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8. Imitons donc ce juste ; nous aussi, accomplissons avec zèle les commandements de Dieu, et ne méprisons pas les lois que le Christ nous a apportées ; conservons-les toujours dans notre mémoire ; empressons-nous de faire des bonnes œuvres ; ne nous relâchons pas dans la conduite qui nous assure notre salut, et cela surtout, s’il est vrai qu’aujourd’hui le Christ exige de nous une vertu, d’autant plus grande, que nous avons reçu de plus grands biens en partage. Voilà pourquoi le Christ disait : Si votre justice n’est pas plus abondante que celle des Scribes et des Pharisiens, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux. (Mt. 5,20) Méditons donc cette parole ; sachons nous y arrêter ; réfléchissons sur la rigueur du châtiment réservé à ceux qui, non seulement ne travaillent pas à surpasser ces scribes, mais encore n’égalent pas leurs œuvres et ne s’inquiètent pas d’éteindre la colère qu’ils ressentent contre le prochain ; de conserver la pureté d’une langue qui ne connaît pas le parjure ; de préserver leurs regards de spectacles funestes ; d’accomplir le commandement de Dieu, qui nous ordonne, non seulement de supporter avec courage l’injustice dont nous sommes victimes, mais de répondre à la haine en la comblant de nos bienfaits. Si quelqu’un veut plaider contre vous, dit l’Évangile, pour vous prendre votre robe, abandonnez-lui encore votre manteau. (Mt. 5,40) Nous, au contraire, trop souvent, nous essayons de commettre l’injustice contre le prochain, ou de nous venger de celui qui nous blesse, quoiqu’il nous soit commandé, non seulement d’aimer ceux qui nous aiment, car les publicains en font autant (Id. 46), mais d’être bons, d’être des amis pour nos ennemis. Nous ne savons même pas rendre à nos amis l’amour qu’ils ont pour nous. Aussi je souffre et je pleure quand je vois, parmi nous, que la vertu est une rareté ; la malice, une force qui grandit chaque jour ; que la crainte de la damnation n’arrête pas notre course dans la perversité, que l’amour de la royauté céleste ne nous excite pas à cheminer dans la vertu ; nous sommes tous, passez-moi le mot, des troupeaux qu’on emmène ; nous allons sans penser, ni à l’heure terrible de la dernière épouvante, ni aux lois qui nous sont imposées par Dieu, et tous nous regardons ce que pensent les autres, nous poursuivons la gloriole qui vient du monde, et nous ne voulons pas écouter l’Évangile : Comment pouvez-vous croire, vous qui recherchez la gloire qui vient des hommes, et qui ne recherchez point la gloire qui vient de Dieu seul? (Jn. 5,44) S’il est vrai qu’en désirant cette gloire humaine ; on perd la gloire divine, il n’en est pas de même pour qui recherche sans cesse la gloire divine ; celui-là ne perd même pas la gloire qui vient des hommes. Dieu lui-même nous a fait cette promesse : Cherchez premièrement le royaume de Dieu et toutes ces choses vous seront données par surcroît. (Mt. 6,33) Oui, celui qui possède ce divin désir, entraîne tous les autres biens à sa suite ; qui s’envole vers Dieu, sur les ailes de l’âme, regarde comme si elle n’était pas toute la prospérité présente ; les yeux de la foi, quanti ils voient ces biens ineffables, ne voient plus, même les biens visibles, tant est grande, des uns aux autres, la différence. Mais je ne vois personne qui préfère l’invisible au visible. Aussi je m’afflige, et une douleur continuelle est dans mon cœur. L’expérience des choses ne nous a rien appris ; ni les promesses de Dieu, ni la grandeur de ses dons, ne font naître dans nos âmes le désir de posséder son royaume ; toujours à terre et rampant, nous préférons la terre au ciel, le présent à l’avenir, ce qui s’enfuit avant de paraître à la félicité durable ; le plaisir d’un jour à l’éternelle ivresse. Je sais bien que ces paroles, pour vos oreilles délicates, sont des piqûres qui les blessent, mais pardonnez-moi.
C’est parce que je désire votre salut que je vous parle ; c’est parce que j’aime mieux vous voir échapper, grâce aux quelques tracasseries d’ici-bas, à l’éternel supplice, que payer quelques chétifs plaisirs d’un châtiment sans fin. Si vous vouliez m’entendre, vous secoueriez un découragement intempestif, surtout quand il vous reste encore quelques moments de cette sainte quarantaine ; oui, vous pouvez vous purifier de vos fautes ; vous concilier toute la bonté de Dieu. Le Seigneur n’a besoin ni de jours, ni d’années ; si nous voulons, dans ces deux semaines qui nous restent, nous allons nous redresser, nous relever tout à fait. En trois jours, les habitants de Ninive ont montré leur repentir, et Dieu leur a montré son amour ; à plus forte raison aura-t-il des regards pour nous ; nous n’avons qu’à prouver la sincérité de notre repentir, qu’à rejeter la malignité, qu’à prendre résolument la route qui conduit à la vertu. Car, pour ces pécheurs, je pare de ceux de Ninive, voici le témoignage de la divine Écriture :