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VINGT-TROISIÈME HOMÉLIE.


« Noé trouva grâce devant le Seigneur Dieu. Voici les générations de Noé. Noé était un homme juste, accompli dans son temps : Noé plut à Dieu. » (Gen. 6,9)

ANALYSE.

  • 1. La vertu met l’homme à l’abri de tous les maux, tandis que le vice l’expose à tous les orages qui bouleversent la vie humaine. – 2. Courage et constance de Noé qui demeure seul juste au milieu de la corruption universelle. – 3. Il est impossible que l’homme juste jouisse de l’approbation universelle. Malheur à vous lorsque tous les hommes diront du bien de vous. (Lc. 6,86) – 4. L’Écriture évite de donner le nom d’hommes aux méchants. Elle le donne à Noé, elle le donne aussi à Job. – 5. Explication du mot juste, il exprime la possession de toutes les vertus. – 6. Exhortation.


1. Vous avez reconnu, dans ce qui précède, l’étendue de la bonté de Dieu et l’excès de sa patience : vous avez vu la prodigieuse perversité des hommes de ce temps ; vous avez appris quelle avait été, au milieu d’une pareille foule, la vertu du juste, qui n’avait souffert en rien de cet accord de tous dans le mal, et qui, loin de se laisser entraîner avec les autres, avait suivi la route opposée. De même qu’un bon pilote, maintenant d’une main ferme la direction de son esprit, il ne laissa pas submerger son vaisseau par les flots des vices déchaînés, mais il domina la tempête au milieu de cette mer, et parvint au port au moyen du gouvernail de la vertu, évitant le déluge qui devait engloutir tous les habitants de la terre. Tant il est vrai que la vertu est puissante, immortelle, invincible et supérieure à tous les accidents de cette vie : elle plane au-dessus des pièges de la méchanceté ; placée, pour ainsi dire, sur un poste élevé, elle voit les choses humaines sous ses pieds et reste inaccessible à tout ce qui blesse les autres. De même que l’homme, debout sur une falaise élevée, se rit des flots qu’il voit frapper le rocher avec grand fracas et retomber ensuite en écume, de même celui qui cultive la vertu, en sûreté sans cet abri, ne souffre d’aucun trouble ; il reste calme et tranquille, et comprend que la vie humaine ressemble à un fleuve, puisqu’elle s’écoule si rapidement. De même que nous voyons les flots de la mer tantôt s’élever, tantôt s’abaisser, de même nous voyons aussi ceux qui négligent la vertu et s’abandonnent au vice, tantôt montrer une joie orgueilleuse et se confier aux succès de cette vie, tantôt être abattus et tomber dans la dernière détresse. Ce sont eux que le bienheureux David indique, quand il dit : Ne crains rien en voyant s’augmenter la fortune d’un homme et se multiplier la gloire de sa maison : quand il mourra, il n’emportera pas tout cela. (Ps. 48,17) Il a raison de dire : Ne crains rien, ce qui signifie que l’opulence et la gloire du riche ne te troublent pas. Tu le verras bientôt gisant à terre, incapable d’aucune action, cadavre en proie aux vers, dépouillé de tout ce qu’il avait et qu’il a été obligé de laisser sans rien emporter. Que la vue des choses présentes ne t’inquiète donc pas et ne dis pas qu’un homme est heureux de ce qu’il possède, puisqu’il en est sitôt dépouillé. Telle est la nature de la félicité actuelle avec toutes ses richesses : elles ne nous suivent pas et il faut partir sans elles. Les riches laissent tout, ils sont nus en quittant la terre ; ils ne