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VINGT-QUATRIÈME HOMÉLIE.


« Noé engendra, trois fils, Sem, Cham et Japhet. Or la terre était corrompue devant Dieu et remplie d’iniquité. » (Gen. 6,16)

ANALYSE.

  • 1. Que la sainte Écriture doit être lue avec une grande attention. – 2. Tableau de la corruption du monde avant le déluge. Quand les hommes se sont pervertis, l’Écriture dédaignant de leur donner le nom d’hommes, les appelle terre et chair Saint Paul use du même langage. – 3. Explication de cette parole : le temps de tout homme est venu devant moi Dieu ordonne de construire l’arche. – 4. La bonté de Dieu tempère autant que possible le châtiment exigé par la justice, puis, quand cette bonté ne peut plus retenir le bras de la justice qui tombe sur les pécheurs ; elle se tourne tout entière du côté de Noé qu’elle comble de faveurs et de consolations. – 5. La bonté de Dieu continue à se manifester dans l’ordre qu’il lui donne d’entrer dans l’arche avec des animaux, de se munir de tout ce qui lui sera nécessaire. – 6. Il ne faut pas abuser des nombres dans l’explication de l’Écriture. – 7. Les hommes d’avant le déluge n’eurent pas la même bonne volonté que les Ninivites. – 8. Exhortations.


1. Hier, nous avons recueilli une grande utilité de la généalogie du juste Noé ; car d’abord nous avons vu ce qu’il y a de merveilleux dans cette généalogie, et nous avons appris que le mérite de cet homme juste ne consiste pas dans la gloire de ses parents, mais dans la bonté de ses mœurs, qui lui a valu un si grand témoignage de la divine Écriture : En effet, dit-elle, Noé fut un homme juste et parfait au milieu des hommes de son temps ; Noé fut agréable à Dieu. Tout notre discours d’hier n’a été que le commentaire de ces quelques paroles. C’est la vertu de la parole divine de renfermer, en un petit nombre de mots, des trésors de pensées ; elle prodigue, à ceux qui mettent tous leurs soins à la pénétrer, ses richesses ineffables. Aussi, je vous en conjure, ne nous bornons pas à voir, pour l’acquit de notre conscience, chemin faisant, sans nous arrêter, ce qui paraît dans la sainte Écriture ; quand même nous ne rencontrons que des listes de noms ou des récits historiques, ayons soin de rechercher le trésor caché. Voilà, en effet, pourquoi le Christ disait : Scrutez les Écritures. (Jn. 5,39) C’est que l’esprit de l’Écriture ne se rencontre pas partout à la surface ; il faut scruter pour que rien ne reste caché dans la profondeur. Si le simple nom qui marque la nature, je parle en ce moment de ce mot si court, l’homme (Gen. 6,9), hier nous a fourni des réflexions d’une si grande utilité, quel gain ne recueillerons-nous pas de l’attention vigilante, appliquée à tous les détails de la sainte Écriture ? Nous avons, en effet, un Dieu plein de clémence, et, quand il nous voit inquiets, possédés d’un vif désir de comprendre la parole divine, il ne veut pas alors que rien nous manque ; mais, aussitôt, il éclaire notre pensée, il verse dans nos âmes les flots de sa lumière, et son admirable sagesse fait pénétrer en nous la plénitude de la vraie doctrine. Aussi, pour nous exhorter à cette étude, pour nous donner la vivacité du courage, il a décerné le bonheur suprême à ceux qui manifestaient un tel désir : Bienheureux ceux qui sont affamés et altérés de la justice, parce qu’ils seront rassasiés. (Mt. 5,6) Voyez la sagesse du Maître qui nous enseigne ; il ne se contente pas de nous exhorter par la considération du bonheur, mais ces paroles : qui sont affamés et altérés de la justice, montrent, à ceux qui les entendent, avec quelle ardeur de courage il faut scruter la parole spirituelle. De même, dit-il, que ceux qui ont faim s’empressent, avec une incroyable ardeur, de chercher la nourriture, de même que ceux qui éprouvent une soif ardente, s’élancent, transportés d’un désir ardent, vers le breuvage qui désaltère, de même il convient de courir à la doctrine spirituelle, comme des gens affamés, altérés. Les hommes animés d’un tel zèle, non seulement méritent le bonheur, mais ils obtiennent l’objet de leurs désirs. En effet, dit-il, ils seront rassasiés, c’est-à-dire assouvis ; ils assouviront leurs désirs spirituels. Eh bien donc, puisque nous avons un Seigneur si bon, si libéral, nous, de notre côté, courons à lui ; concilions-nous sa grâce, afin que lui-même, n’écoutant que sa miséricorde, éclaire nos pensées, noirs découvre la force de la sainte Écriture. Et vous, à votre tour, accueillez, avec toute l’ardeur d’un vrai zèle, la doctrine spirituelle, comme des hommes affamés, altérés : Il arrivera peut-être que la bonté, que la toute-puissance du Seigneur, quel que soit notre néant, par considération pour vous, pour votre utilité, ouvrira notre bouche, y mettra lui-même des paroles qui opéreront sa gloire et votre édification. (Eph. 6,19) Jetons tout dans le sein de Dieu ; livrons-nous à la grâce d’en haut ; invoquons Celui qui donne la clarté aux aveugles, aux bègues la parole facile, et reprenons la lecture que nous venons d’entendre, afin de vous exposer, mes frères, les pensées que nous aura suggérées sa miséricorde. Mais joignez, je vous en prie, vos âmes à mon âme ; soyez attentifs à la parole ; loin de vous toutes les pensées de la vie présente ! faites que nous puissions jeter la semence spirituelle comme dans une terre grasse et fertile, dont on a arraché les mauvaises herbes et les épines. Voici maintenant, dit l’Écriture, les enfants qu’engendra Noé. Noé fut un homme juste et parfait, au milieu des hommes de son temps ; Noé fut agréable à Dieu. C’est là que nous nous sommes arrêtés hier ; ce sont donc les paroles suivantes que nous devons nous proposer Et il engendra trois fils : Sem, Cham et Japhet. Ce n’est pas sans dessein que la divine Écriture nous a fait connaître, et le temps, et le nombre des fils de l’homme juste. Elle veut, par là, nous faire entrevoir, à mots couverts toute la grandeur de sa vertu ; car, après avoir dit : Noé, ayant