Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 5, 1865.djvu/217

Cette page n’a pas encore été corrigée

s’en conservât et que jamais un pareil événement ne pût s’oublier. Du reste, le père était ensuite obligé de dire à son fils la cause de cette diversité, et le fils demandait au père d’où venait le nom de cet endroit. Car on l’avait appelé Babylone, c’est-à-dire confusion, parce que c’était là que le Seigneur Dieu avait confondu les langues de toute la terre, et c’était à partir de là qu’il avait dispersé les habitants ; en effet, le nom de cet emplacement me paraît s’appliquer aux deux choses, à la confusion des langues et à la dispersion des hommes.
5. Vous avez appris, mes bien-aimés, ce qui a causé la dispersion des hommes, ainsi que la confusion des langues. Évitons, je vous en conjure, d’imiter ces hommes et n’abusons jamais des bienfaits de Dieu ; méditons sur la faiblesse de la nature humaine, pour modérer nos désirs comme il convient à des mortels ; songeons à la fragilité de l’existence présente, à la brièveté de notre vie, et mettons notre confiance dans nos bonnes œuvres. Pendant ces jours, ne montrons pas seulement la rigueur de notre jeûne, mais l’abondance de nos aumônes, et l’assiduité de nos prières. En effet, les prières doivent toujours accompagner le jeûne. Pour vous en assurer, écoutez le Christ : Ce genre de démons n’est chassé que par la prière et le jeûne. (Mt. 17,20). Et il est encore dit à propos des Apôtres : Après avoir prié et jeûné, ils les recommandèrent au Dieu auquel ils avaient cru. (Act. 14,22) Et l’Apôtre dit encore : Ne vous privez point l’un de l’autre, excepté pendant la prière et le jeûne. (1Cor. 7,5) Vous voyez comme le jeûne et les prières se soutiennent. C’est alors que l’on peut prier avec plus d’attention, que notre esprit est plus dégagé, n’est point appesanti par le funeste fardeau de la sensualité. La prière est une arme puissante, un appui solide, un trésor inépuisable, un port sans orages, un asile inviolable, pourvu que nous nous présentions devant le Seigneur avec attention et vigilance, l’âme entièrement recueillie pour ne pas laisser la moindre place où puisse pénétrer l’ennemi de notre salut. Il sait, en effet, que pendant ce temps nous pouvons avoir des conversations édifiantes, confesser nos péchés, montrer nos plaies au médecin et en obtenir l’entière guérison ; aussi c’est alors surtout qu’il nous assiège, qu’il déploie toutes ses forces et son adresse pour nous terrasser ou nous séduire. Veillons donc, je vous en conjure, et connaissant les embûches qu’il nous dresse, efforçons-nous, surtout à cette époque, de le combattre comme si nous pouvions le voir présent devant nos yeux et de repousser toutes les pensées dont il voudrait nous troubler. Faisons tout notre possible pour parler à Dieu comme nous le devons, non pas seulement de manière à faire résonner notre voix, mais de sorte que notre pensée suive notre discours. Car si la langue profère les paroles, mais que l’esprit voyage au-dehors regardant ce qui se passe à la maison, songeant aux affaires publiques, cela ne nous sert à rien, ou même concourt à notre condamnation. En nous présentant devant un homme, nous y attachons souvent tant d’importance, que nous ne voyons pas les assistants, mais nous recueillons notre esprit, pour ne songer qu’à celui que nous abordons : à plus forte raison devons-nous en faire autant avec Dieu, et penser constamment aux prières que nous disons.
Aussi Paul écrivait : Priez dans tous les temps, priez en esprit (Eph. 6,18) ; non pas seulement – par la langue et sans interruption, mais par l’âme, en esprit. Que vos prières soient véritablement spirituelles, que votre raison soit attentive et votre pensée toujours dirigée sur ce que vous dites. Ne demandez rien qu’on ne puisse demander à Dieu, afin que vous puissiez l’obtenir. Ne vous laissez point aller au sommeil ni à l’engourdissement, maintenant votre esprit dans l’attention et la vigilance, sans bâiller, sans vous gratter, sans promener vos idées d’un sujet à un autre, mais en travaillant à votre salut avec crainte et tremblement. Bienheureux celui qui craint tout à cause de sa piété. (Prov. 28,14) La prière est un grand bien : car si l’on en retire beaucoup de profit quand on s’adresse à un homme vertueux, quel avantage n’en retire-t-on pas quand on jouit du bonheur de s’entretenir avec Dieu?, car la prière est un entretien avec Dieu. Pour le savoir, écoutez le prophète. Que mon langage plaise à Dieu (Ps. 103,34), c’est-à-dire que ma parole paraisse agréable à Dieu. Peut-il accorder avant qu’on ne lui demande ? Mais il attend l’occasion qui nous rend avec justice dignes de sa providence. Que nos demandes soient exaucées ou non, persévérons dans nos prières et rendons grâces à Dieu, non seulement quand elles sont satisfaites, mais quand elles ne le sont pas ; si Dieu refuse, cela vaut autant pour nous que s’il accordait tout,