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qu’elle disparaît. Ne voyons-nous pas souvent celui qui hier était précédé de licteurs et entouré de gardes, jeté aujourd’hui dans une prison et mêlé aux malfaiteurs ? Quoi de plus passager que cette gloire vaine et trompeuse ? Quand même elle ne subirait point de vicissitudes dans cette vie, la mort vient tout à coup détruire cette félicité : celui qui hier marchait fièrement sur la place publique, envoyait en prison et s’asseyait sur un trône, celui qui, gonflé d’orgueil regardait tous les hommes comme des ombres, sera aujourd’hui gisant, cadavre infect, accablé de malédictions par ceux auxquels il a fait du mal, et même par ceux auxquels il n’en à pas fait, mais qui partagent les peines des autres. Est-il un état plus misérable ? Tout ce qu’il avait rassemblé est partagé d’ordinaire entre ses amis et ses ennemis : quant aux péchés qui lui avaient servi à tout amasser, il les emporte avec lui, et il lui en sera demandé un compte sévère. Aussi, je vous en conjure, fuyons cette vaine gloire, et désirons la véritable qui dure éternellement ; ne succombons jamais à l’amour des richesses, ne nous laissons jamais brûler du feu de la concupiscence, flétrir par la jalousie et l’envie, ni enflammer par la colère et la fureur. Éteignons ces ardeurs impures et funestes par la rosée du Saint-Esprit, méprisons le présent, aspirons à l’avenir et, songeant au jour qui doit arriver, veillons avec soin sur toutes les actions de notre vie ; car cette vie ne nous a pas été donnée seulement pour boire et manger.
Nous ne devons donc pas vivre pour manger et boire, mais boire et manger pour vivre. Craignons de faire le contraire et d’être esclave de notre estomac et des plaisirs de la chair comme si nous étions faits pour cela : regardons tout ce qui vient de la chair comme dangereux pour nous, réprimons ses mouvements avec constance et ne permettons jamais qu’elle gouverne notre âme. Si Paul, cet homme incomparable, qui passait en courant dans l’univers comme avec des ailes, et s’était rendu supérieur aux exigences du corps ; qui avait eu l’honneur d’entendre des paroles mystérieuses que personne jusqu’à ce jour n’avait entendues ; si cet homme écrivait : Je châtie mon corps et je le réduis en servitude, de peur que, moi qui prêche les autres, je ne tombe en faute à mon tour (1Cor. 9,27) : si donc lui, honoré de tant de grâces, après tant et de si grands travaux, avait besoin de châtier, d’asservir et de soumettre à la puissance de l’âme un corps indocile (car on ne châtie que les rebelles et l’on n’asservit que les révoltés) ; que dirons-nous donc, nous, privés de toutes vertus, chargés de tous les péchés, et de plus si indolents et si faibles ? Une pareille guerre a-t-elle des trêves ? l’attaque n’est-elle pas imprévue ? Il faut donc redoubler de modération et de vigilance, et ne jamais être en sécurité ; car l’instant n’est pas déterminé et nous ne savons quand l’ennemi fondra sur nous. Soyons toujours attentifs et inquiets sur notre salut, afin de rester invincibles : en évitant ainsi les embûches de l’ennemi, nous méritons la miséricorde de Dieu, par la grâce et la pitié de son Fils unique, auquel, ainsi qu’au Père et au Saint-Esprit, sont gloire, puissance, honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. Voir le NEUVIÈME DISCOURS.