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car nous ne savons pas comme lui ce qui nous convient. Et comment s’étonner de ce que nous ne sachions pas ce qu’il nous faudrait ? Paul, cet homme si grand et si supérieur, à qui les mystères avaient été révélés, ne savait pas ce qu’il devait demander. Car se voyant soumis à tant de peines et de tentations renaissantes, il demanda d’en être délivré, non pas une fois ou deux, mais plusieurs fois Trois fois, dit-il, j’ai imploré le Seigneur. (2Cor. 12,8) Ce mot, trois fois, montre qu’il a prié souvent sans être exaucé.
Voyons comment il l’a supporté. En est-il devenu plus chagrin, moins zélé, moins actif ? Nullement. Mais que dit-il ? Il m’a répondu ma grâce te suffit ; car la force s’accomplit dans la faiblesse. Ainsi Dieu ne l’a point délivré de ses maux présents, et les a laissés s’attacher à lui soit ; mais comment voyons-nous qu’il ne s’en est pas affligé ? Écoutez Paul quand il connut la volonté du Seigneur : Je me glorifierai donc volontiers dans mes faiblesses. non seulement, dit-il, je ne demanderai pas à en être délivré, mais je m’en glorifierai avec plus de plaisir. Voyez quelle reconnaissance, quelle piété ! Écoutez ce qu’il dit ailleurs : Nous ne savons ce que nous devons demander dans nos prières. (Rom. 8,26) Il est impossible, dit-il ; que nous autres hommes sachions tout. Il faut laisser cela au souverain Créateur de toutes choses, accepter avec joie et plaisir les épreuves qu’il nous envoie et ne pas juger les événements d’après l’apparence, mais considérer que c’est la volonté du Seigneur. Car c’est lui qui sait mieux que nous-mêmes ce qui nous convient, lui qui sait nous conduire à notre salut.
6. Ne songeons donc qu’à une chose, à prier constamment, sans nous fâcher si nos prières tardent à être exaucées, mais en montrant une grande patience. Si Dieu recule l’effet de nos prières, ce n’est pas pour nous refuser, mais c’est un moyen ingénieux qu’il emploie pour accroître notre assiduité et nous attirer sans cesse à lui : car un tendre père commence par refuser à son enfant ce qu’il veut pourtant bien lui donner, mais c’est pour le garder plus longtemps près de lui. Puisque nous le savons, ne désespérons jamais, ne cessons point d’avoir recours à lui et de lui adresser nos prières. Puisque la persistance de cette femme dont parle l’Évangile a fini par vaincre ce juge cruel et inhumain qui ne craignait même pas Dieu (Lc. 18,2, etc), et l’amener à lui rendre justice, à plus forte raison, si nous voulons imiter cette femme, nous engagerons notre doux et miséricordieux Seigneur a nous secourir, lui qui est si compatissant et qui veille si constamment à notre salut ! Prenons donc l’habitude invincible de nous livrer sans cesse aux prières le jour et la nuit ; mais surtout la nuit, quand rien ne nous trouble, quand nos pensées sont plus calmes, quand la maison est tranquille, quand personne ne peut nous distraire ou nous déranger, quand l’esprit s’élève et s’examine avec soin devant le médecin des âmes. Si le bienheureux David, en même temps roi et prophète, accablé de tant d’affaires, couvert de la pourpre et du diadème, disait : Je me levais au milieu de la nuit pour me confesser à toi sur les jugements de ta justice. (Ps. 118,62), que pourrions-nous dire, nous simples particuliers oisifs, qui n’en faisons pas autant que lui ? Comme il était pendant tout le jour entouré de soins, d’affaires et d’embarras, et ne : trouvait pas le moment de se livrer à Dieu, ce roi si occupé prenait, pour se présenter au Seigneur, le temps de tranquillité que d’autres consacrent au sommeil sur une couche moelleuse où ils se retournent à droite et à gauche : alors il restait seul à seul avec Dieu, livré à une prière sincère et assidue ; aussi obtenait-il tout ce qu’il demandait : ses supplications combattaient pour lui, élevaient ses trophées et gagnaient, victoire sur victoire. Il eut des armes invincibles, je veux dire le secours d’en haut, qui suffit, non seulement pour réussir dans les guerres humaines, mais aussi pour mettre en fuite les cohortes des démons. Écoutez encore ce qu’il dit ailleurs : Mes larmes étaient mon pain le jour et la nuit. (Ps. 41,4) Voyez quelle componction continuelle ! Et aussi : Mes souffrances m’ont fait gémir ; chaque nuit je baignerai mon lit de mes larmes. (Ps. 6,7) Que pourrons-nous dire pour notre excuse, nous qui ne cherchons pas à montrer la même componction que ce roi entouré de tant d’occupations ? Est-il rien de plus beau que ces yeux d’où les pleurs s’échappent sans cesse comme des perles ? Voyez ce roi plongé jour et nuit dans les larmes et les prières ; voyez aussi ce docteur du monde emprisonné et enchaîné avec Silas, priant toute la nuit, sans que sa douleur ni ses fers puissent l’en empêcher, et montrant au contraire un amour plus ardent