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pour les bienfaits déjà reçus. Mais, pour que cette instruction soit plus claire, il faut que je rappelle à votre charité le commencement de ce qu’on a lu aujourd’hui. Après que le juste fut sorti de l’arche, selon l’ordre de Dieu, avec ses fils, sa femme et les femmes de ses fils, ainsi que tous les animaux et les volatiles, et qu’il eut reçu de Dieu, après sa sortie, cette bénédiction qui le consolait si bien : croissez et multipliez, l’Écriture, pour montrer sa reconnaissance, nous dit : Noé dressa un autel au Seigneur et il prit de tous les quadrupèdes purs et de tous les volatiles purs, et il offrit un holocauste sur l’autel. Observez avec soin, mes bien-aimés, d’après les paroles présentes, comment le Créateur de toutes choses a mis dans notre nature une idée précise de la vertu. D’où serait venue à ce juste, dites-moi, une pareille idée ? Il n’y avait là personne qu’il pût prendre pour exemple. Mais de même que dans l’origine, Abel, le fils du premier homme, a offert avec dévotion un sacrifice sans être averti par d’autres que par lui-même ; de même aujourd’hui ce juste, par la rectitude de sa volonté et de son jugement, offrit au Seigneur, suivant ses forces et comme il croyait devoir le faire, un sacrifice d’actions de grâce. Voyez avec quelle sagesse il avait tout disposé ! Il n’avait pas d’édifice splendide, de temple, ni même de maison habitable ni rien de semblable : il savait, en effet, il savait que Dieu ne demande que les cœurs. Il éleva un autel à la hâte, prit quelques animaux purs et quelques oiseaux purs et offrit son holocauste, montrant ainsi sa reconnaissance autant qu’il le pouvait : aussi le Dieu de bonté couronna sa bonne volonté et lui montra de nouveau sa bienveillance ; car l’Écriture dit : Et le Seigneur en sentit l’odeur agréable. Voyez comme l’intention du sacrificateur change en parfum la fumée, l’odeur de graisse et toute la puanteur qui s’en exhalait. Aussi Paul disait : Nous sommes la bonne odeur du Christ pour ceux qui sont sauvés et pour ceux qui périssent : pour les uns c’est une odeur de mort qui fait mourir, pour les autres une odeur de vie qui fait vivre (2Co. 2,15), c’est là cette odeur agréable.

Ne vous choquez pas d’un mot vulgaire : ces expressions, mises à la portée de notre faiblesse, signifient seulement que Dieu accepta l’offrande du juste. On peut voir par cela même que Dieu n’a besoin de rien et qu’il a permis les sacrifices pour exercer les hommes à la reconnaissance. Aussi ce qui lui était offert était brûlé par le feu, afin que les hommes qui l’offraient comprissent que tout cela n’avait d’usage que pour eux. Mais pourquoi, direz-vous, l’a-t-il permis autrefois ? C’était encore pour avoir égard à la faiblesse de notre raison : les hommes, tombant peu à peu dans le relâchement, devaient se faire d’autres dieux et leur offrir aussi des sacrifices : il voulut donc qu’on lui en offrît à lui-même, afin d’arrêter du moins les hommes sur la pente de cette erreur funeste. Et pour vous montrer que c’était une concession faite à notre faiblesse, observez que, dans l’époque qui nous précède, il avait fait une loi de la circoncision, non qu’elle pût servir en rien au salut de l’âme, mais comme une marque de reconnaissance, comme un signe ou un cachet que les Juifs portaient avec eux et qui leur défendait de se mêler aux gentils. 3. Aussi saint Paul l’appelle-t-il un signe, en disant : Il donna le signe de la circoncision comme un sceau. (Rom. 4,11) Ce n’est pas que cela justifie, car notre juste, avant que la circoncision eût été établie, parvint à une si haute vertu : Mais que dis-je ? Le patriarche Abraham lui-même, avant de recevoir la circoncision, a été justifié par sa foi seule. Car avant la circoncision, dit saint Paul, Abraham crut en Dieu et cela lui fut imputé en justice. (Rom. 4,3) Pourquoi donc, ô juif, t’enorgueillir de ta circoncision ? Apprends que bien des hommes ont été justes avant qu’elle fût connue. Ainsi, Abel fut conduit par sa foi à faire son offrande, et Paul dit : C’est par la foi qu’Abel fit à Dieu une offrande plus agréable que celle de Caïn. (Heb. 11,4) Enoch fut enlevé au ciel, et Noé, par sa grande justice, évita les horreurs du déluge : enfin, Abraham même, avant sa circoncision, fut vanté par Dieu pour sa vertu. C’est ainsi que, dès l’origine, le genre humain a trouvé son salut dans la foi. De même le Dieu de bonté a permis qu’on lui offrît des sacrifices, à une époque où notre nature était plus imparfaite, pour que l’homme pût lui exprimer sa reconnaissance et fuir le culte funeste des idoles. Si, en effet, malgré tant de condescendance de Dieu, bien des hommes n’ont pas évité cette chute, qui aurait pu l’en garantir sans cela ? Le Seigneur en sentit l’odeur agréable. Il n’en dit pas autant des Juifs ingrats : pourquoi cela ? Écoutez le