient ce pays. Pourquoi ce renseignement ? Après avoir dit : le pays ne pouvait les contenir ensemble, la sainte Écriture a voulu aussi nous en dire la raison : le pays ne pouvait les contenir, parce qu’il était déjà occupé par ces peuples. Mais nous voyons comment ce pieux patriarche éteint par sa douceur l’incendie prêt à s’allumer. Abram dit à Loth : Qu’il n’y ait pas de dispute entre toi et moi, ni entre les bergers et les miens, car nous sommes frères. Voyez quel excès de modestie, quelle conduite sublime ! Lui, le plus âgé, le plus respectable, appelle frère le fils de son frère, il l’élève à sa hauteur et en fait son égal, en disant : Qu’il n’y ait pas de dispute entre toi et moi, ni entre tes bergers et les miens. Cela serait indigne de nous, dit-il, puisque nous sommes frères. Vous voyez qu’il accomplit cette loi de l’Apôtre : C’est déjà un tort de votre part d’avoir des procès. Pourquoi n’endurez-vous pas plutôt quelque injustice, quelque dommage ? Mais vous-mêmes causez des injustices et des dommages, et cela à vos frères. (1Cor. 6,7) Le patriarche réalisait tout cela par ses actions ; quand il disait : Qu’il n’y ait pas de dispute entre tes bergers et les miens, parce que nous sommes frères. Est-il une âme plus pacifique ? C’est avec raison que je disais en commençant qu’il aimait le calme et le repos, et cette raison lui avait fait préférer le désert aux pays habités. Observez maintenant que, du moment où il voit les bergers se quereller, il cherche à éteindre, dès son origine, l’incendie qui allait s’allumer, et apaise la dispute. Il devait, lui qui avait 'été choisi pour être un exemple de sagesse aux peuples de la Palestine, ne donner prise sur lui dans aucune occasion, mais se faire entendre à tous d’une manière plus éclatante que le son de la trompette, au moyen de sa douceur, et les forcer tous à imiter sa vertu. Qu’il n’y ait pas de dispute entre toi et moi, ni entre tes bergers et les miens, car nous sommes frères. Quoi de plus doux que ces mots : Entre toi et moi ?
3. Observez comment il parle comme d’égal à égal. Cependant je pense que la dispute avait commencé parce que les bergers du patriarche se regardaient comme ayant plus de droits que ceux de Loth. Mais le juste fait tout avec impartialité, montrant jusqu’où va sa sagesse, afin de prouver, non seulement à ses contemporains, mais à toute la postérité, qu’on ne devait jamais laisser se répandre et se fortifier des disputes de cette nature. Car cette querelle entre serviteurs est honteuse pour les maîtres ; on ne s’en prend pas aux domestiques, les maîtres sont responsables de tout. Est-il raisonnable que des hommes qui sont frères, de la même nature, de la même famille, qui ne sont ici-bas qu’en passant, s’abandonnent à de pareilles hostilités, lorsqu’ils devraient tous se donner, les uns aux autres, l’exemple de la bienveillance, de la douceur et de la sagesse : Je dis cela pour ceux qui se croient à l’abri de tout reproche lorsqu’ils permettent à ceux qui leur appartiennent, sous prétexte de cette liaison, de piller, de tromper, de causer mille maux dans les villes et dans les campagnes et d’enlever aux voisins un champ ou une maison, en montrant pour dé tels hommes une faveur particulière. Quoique cette œuvre d’iniquité