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et c’est de là qu’est sortie la servitude des âges à venir. Et en effet, les hommes d’autrefois n’étaient pas si délicats, n’avaient pas besoin d’une vie si commode, de mains étrangères pour les servir ; chacun se servait soi-même ; tous étaient égaux en dignité ; on ne voyait, au milieu d’eux, aucune inégalité de rang. Quand le péché fit son entrée dans le monde, ce fut pour détruire là liberté, compromettre la dignité naturelle, introduire la servitude ; la servitude, ce perpétuel enseignement, cet éternel avertissement à nous adressé, de fuir la servitude du péché, de revenir à l’indépendance de la vertu. Que si l’esclave et le maître veulent retirer de cet exemple un profit durable, qu’ils pensent : l’esclave, de son côté, qu’il doit sa servitude au dérèglement de Cham ; le maître, à son tour, qu’assujettissement et servitude n’ont commencé qu’au jour où Cham a montré une volonté dépravée, et perdu la dignité qui le rendait l’égal de ses frères.
Maintenant, en vérité, si nous voulons être sobres et prudents, ces maux que les péchés de nos pères ont introduits dans le monde ne pourront nous atteindre, ils ne seront pour nous que des noms et des histoires. Si, d’une part, notre premier père, par sa désobéissance, a introduit la mort, les travaux et les peines ; si, d’autre part, Cham nous a procuré la servitude, voici maintenant que l’avènement de Notre-Seigneur Jésus-Christ a réduit toutes ces épreuves à n’être qu’un vain bruit, que des sons ; pour qu’il en soit ainsi nous n’avons qu’à vouloir. Pour la mort, il n’y a plus de mort ; il n’y a plus que le mot qui sert de nom à la mort : parlons mieux, le nom même a disparu. Nous ne disons plus maintenant la mort, mais l’assoupissement et le sommeil. Le Christ disait lui-même : Lazare, notre ami, dort (Jn. 11,11) ; et Paul écrivant aux habitants de Thessalonique, leur dit : Quant à ceux qui dorment, je ne veux pas que vous ignoriez, mes frères. (1Thes. 4,12) Et de même, la servitude n’est qu’un mot ; l’esclave c’est celui qui commet le péché. Et, si vous voulez comprendre que l’avènement du Christ a supprimé la servitude, n’en a plus laissé que le nom, disons mieux, a détruit le nom même, écoutez ce que dit Paul : Que ceux qui ont des maîtres fidèles ne les méprisent pas, parce qu’ils sont leurs frères. (1Tim. 6,2) Voyez-vous comment, dès que la vertu arrive, elle ne fait plus que des frères de ceux qui s’appelaient auparavant des esclaves ? Que Chanaan, dit Noé, soit l’esclave de ses frères. Tu as abusé, dit-il, de ta dignité ; tu n’as pas fait ce que tu devais faire, quand tu étais égal en honneur ; voilà pourquoi je veux te corriger par la sujétion. C’est ce qui est arrivé, dès le commencement, à la femme ; elle était d’une dignité égale à celle de son mari, elle a abusé de son rang, voilà pourquoi elle a perdu son pouvoir, pourquoi elle a entendu ces paroles : Tu te tourneras vers ton mari, et il te dominera. (Gen. 3,16) Tu n’as pas su, dit le texte, faire un bon usage du commandement ; il vaut mieux pour toi bien obéir au commandement, que mal commander. De même, ce Cham, ici, reçoit le châtiment pour s’amender ; dans la personne de son fils, c’est lui-même qui est puni ; c’est afin que vous sachiez que, quoi qu’alors ce fût un vieillard, cependant le châtiment, retombant sur son fils, lui rendit la vie pleine de douleurs et d’amertumes ; il pensait que, quand lui-même serait mort, ce fils qui lui survivrait expierait sa faute. Car, pour avoir la preuve que ce fils était, de lui-même, plein de malice, que tous ceux qui sortirent de lui furent des êtres abominables, prompts à commettre le mal, écoutez ce que dit l’Écriture, sous forme de malédiction : Votre père était Amorrhéen et votre mère Céthéenne (Ez. 16,3) ; autre parole d’outrage, dans un autre endroit : Race de Chanaan, et non de Juda. (Dan. 13,56)
Maintenant il est bon d’apprendre, après le châtiment reçu par celui qui divulgua la nudité de son père, quelle récompense obtinrent les fils qui lui montrèrent un respect si profond : Que le Seigneur, le Dieu de Sem, soit béni, dit Noé,