Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 5, 1865.djvu/178

Cette page n’a pas encore été corrigée

le don de supporter le séjour dans l’arche ; sans indisposition, sans dégoût, sans se plaindre de la cohabitation avec tous ces animaux.
Imitons donc ce juste, nous aussi, je vous en conjure. Hâtons-nous, empressons-nous de contribuer de notre part, afin de nous rendre nous-mêmes dignes aussi des présents du Seigneur. S’il attend les occasions qui viennent de nous, ce n’est que pour nous montrer toute sa munificence. Donc, il ne faut pas que notre indolence nous prive de ses dons ; soyas pleins de zèle, mettons la main à l’œuvre du salut ; prenons résolument la route qui mène à la vertu, afin que nous puissions, aidés du secours d’en haut, atteindre promptement à notre fin bienheureuse ; suspendons-nous à l’espérance en le Seigneur, que ce soit là, pour nous, comme une ancre sûre et solide ; ne regardons pas ce que la vertu a de labeurs, mais voyons après les labeurs, calculons les récompenses, tout fardeau nous sera léger. Le marchand, sorti du port, en pleine mer, ne songe pas seulement pirates, naufrages, monstres marins, vents furieux, tempêtes continuelles, désastres sans nombre ; il calcule les gains à venir quand il aura échappé à tous les périls ; son espérance fait sa force ; il brave aisément tous ces malheurs pour grossir le trésor qu’il rapportera chez lui. L’agriculteur ne pense pas seulement aux travaux pénibles, aux pluies, à la terre stérile, à la nielle, aux sauterelles funestes ; il se représente son grenier rompant sous le poids de ses gerbes, et, son courage supporte tout, et l’attente des biens le rend insensible à la peine ; quelqu’incertaine que soit l’espérance, n’importe ! il se nourrit de l’espérance qui lui montre l’avenir joyeux, et il ne renonce pas aux fatigues ; il fait, au contraire, tout ce qui dépend de lui, attendant le jour où il recevra, de ses fatigues, le riche salaire. Le soldat qui revêt ses armes et va combattre ne pense pas seulement blessures, membres meurtris, attaques subites des ennemis vainqueurs, tous les autres désastres ; il se représente les victoires et les triomphes et il s’équipe de toutes ses armes, quelque incertain que soit l’avenir, quelque perte qui le menace ; chassant de lui toutes ces idées, animé d’une bonne espérance, il secoue l’engourdissement, la torpeur, prend ses armes, court à l’ennemi. Donc, mes bien-aimés, si le marchand, si le soldat, si l’agriculteur, quelqu’incertaine que soit l’espérance, malgré tant de déceptions, tant d’obstacles, vous venez de l’entendre, tant d’empêchements si divers, ne redoutent pas la fatigue, n’abdiquent pas l’espérance de voir d’heureux jours, quelle sera notre excuse si nous reculons devant les difficultés de la vertu ? si nous n’acceptons pas volontiers pour elle tous les labeurs, quand notre espoir est si solide, quand nous voyons, en réserve pour nous, tant de récompenses, tant de couronnes d’un prix infiniment supérieur à tous nos mérites ? Écoutez donc le bienheureux Paul ; après tant d’afflictions, si souvent traîné devant les juges, si souvent chargé de chaînes, après tant de morts affrontées chaque jour : Je suis persuadé que les souffrances de la vie présente n’ont point de proportion avec cette gloire qui sera un jour découverte en nous. (Rom. 8, 18) Quand chaque jour, dit-il, nous subirions la mort, ce qui est impossible à la nature, quoique, par la bonté du Seigneur, l’âme triomphe de la nature et se pare dé si glorieuses couronnes, non, nous ne supportons rien, dit-il, qui mérite les biens qui nous attendent, la gloire qui doit un jour nous être révélée. Voyez de quelle gloire splendide jouissent les partisans de la vertu ! cette gloire dépasse l’éclat des plus belles œuvres que le plus saint puisse montrer à Dieu : eût-il atteint à la plus haute cime de la vertu, cette gloire rayonne plus : encore. Car enfin quelles œuvres magnifiques peut montrer l’homme, qui le soient assez pour répondre à la libéralité du Seigneur ? Si Paul, un tel homme, un si grand homme, disait : Je suis persuadé que les souffrances de la vie présente n’ont point de proportion avec cette gloire qui sera un jour découverte en nous ; s’il disait encore : Je meurs chaque jour. (1Cor. 15,31) ; et encore : J’ai travaillé plus que tous les autres (Id. 5,10), que dirons-nous, nous qui refusons de prendre la moindre peine pour la vertu ? nous qui, dans le relâchement de notre indolence, n’avons pour unique souci que de nous préserver de quelque mince chagrin, quoique pourtant nous sachions bien qu’il n’est possible d’atteindre à la céleste béatitude que par la patience qui supporte les douleurs présentes en aspirant au bonheur à venir ? Ces douleurs nous rendent agréables à Dieu, cette courte fatigue d’ici-bas nous assure la félicité dont jouissent en haut les élus : il nous suffit de vouloir, de suivre le conseil du docteur des