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vaudrait mieux achever ici le peu de temps qui me reste à vivre que d’errer dans ma vieillesse et d’essuyer les railleries de tout le monde ! On se moquera d’un homme qui ne peut, pas vivre tranquille à mon âge et qui passe sans cesse d’un endroit à un autre, sans s’arrêter nulle part. Eh bien ! ce juste ne pensa à rien de tout cela et ne songea qu’à se bâter d’obéir.
Mais l’on dira peut-être : il suffisait, pour l’exciter, de cette promesse : Viens dans la terre que je te montrerai, et je ferai naître de toi une grande nation et je te bénirai. Or, cela même, s’il n’avait pas eu tant de piété, aurait pu lui rendre l’obéissance plus pénible et plus difficile. A sa place, le premier venu aurait pu dire : Pourquoi m’exiles-tu et m’envoies-tu dans une terre étrangère ? pourquoi, si tu veux m’élever, ne m’élèves-tu pas ici même ? pourquoi ne me trouves-tu pas digne de ta bénédiction dans la maison de mon père ? Avant d’atteindre ce séjour où tu m’envoies, si je succombe aux fatigues du voyage et si je meurs, qu’aurai-je retiré de tes promesses ? Aucune de ces idées ne pénétra dans son esprit ; mais, comme un serviteur fidèle, il n’écouta que le commandement, sans montrer de curiosité et sans chercher de prétextes : il obéit, sachant que Dieu ne promet jamais en vain. Je ferai naître de toi une grande nation et je te bénirai ; je glorifierai ton nom et tu seras béni. Voilà une promesse magnifique. Je ferai naître de toi une grande nation et je, te bénirai, et je glorifierai ton nom. Non-seulement tu seras l’origine d’un grand peuple et je rendrai ton nom glorieux, mais je te bénirai, tu seras béni ! Ne croyez pas, mes bien-aimés, qu’il y ait une répétition inutile dans mots : Je te bénirai et tu seras béni. Je t’accorderai, dit-il, une telle bénédiction qu’elle s’étendra dans l’éternité. Tu seras béni, au point que l’on regardera comme le plus grand honneur d’être allié avec toi. Voyez comme longtemps à l’avance et dès le commencement il lui prédit l’illustration qu’il lui préparait. Aussi les Juifs, fiers de leur patriarche, se vantaient de se rattacher à sa famille et disaient : Nous sommes les fils d’Abraham. Mais, pour leur montrer que leur perversité les rendait indignes de cette descendance, le Christ leur dit : Si vous étiez les fils d’Abraham, vous feriez les œuvres d’Abraham. (Jn. 8,39) De même, Jean, le fils de Zacharie, quand il voyait lus Juifs accourir à lui et s’empresser pour se faire baptiser, leur disait : Race de vipères, d’où avez-vous appris à fuir la colère qui vous menace ? Faites de dignes fruits de pénitence et ne pensez pas à dire : Nous avons pour père Abraham ? Je vous le dis, Dieu peut faire sortir, même de ces pierres, des enfants à Abraham. (Mt. 3,7, 9) Voyez-vous combien ce nom était grand aux yeux de tous ? Mais longtemps avant l’accomplissement, la piété du juste se manifeste par sa confiance aux paroles de Dieu et la facilité avec laquelle il se charge d’un fardeau qui semblait si lourd. Je bénirai ceux qui te béniront et je maudirai ceux qui te maudiront ; et toutes les tribus de la terre seront bénies en toi. Voyez comme Dieu s’abaisse jusqu’à lui, et quelle preuve il lui donne de son affection ! J’aurai, dit-il, pour amis, ceux qui vivront en paix avec toi, et pour ennemis, ceux qui voudront te nuire ; tandis que c’est à peine si les fils partagent les amitiés et les inimitiés de leurs pères. Voyez, mes bien-aimés, jusqu’où va la bienveillance de Dieu pour le patriarche Je bénirai, dit-il, ceux qui te béniront et je maudirai ceux qui te maudiront, et toutes les tribus de la terre seront bénies en toi. Voyez quel surcroît de libéralité ! Toutes les tribus de la terre, dit-il, s’efforceront d’être bénies en ton nom et se feront un honneur de t’invoquer.
5. Vous avez vu, mes bien-aimés, ce que commanda le Seigneur au vieillard de Chaldée, qui ne savait point la loi, qui ne connaissait pas les prophètes et qui n’avait reçu aucun enseignement. Vous avez vu combien de préceptes lui ont été donnés, et combien il devait avoir d’élévation et de vigueur dans l’esprit pour les accomplir. Voyez aussi la sagesse de ce patriarche, ainsi que l’Écriture nous la fait sentir ! Abram partit comme le Seigneur Dieu le lui avait dit, et Loth alla avec lui. Le texte ne dit pas simplement : Abram partit ; mais il ajoute : Comme le Seigneur Dieu le lui avait dit. Il fit tout ce qui lui était ordonné. Dieu lui dit de tout abandonner, sa famille et sa maison : il les abandonna. Dieu lui dit d’aller sur une terre inconnue : il obéit. Dieu lui promit de le rendre père d’un grand peuple et de le bénir : il crut que cela arriverait. Il partit comme le lui avait dit le Seigneur Dieu, c’est-à-dire, il crut à toutes les paroles de Dieu sans hésiter, sans douter, mais il partit l’âme pleine de constance et de fermeté. Aussi fut-il très-agréable au Seigneur.